King Yosef + Violence @ Petit Bain - Paris (75) - 22 avril 2024

Live Report | King Yosef + Violence @ Petit Bain - Paris (75) - 22 avril 2024

Pierre Sopor 24 avril 2024

Ces dernières années, une tempête particulièrement dévastatrice sévit dans nos tympans : King Yosef, avec son mélange viscéral de metal industriel, de hardcore et de trap saccage tout sur son passage. Du dernier album de Youth Code où il apportait sa lourdeur et sa rage à un premier album solo sorti l'an dernier (chronique) en passant par plusieurs singles, il ne nous restait plus qu'à recevoir le jeune artiste sur scène. Après un passage au Japon et une tournée américaine en compagnie de HEALTH, il posait ses parpaings pour la première fois en France grâce à une date organisée par Voulez-Vous Danser et qui commençait avec Violence.

VIOLENCE

Il y a des plateaux particulièrement pertinent. Violence associé à King Yosef nous apparaît comme une évidence : même goût pour la lourdeur à outrance et l'agressivité outrancière, même plaisir à mélanger les genres et influences pour proposer une relecture moderne et cathartique du metal industriel boosté aux stéroïdes. Derrière Violence, il y a Frédéric Garcia alias Niveau Zero, un des parrains de la bass music chez nous, un type qui aime déjà bien décalquer les tronches avec des beats venus des abysses et qui a décidé que mélanger ça à du gros metal serait une bonne idée.

Il a eu raison, même si on devine que du côté des salles on sue un peu : est-ce que le bâtiment a été conçu pour ce genre de séisme ? Ce soir, ils n'étaient que trois sur scène : avec Fabio Meschini (ex-As They Burn) à la guitare et John Kazadi (ex-Henker) au chant, le trio devait faire sans son batteur Morgan Sansous, coincé à l'étranger. Est-ce qu'il a manqué ? Peut-être. On n'ose pas trop imaginer ce que ça aurait donné, vue la lourdeur des impacts. Violence tabasse, avec son show light agressif et son mélange metal / hardcore / bass / dubstep / indus qui pousse à fond tous les voyants de la démesure. Behind Masks, Engine, The Poison and the Cure, Violence will not Save You : les claques s'enchaînent, c'est intense et puissant, archi accrocheur. Il se dégage de ce mélange un truc à la fois jouissif et méchant: Violence ne fait pas dans la politesse, la subtilité ou la timidité. Violence fait dans la démolition.

KING YOSEF

Seul au moment de composer et d'enregistrer, Tayves Yosef Pelletier est accompagné sur scène de deux camarades. L'un prend une guitare ou les claviers selon les besoins, l'autre cogne sur des futs. Tiens, une vraie batterie. On peut donc sentir immédiatement une différence avec Violence : King Yosef a ce côté organique plus fou, plus imprévisible, plus sale aussi. Après un faux départ (les ordinateurs, quand ça veut pas, ça veut pas !), le jeune musicien originaire de Portland nous crache ses tripes.

Si Violence avait une approche rythmique qui rend ses titres immédiatement accrocheurs, King Yosef préfère le chaos des émotions rageuses, la déconstruction, les structures bizarroïdes qui piochent dans la trap et le hardcore. C'est moins dansant mais plus personnel : le type se démène sur scène, shoote dans ses bouteilles d'eau, lutte avec le câble du micro, crache des gorgées d'eau en même temps que ses tripes. Et, entre deux blocs de noirceur balancés au public (Power et son intensité crescendo, massive, les explosions hargne de Mist of Pain), il prend le temps de remercier son public et s'amuse de pouvoir voyager autour du monde alors qu'il fait sa musique tout seul dans sa chambre. Avec ses hurlements écorchés et sa coupe mulet, il est trop mignon ce petit bonhomme qui avoue ne pas avoir encore donné de titre à un nouveau morceau joué. Les très rares accalmies n'en sont d'ailleurs pas vraiment : An Underlying Hum jouée en fin de concert, avec son désespoir suintant, ne rend que plus malsain un air déjà irrespirable.

Alors certes, Petit Bain n'était pas complet (on était d'ailleurs surpris que pour sa première venue en France, King Yosef y soit programmé) mais les gens présents connaissent leur sujet sur le bout des doigts et la fosse devient un joli bordel après deux / trois morceaux pour se chauffer. Les absents (dont vous faites partie) ont raté ça mais se sont probablement demandés ce qu'étaient ces secousses sur la région parisienne aux alentours de 22h. A l'image de sa musique, le concert de King Yosef est court mais intense, un truc très énervé qui, après une grosse demi-heure prend fin avant un rappel... qui, une fois n'est pas coutume, ne ressemble pas à l'habituel rituel du faux départ. Le chanteur revient après avoir été réclamé et plaisante "mais on n'a plus rien à jouer ! Quelle chanson vous voulez ?" avant de nous offrir un final cathartique digne de ce nom. Rien ne dépasse, c'est sauvage, intense, brutal, on a suffoqué pendant tout un set certes court mais qui n'aurait rien gagné à être plus long, si ce n'est le plaisir de continuer à suer et convulser comme des bêtes. Très cool. Vous ne le savez sûrement pas encore, mais King Yosef est un futur poids lourd du genre.