Titre : 3 From Hell
Réalisateur : Rob Zombie
Année : 2019
Avec : Bill Moseley, Sheri Moon Zombie, Richard Brake, Jeff Daniel Philipps, Dee Wallace, Emilio Rivera, Pancho Moler
Il y a presque une vingtaine d'années, Rob Zombie se mettait enfin au cinéma après avoir réalisé des clips ou quelques scènes ici et là. Le résultat, House of 1000 Corpses (La Maison des 1000 Morts, 2003) traumatisait ses producteurs mais électrisait le public grâce à un mélange d'humour très noir, d'ultra-violence et une galerie de personnages devenus cultes, la famille Firefly. Deux ans plus tard, il offrait à ses psychopathes une suite, The Devil's Rejects. Le film est devenu mythique, surpassant pour beaucoup le précédent grâce notamment à une atmosphère plus réaliste particulièrement sale mais surtout à une confusion des valeurs morales et une maîtrise du changement de ton qui permettait de profondément s'attacher aux trois salopards malgré toutes leurs atrocités.
Depuis, les films de Rob Zombie ont de plus en plus divisé ses fans jusqu'à finalement presque disparaître des radars. Peut-être vexé par les échecs commerciaux successifs (malgré sa tentative avec The Lords of Salem d'essayer autre chose), on le retrouve donc en 2019 avec 3 From Hell, la suite de The Devil's Rejects dans ce qui apparaît comme une tentative désespérée d'attirer à nouveau l'attention du public en rappelant la famille Firefly. Si vous n'avez pas vu The Devil's Rejects, n'allez pas plus loin : on parle de la fin dès le paragraphe suivant.
Dès l'annonce du projet, réclamé depuis des années, une question s'imposait : comment réaliser une suite alors que les personnages principaux se font flinguer lors de la mémorable scène finale ? La réponse, on l'a dès les premières minutes de 3 From Hell : ah bah, en fait, ils sont pas morts, hein. Ils ont tous les trois pris une vingtaine de balles, mais ça va mieux. On voit presque Rob Zombie hausser les épaules et ajouter "si vous êtes pas contents, c'est pareil". Une pressentiment funeste s'empare alors de nous : toute l'entreprise sent le pâté avant même de se pencher sur des problèmes de production (on devine le budget rachitique, et les plans ont dû être chamboulés peu de temps avant le tournage quand le regretté Sid Haig s'est retrouvé dans l'incapacité de participer au film en raison de sa santé déclinante).
Un des ingrédients de la réussite de The Devil's Rejects, c'était son style très différent de House of 1000 Corpses. On pouvait alors attendre, pour ce troisième film, une troisième approche. Pourquoi pas une lecture littérale du titre "les rebuts de l'enfer" et un angle ouvertement fantastique avec trois tueurs ressuscités et immortels qui reviennent hanter notre monde ? Rob Zombie ne chantait-il pas lui-même "hell doesn't want them, hell doesn't need them, hell doesn't love them" dans le morceau The Devil's Rejects de l'album Educated Horses ?
Mais non. Passé un prologue qui nous raconte ce qui s'est passé en dix ans (pas grand chose) et sert à caler un rapide caméo de Sid Haid mourant dont le magnifique Captain Spaulding manque cruellement, 3 From Hell ne fait rien de plus que décalquer son grand frère, mais de la main gauche. Tout d'abord dans le ton : humour salace et répliques trash s'enchaînent sans ne jamais retrouver le piquant des punchlines au vitriol du modèle. Le scénario, d'une paresse lamentable, reprend les grandes lignes de The Devil's Rejects sans ne jamais faire preuve d'inspiration ni de génie : la prise en otage de deux couples dans son salon ? Check. Un membre de kla famille d'une victime des Firefly qui veut se venger en guise d'antagoniste ? Check. Le refuge accueillant et sympathique où l'on vient picoler mais qui pue le traquenard à plein nez ? Check. La fin mémorable et iconique à mort ? Ah non, pas cette fois : quand on arrive au générique de fin (décalqué à nouveau sur vous-savez-quoi), on se dit juste "Ah. Bon. Tant pis.".
Le pire, ce n'est pas tant que tout a déjà été vu en mieux il y a quinze ans, mais bel et bien l’indigence de l'écriture. Non seulement Rob Zombie rejoue les scènes du précédent film, mais il ne prend même pas la peine d'écrire correctement ses personnages. Adieu les frontières morales floues et les scènes qui nous laissaient le temps de nous attacher à ses personnages : 3 From Hell n'est qu'un enchaînement de saloperies et vannes ordurières qui tentent, de manière puérile, d’effaroucher un public qui, en terme de choc et de violence, a déjà vu bien plus puissant, sauvage et intelligent il y a quinze ans. On méritait d'être traité avec moins de mépris par un réalisateur qui donne surtout le sentiment de nous prendre pour des jambons à qui il suffit de jeter des "bitch" et "motherfucker" dans chaque réplique et des gros nénés toutes les dix minutes. Avec dédain, Zombie semble dire "vous vouliez votre suite pourrie, moi je voulais pas la faire, vous avez insisté alors voilà, bien fait pour vous".
Le traitement des personnages est catastrophique, mais il faut bien reconnaître au nouveau venu Richard Brake une sacrée gueule (même s'il est dans son habituel registre du sourire dément de gros dégueulasse) et à Bill Moseley un réel talent. Son regard glacial qui brille entre sa tignasse et son épaisse barbe réussit à dégager à la fois une dureté, une douceur et une ironie qui donnent une profondeur au néant total des scènes qu'il a à jouer. Du côté de Sheri Moon Zombie, point de salut : elle jouait déjà mal il y a quinze ans, ça ne va pas mieux. En plus de ses ricanements hystériques, la voilà qui se met à miauler. Dur. Là encore, une écriture paresseuse essaye au début de nous montrer un personnage changé, éprouvé par la prison. Une piste totalement abandonnée une fois la première partie du film passée. Mentionnons néanmoins les partition de Dee Wallace, impeccable en gardienne de prison, et de Pancho Moler, rares personnages un chouïa écrits, étoffés et incarnés avec talent.
3 From Hell a tout d'une mauvaise fan fiction : c'est moche (même si quelques plans sauvent la mise, quelle misère esthétique, notamment lors de scènes d'action illisibles), mal écrit, et ne fait que servilement décalquer son modèle. Mais ce n'est pas le pire : il suffirait alors d'ignorer ce que l'on vient de voir. Non. Le pire, c'est qu'en ramenant à la vie des personnages aussi cultes et en bousillant ainsi la fin de The Devil's Rejects pour nous infliger un tel nanar, Rob Zombie soulève une interrogation légitime : avait-il seulement compris ce qui faisait de The Devil's Rejects un bon film, ou était-ce un coup de chance ? L'avenir de réalisateur du chanteur s'annonce sombre tant il semble perdu et coincé dans une image dont il n'arrive pas à se dépêtrer et paraît ne plus rien avoir à dire ni à montrer.