[Cinéma] Après une semaine sur Shadowz, impressions

[Cinéma] Après une semaine sur Shadowz, impressions

Pierre Sopor 20 mars 2020

Initiative française financée via crowdfunding, Shadowz a été mise en ligne le 13 mars dernier, il y a donc une semaine jour pour jour. Comme la période est au confinement, on a pu en profiter de cette plate-forme de streaming consacrée au cinéma de genre (comprenez par-là l'horreur, le fantastique et le thriller). On vous propose un petit retour sur l'expérience, mais que ça ne vous empêche pas d'aller voir par vous-même : https://www.shadowz.fr/home

Le catalogue

C'est le plus important, bien sûr : le choix proposé. Certains l'ont trouvé limité (on a compté 145 films). Souvenons-nous que Shadowz est née grâce à quelques passionnés et un financement participatif : dans ces conditions, voir réunis des films récents plus ou moins connus et quelques grands classiques est déjà largement satisfaisant.

On trouve de tout : quelques maîtres du genre comme Romero, Bava, Argento et Carpenter, de bien belles choses relativement récentes (Babadook, L'Orphelinat, Blue Ruin, Tucker & Dale), des beaux restes des DTV pré-invasion Netflixienne (Heartless, The Pact, The Woman), d'infâmes bouses (allez, profitons-en pour enfoncer un peu le navrant Deathgasm et son humour lourdeau ou Burying the Ex de Joe Dante), de quoi rigoler, de quoi frissonner, de quoi se couper l'appétit.

Un coup malin est de proposer des "sagas" : on le sait, les films d'horreur ont tendance à être déclinés en nombreuses suites. Parfait pour se faire un cycle enfermé chez soi : Shadowz propose les trois premiers Hellraiser et les cinq Phantasm, ainsi que quelques suites (The Collector et The Collection par exemple). On se doute que les questions de droits doivent parfois être compliquées (ce n'est pas pour rien si la franchise Vendredi 13 est gelée depuis des années), mais on a hâte de voir ce que l'avenir nous réserve de ce côté là (les Leprechaun ou les Puppet Master, par exemple, doivent être plus abordables que les Chucky).

Accuser Shadowz de "jeunisme" serait injuste : on trouve plusieurs films des années 70, voire 60. Cependant, il est vrai que ça manque peut-être un peu de ce côté là. Retrouver du fantastique et de la série B des années 50/60 (piochons allègrement dans le catalogue de Bach Films, entre les Corman et le fantastique mexicain on peut trouver notre bonheur), voire espérer quelques curiosités muettes ou des années 30/40 ferait bien plaisir en plus d'être probablement abordable. Reste la question de l'existence de version HD de ces films...

Cependant, il est capital de rappeler deux choses : Shadowz n'a qu'une semaine et Shadowz n'a pas la puissance de frappe de Disney ou d'Amazon. Comparer son offre à celle de géants installés depuis 10 ou quinze ans ou possédant la moitié de la planète serait malhonnête. Et surtout, pour l'instant, Shadowz ne propose pas de séries et n'est pas là pour nous pousser au binge-watching. Pour cinq euros par mois, même en ne regardant qu'un film par semaine, ça reste plus qu'honnête. En l'état, pour un lancement, le catalogue est suffisamment fourni pour nous occuper et surtout assez varié (en genre, en époque, en qualité, en pays d'origine), signe d'une passion sincère de ceux qui l'ont créé et de leur volonté d'offrir de tout pour tout le monde (les cannibales de Green Inferno d'Eli Roth côtoient la poésie psychédélique du film d'animation des années 70 La Planète Sauvage de René Laloux !)

L'interface

Très classique, elle reprend dans les grandes lignes celle de Netflix. Pas d'application pour l'instant, tout se passe sur notre navigateur.

