Titre : Evil Dead Rise
Genre : Horreur
Réalisateur : Lee Cronin
Année : 2023
Pays : USA
Avec : Lily Sullivan, Alyssa Sutherland, Gabrielle Echols, Nell Fisher, Morgan Davies
Synopsis : Les retrouvailles de deux sœurs séparées sont interrompues par l'apparition de démons possesseurs de chair, ce qui les plonge dans une bataille primitive pour la survie, face à la version la plus cauchemardesque de la famille.
Dix ans après un remake / reboot, la franchise Evil Dead est enfin de retour sur grand écran avec Evil Dead Rise, un film initialement prévu pour une plateforme de streaming mais qui a finalement droit à une sortie en salles. Encore heureux ! Nouveau départ pour l'univers créé par Sam Raimi, cette version s'affranchit de ses prédécesseurs en introduisant (encore) de nouveaux personnages et un nouveau décor. Direction un immeuble insalubre, où l'on fait la connaissance d'une petite famille faisant face aux difficultés du quotidien, jusqu'à ce qu'un des gamins ne trouve un mystérieux livre sous le parking de l'immeuble (faisant de Lee Cronin, réalisateur avant ça de The Hole in the Ground, un auteur visiblement passionné par... les trous dans le sol)... La suite, on la devine.
Difficile pour Evil Dead Rise de se positionner par rapport à ses illustres prédécesseurs. Les films originaux avaient révélé l'incroyable talent de metteur en scène de Sam Raimi qui y réussissait un numéro d'équilibriste rare en offrant des films aussi cartoonesques que cauchemardesques, où l'horreur et la comédie étaient poussés à fond, et donnait vie à une icône du cinéma d'horreur en la personne de Ash Williams, héros malgré lui incarné par Bruce Campbell. La générosité, la passion pour le cinéma et le génie débridé de Raimi lui ont permis d'utiliser le cinéma gore fauché comme tremplin pour se retrouver à la tête d'énormes productions hollywoodiennes (comme, plus tard, Peter Jackson). Le remake de 2013, lui, laissait de côté la gaudriole pour une approche nihiliste particulièrement sombre, sauvage et violente d'une noirceur rare malgré un final épique libérateur. Une scène post-générique laissait supposer à l'époque des suites... mais c'est finalement sous forme de série que l'on retrouvait Evil Dead. Parfois très drôles, les trois saisons réservaient quelques passages dignes d'entrer dans la légende (cette scène de morgue à s'arracher la mâchoire) mais nous présentaient peut-être un Ash un peu trop crétin et balourd qui faisait pencher l'ensemble vers la comédie à gros sabots.
Evil Dead Rise n'est jamais aussi inventif que les films de Raimi, jamais aussi fou non plus, et on est très loin de la radicalité du remake de 2013. Les amateurs de gore et d'horreur déviante trouveront probablement l'hallucinant Terrifier 2 sorti il y a quelques mois bien plus osé et jusqu'au-boutiste (mais aussi bien plus bancal). Le film se retrouve donc dans une situation assez injuste, souffrant sans cesse de la comparaison et du poids écrasant de ses ainés dont il n'arrive pas à se débarrasser. Cronin surdose d'ailleurs un peu trop le fan-service : on commence avec une maison isolée dans la nature, la pizzeria du coin s'appelle Henrietta, les plans sur la tronçonneuse sont plus qu'appuyés, il y a bien sûr un fusil à pompe et il nous refait la scène de l’œil d'Evil Dead 2 de manière trop téléphonée pour que ça fonctionne... À cela, il ajoute des références explicites, notamment à The Thing de Carpenter ou à Shining de Kubrick, qui finissent par ajouter une impression de patchwork référentiel détournant un peu trop notre attention.
Mais Evil Dead Rise ne démérite pas pour autant. Les principales stars du film sont cet immeuble décrépit et son appartement aux lumières tamisées, relocalisant le huis-clos forestier à Los Angeles (et remplaçant ainsi la trappe menant au sous-sol par une porte retenue par l’entrebâilleur), et la mère des gamins jouée par Alyssa Sutherland dont les traits particuliers ont fière allure une fois que l'horreur commence. En prenant pour cible une mère, sa sœur et ses enfants, le film ajoute une bonne dose de trauma familial toujours amusante, optant pour une forme de cruauté jusque là inédite dans Evil Dead, même s'il aurait là encore été possible de faire bien pire... Les décors sont bien utilisés, le rythme se tient malgré un petit creux après l'introduction, Cronin a quelques idées de mises en scène efficaces à défaut d'être révolutionnaires et emballe son film avec un savoir-faire d'artisan modeste mais compétent. Le casting fait bien son job, campant avec conviction différents stéréotypes (de la final girl badass au voisin bourru ronchon). Quand on en vient au gore, on a droit à quelques scènes suffisamment méchantes pour que le film soit divertissant même si l'on regrette parfois le manque d'ambition et de créativité de certains clichés réutilisés. Le design du Necronomicon est sympathique (partant de cette idée des trois livres différents aperçus dans Army of Darkness) et la dernière partie suffisamment débridée pour que l'on en ressorte satisfait. Si les scènes grand-guignolesques over the top sont trop rares, elles sont quand même suffisamment présentes pour qu'on ne pinaille pas trop sur un scénario un brin léger (notamment ce démon qui ne semble contrôler l’électricité que quand ça nous arrange).
Le principal handicap du film est, en définitive, son appartenance à une franchise au sein de laquelle il semble tout petit. Evil Dead Rise serait sorti avec un autre titre, présenté par exemple comme une énième production Jason Blum aseptisée et quelconque, il aurait paru autrement plus osé et surprenant. Là, il fait office de série B honnête, bien fichue, méchante, plaisante, rafraichissante même dans un paysage horrifique hollywoodien souvent insipide, mais peut-être un brin trop timide et fadasse. Sympathique mais pas mémorable, Evil Dead Rise aurait pu être bien pire, mais il aurait surtout dû être plus ambitieux. Souhaitons-lui un succès suffisant pour lancer des suites qui feront preuve de plus d'audace... en attendant, on ne boudera pas notre plaisir de revoir des deadites sur grand écran.