Titre : L'Œuf de l'Ange (Tenshi no Tamago)
Réalisateur : Mamoru Oshii
Année : 1985
Avec : Hyoudou Mako, Nezu Jinpachi
Synopsis : À l'aube d'un second déluge, prédisant l'arrivée d'une espèce supérieure à l'homme, une petite fille trouve un œuf qu'elle garde. Elle rencontre un jeune homme qui la suit, curieux de savoir ce que contient cet œuf.
L'Œuf de l'Ange est le troisième long-métrage d'animation de Mamoru Oshii, auteur plus tard de l'adaptation de Ghost in the Shell ou du film en prise de vue réelle Avalon. Pour l'Œuf de l'Ange, il confie la direction artistique à l'illustrateur et peintre Yoshitaka Amano, qui a notamment conçu les personnages des jeux vidéos Final Fantasy.
L'Œuf de l'Ange est une œuvre mystérieuse, culte mais relativement confidentielle, notamment en raison de sa rareté en Europe. Le film n'a en effet pas eu droit à une édition vidéo dans nos contrées et il faut donc se rabattre sur l'import et espérer se dépatouiller avec les sous-titres que l'on trouvera (le film est sur youtube). Ces derniers sont cependant dispensables, étant donné le faible nombre de dialogues et leur dimension cryptique.
Le mot est lâché, cryptique. Le mystère qui enveloppe le film vient également de son hermétisme, Oshii nous perdant dans une univers post-apocalyptique futuriste et gothique dont on ne sait rien et ne nous en dit pas plus. Il faudra se rabattre sur les nombreuses références bibliques (le Déluge, l'Arche, des Anges, un personnage aux mains bandées, comme pour cacher ses stigmates, portant avec lui une espèce de croix...) si l'on veut rationaliser tout ça.
Chercher à expliquer de A à Z L'Œuf de l'Ange serait cependant aussi vain que regrettable : le réel intérêt du film se trouve dans son univers et, justement, ses énigmes. On est saisis par les ruines de ce monde, l'incroyable vie de la chevelure de la petite fille, les couleurs vivaces des sublimes tableaux qui défilent devant nos yeux, l'inventivité et la poésie de l'ensemble, comme lorsque des sortes de fantômes cherchent à harponner en vain l'ombre de baleines volantes passant sur les murs d'immeubles abandonnés, répétant probablement les gestes d'une vie passée de façon mécanique.
Oshii joue à nous perdre, au risque d'agacer les plus impatients : L'Œuf de l'Ange est un film de silences (les répliques y sont rarissimes) dans lequel on erre comme dans un rêve, sans savoir d'où l'on vient, où on est ni où l'on va. Les plus geeks rapprocheront sûrement ce type de narration cryptique, à base d'indices chuchotés et cachés, de la série des Dark Souls ou de Bloodborne, alors que les décombres de cette vieille ville européenne à la gloire oubliée et battue par la pluie rappelle la mélancolie et les mystères du merveilleux Hollow Knight. Il y a fort à parier que ces univers plus récents doivent beaucoup à L'Œuf de l'Ange.
Œuvre magnifique visuellement mais opaque, L'Œuf de l'Ange laissera sur le bord de la route les gens allergiques à la lenteur (il ne se passe pas grand chose) ou à l'absence de réponses. Il faut accepter de se perdre sans but précis aux côtés de cette petite fille, de porter avec elle cet œuf sans trop savoir pourquoi. Oshii ne nous accorde que quelques pistes pour orienter notre imagination à laquelle il offre un magnifique bac à sable. A nous de trouver dans cette étrange pépite intrigante et fascinante ce que l'on peut, ce que l'on veut.