Titre : Gretel & Hansel
Réalisateur : Oz Perkins
Année : 2020
Avec : Sophia Lillis, Alice Krige, Samuel Leakey
Synopsis : Une jeune fille conduit son petit frère dans une forêt sombre à la recherche de nourriture et d'un travail. Ils vont rencontrer une sorcière terrifiante.
Osgood Perkins (oui, son papa s'appelle Anthony) a su, en peu de films, imposer sa marque de fabrique. Un cinéma fascinant, esthétiquement saisissant mais dont la lenteur et le côté bavard pouvaient rebuter. Avec Gretel & Hansel, il propose une relecture horrifique et féministe du célèbre conte : ici, l'intrigue est centrée sur Gretel, légèrement plus âgée que son frère, et même si l'histoire que l'on connaît est un peu transformée, les grandes lignes demeurent. Deux enfants qui ne peuvent plus compter sur leurs parents sont livrés à eux-mêmes dans une forêt inquiétante et trouvent refuge chez une sorcière faussement accueillante (Alice Krige a vraiment la tête de l'emploi).
Ce qui saisit d'emblée dans Gretel & Hansel, c'est le soin apporté à l'image. Le film est beau, très beau même. Perkins aime les compositions géométriques (au point d'avoir l'impression d'être devant de la SF mystique alors qu'il n'y a rien ici de science-fictionnel), impression renforcée par la musique électronique) et chaque plan est un tableau que l'on admire avec plaisir (silhouettes inquiétantes dans les sous-bois brumeux et cauchemars éveillés graphiquement somptueux nous flattent la rétine tout au long du film). Saluons le travail du directeur photo, Galo Olivares, dont les couleurs apportent une touche surréaliste et psychédélique qui nous plongent dans l'univers onirique et halluciné du film. On pense à The Witch de Robert Eggers pour le côté païen et la forêt menaçante, mais dans une version moderne et hallucinée, avec son héroïne aux cheveux courts (excellente Sophia Lillis, la Berverly des Ça), ses nappes de synthés retro-futuristes, ses profondeurs de champs bizarres, ses angles surnaturels et ses couleurs flamboyantes.
Loin d'être une coquille vide ou une élégante vitrine, Gretel & Hansel, avec son époque indéfinie, s'approprie avec intelligence les éléments du conte de fée, à commencer par sa cruauté et sa noirceur. Hansel, avec son innocence et sa naïveté incarne cet ancrage dans le merveilleux. Mais c'est surtout à Gretel que l'on s'intéresse et à son passage à l'âge adulte marqué par la figure de la sorcière, inquiétante certes, mais qui synonyme d'émancipation et de liberté : Perkins insiste, la sorcière, figure féministe très actuelle, c'est surtout celle qui refuse de rejoindre la communauté dominée par les hommes pour y faire "ce que l'on attend d'elle".
Bien que l'on en connaisse les grandes lignes et que l'intrigue ne réserve pas d'immenses surprises, Gretel & Hansel est un film aux thématiques intelligemment abordées doublé d'une succession de fulgurances visuelles où les cauchemars gothiques prennent vie avec modernité. C'est très beau, inquiétant, intéressant et assez court pour que sa lenteur (qui contribue grandement à l'atmosphère onirique de l’œuvre) n'alourdisse en rien l'ensemble. Surtout, l'ambiance du film justifie une certaine retenue qui rend la chose visible par un public relativement jeune sans que cela ne nuise au résultat (à la manière d'un conte de fée donc, que l'on raconte aux enfants malgré les atrocités qui s'y déroulent). En cette année mutilée de bon nombre de sorties, Gretel & Hansel est une petite merveille fantastique que l'on aurait tort de bouder, à condition de se laisser prendre par son rythme hypnotique.