Titre : Le croque-mort s'en même (The Comedy of Terrors)
Réalisateur : Jacques Tourneur
Année : 1963
Avec : Vincent Price, Peter Lorre, Joyce Jameson, Boris Karloff, Basil Rathbone, Joe E. Brown
Synopsis : Nouvelle-Angleterre dans les années 1890. Une entreprise de pompes funèbres est en difficulté par manque de clients, et le propriétaire réclame un arriéré d'un an de loyers. Pour augmenter le chiffre d'affaires, un des croque-morts décide de tuer des personnes pour avoir des clients. Mais tout ne se passera pas comme prévu...
C'est l'automne, la nuit tombe plus tôt, le ciel est gris, les feuilles tombent, bref, ça commence à sentir bon les soirées à la maison à se repasser des classiques gothiques des années 50 et 60, non ? Imaginez un peu le tableau : le grand Jacques Tourneur (réalisateur notamment de I Walked With A Zombie et La Féline) réunit devant sa caméra la bande des adaptations de Poe par Roger Corman. Les immenses Vincent Price (promis, on essayera de ne pas mentionner son incomparable voix pour une fois), Peter Lorre, Boris Karloff ou Basil Rathbone se donnent la réplique dans cette nouvelle histoire macabre, d'après un scénario de Richard Matheson (auteur des romans Je suis une légende et L'Homme qui rétrécit). Avouez que l'affiche a belle allure.
Nouvelle Angleterre ? Check. Décors en studio cachés par des tonnes de fumée, pour l'ambiance ? Check. Cimetières ? Check. Couleurs flamboyantes, notamment lors de magnifiques nuits bleutées ? Check. Le cahier des charges du film gothique façon Hammer, ayant aussi inspiré les studios Amicus ou, en l'occurence, l'AIP Outre-Atlantique semble respecté. Vincent Price y sera-t-il si atrocement tourmenté, seul dans un manoir tombant lentement en ruine, récitant du Poe avec sa si splendide... moustache (ouf, il s'en est fallu de peu) ? Pas cette fois. Malgré son ambiance gothique et macabre, Le croque-mort s'en mêle est une farce burlesque et morbide qui profite de tout le génie comique de son casting, utilisé à contre-emploi et qui, déjà, s'en donnait à coeur joie dans Le Corbeau de Corman et l'incroyable adaptation du Chat Noir dans l'Empire de la Terreur, du même Corman, sorti l'année précédente.
Associer l'élégance aristocratique de Vincent Price, odieux croque-mort assassin et cupide, à la trogne unique du fantastique Peter Lorre, au regard hagard et rêveur et aux réparties tordantes récitées avec son accent caractéristique, relève de l'évidence tant l'alchimie entre les deux hommes est miraculeuse. Le duo garantit l'essentiel du spectacle avec ses mimiques impayables, qu'il s'agisse de gags burlesques désuets ou de situations hilarantes, comme une scène d'enterrement d'anthologie. Les deux sont quand même bien aidés par Joyce Jameson, malgré une certaine misogynie d'époque, Boris Karloff en pépé sourdingue et Basil Rathbone en amateur de Shakespeare combatif et cataleptique. Une bien belle troupe qui, malheureusement, s'unit pour la dernière fois : Le croque-mort s'en mêle est l'avant dernier long-métrage de Tourneur, une des dernières apparitions à l'écran de Peter Lorre qui meurt quelques mois plus tard et le dernier rôle de Joe E. Brown (vous savez, monsieur "Nobody's perfect" de Certains l'aiment chaud).
Si l'humour peut parfois sembler désuet, on se régale néanmoins des quiproquos, des noms mal prononcés qui font forcément penser aux gags récurrents de l'Abominable Dr. Phibes, sorti une décennie plus tard, et surtout du tandem exceptionnel formé par deux immenses acteurs dont le génie comique a, finalement, été bien peu exploité. On rit de bon coeur de ce film inoffensif aussi charmant que malin. Tout cela rend Le croque-mort s'en mêle d'autant plus précieux. Et puis qui se plaindra d'avoir le film d'Halloween parfait pour regarder en famille, des arrières-grands-parents aux foetus qui, déjà, méritent bien d'être bercés par la voix de Vincent Price ? (Rah, zut !)