On apprécie sa lisibilité, le système de tags pour les recherches, les sélections proposées (Soirées pizza / bières entre potes, Woman Power, Pépites Méconnues... et c'est tout pour l'instant !). C'est clair, c'est beau, on choisit un film comme on choisissait un DVD dans son bac, attiré par une affiche (ce que Netflix a tendance à oublier). Aucun ralentissement n'a été constaté lors de la lecture (la qualité de la vidéo s'adapte aux différents débits et formats). Oh, et surtout, tous les films sont proposés en VO avec sous-titres, alors qu'Amazon Prime osait proposer certaines péloches uniquement en VF. Scandale !

Bien sûr, tout cela reste perfectible. Habitué au confort de Netflix & co, on peut être surpris la première fois que l'on arrête un film : en revenant plus tard, il faut se souvenir où on en était. On s'adapte bien vite. Le système de recherches fait parfois des siennes, ne trouvant pas certains films pourtant bien présents, ou se plantant sur le tri par pays. Laissons à Shadowz un peu de temps et tout ça devrait rouler bien mieux.

Plus gênant, car impactant immédiatement notre confort de visionnage, l'absence de "mode nuit". Une fois que l'on s'éloigne de la page d'accueil pour explorer les genres, un écran blanc vient nous éclater les yeux. Oh, les amis, on est des fans de cinéma d'horreur : on reste plantés devant notre écran sans allumer les lumières et on dort peu. Merci de penser à nos rétines fragiles (et à la planète, un fond noir ça consomme moins) !

Enfin, on a pu lire qu'apparemment certains films ne proposaient pas de VF. Bon. Personnellement, moi, je m'en fous (même si j'adore une bonne VF des années 80). Précisons quand même que certains films n'ont pas de VF tout simplement car elles n'existent pas : tous les films n'ont pas les honneurs d'une distribution internationale avec doublage. Autant sous-titrer un film peut se faire chez soi, autant le doubler est un tout autre travail. Pas de rancune de ce côté là !

Nos espoirs

Notre premier espoir est que Shadowz puisse perdurer. Si elle n'est pas encore pléthorique, l'offre est tout de même honnête et largement satisfaisante pour un lancement. Quel plaisir de pouvoir piocher entre des films récents boudés en salle ou de se refaire une sympathique bisserie des années 80 (Messe Noire, trop cool).

Si Shadowz perdure, on espère voir de nouveaux ajouts, et, toujours, conserver cette variété. Imaginez un peu ce que ça pourrait devenir avec le temps : avoir le choix entre un Tod Browning, un Corman avec Vincent Price, une production Hammer, une déviance barge des années 80 à la Henenlotter, un grand classique (peu importe son époque), ou découvrir d'obscurs films hallucinants dont on ne parle pas forcément en école de cinéma... Faisons confiance aux gens qui s'occupent de tout ça, ils l'ont fait très bien et gageons qu'avec le temps, on devrait en voir de belles si on leur en laisse la possibilité.

On espère enfin quelques perfections d'interface. Ça demande un peu de technique et de temps, mais ça semble aussi primordiale pour une bonne navigation et profiter pleinement de l'offre proposée.

Bref. Si on a passé du temps sur les petits défauts de Shadowz, on peut être plus que séduit par la démarche, la qualité de l'offre et son faible coût. Shadowz propose enfin quelque chose que l'on pensait mort quand les plates-formes de streaming ont achevé le marché du DVD : retrouver autre chose que les productions hollywoodiennes calibrées (qui surfent quasi toutes sur le succès des films de James Wan), et avoir le plaisir de se faire une soirée film d'horreur hors des sentiers battus.

Rien que pour ça, Shadowz mérite notre gratitude, notre amour, et cinq misérable euros par mois. On est impatients de voir sur la durée ce qu'ils vont nous proposer !

Conseils en vrac : Phantasm, Messe Noire, Hellraiser, Heartless, The Pact, Les Frissons de l'Angoisse, L'Orphelinat, Donnie Darko, Dawn of the Dead, Re-Animator, Tucker & Dale, La Planète Sauvage,