Titre : Terrifier 3
Genres : Horreur, Gore, Comédie
Réalisateur : Damien Leone
Scénario : Damien Leone
Année : 2024
Pays de production : USA
Avec : David Howard Thornton, Lauren LaVera, Antonella Rose,
Samantha Scaffidi
Synopsis : Art le clown s'apprête à semer le chaos parmi les habitants du comté de Miles qui s'endorment paisiblement le soir de Noël.
Si le premier Terrifier date de 2017, il faut en fait remonter au court-métrage The 9th Circle de 2008 pour trouver la première apparition d'Art le Clown, tueur muet et sadique, qui revenait également dans le film à sketchs All Hallow's Eve (2013). Sa popularité est pourtant relativement récente : les méfaits d'Art sont longtemps restés confidentiels, le premier Terrifier a obtenu un succès d'estime et un petit statut de film culte grâce à son approche méchante et poisseuse proche du torture-porn mais surtout à la silhouette sinistre de ce nouveau boogeyman. Le second film a en revanche rencontré un succès surprise lors de sa sortie américaine (rapportant 15 millions de dollars pour un budget de... 250 000) et même eu droit à une sortie en France alors que la saga prenait alors un virage totalement fou, entre fantasy onirique et "blockbuster" gore cartoonesque extrême aussi jouissif que malade. Terrifier 3 ne sort plus comme un petit film surprise et a même eu droit à une campagne promo surprise avec une interdiction aux moins de 18 ans rarissime en France annoncée quelques jours avant sa sortie (doit-on y voir un coup malin joué par le distributeur, générant ainsi un buzz supplémentaire ?).
Ne vous inquiétez pas trop cependant pour Terrifier 3 (qui a attiré 45 000 spectateurs en France rien que le jour de sa sortie, alors que le second en avait fait venir 71000 en tout), le distributeur ESC a maîtrisé la bête et en a fait une attraction de fête foraine, la preuve : on nous distribue même des sacs à vomi à l'image du film en entrant dans la salle, "au cas ou". Reproduire des gimmicks à la William Castle qui, dans les années 50, vendait des assurances vie avant les projections de ses films "pour ceux qui risqueraient d'y mourir de peur" (entre autres idées aussi géniales), c'est sympa. Le cinéma d'horreur et ses fans se régalent de ce genre de petites blagues qui s'amusent de l'aura sulfureuse d'une œuvre souvent totalement exagérée. Un peu comme ces gens qui, dans les années 90 et 2000, priaient pour le salut de votre âme, à genou sur le trottoir, quand vous alliez voir Marilyn Manson... On le savait alors et c'est toujours le cas aujourd'hui : on ferait mieux de s'inquiéter pour notre porte-monnaie et l'arnaque qui se cache souvent derrière toute cette promo, prévue ou non.
Beaucoup est dit dans la première scène du film et son joyeux carnage familial devant un sapin de Noël : Art charcute les membres avec ce qu'il faut de gros plans réjouissants / répugnants (selon votre attrait pour les corps découpés) et ses grimaces de mime burlesque dont le silence contraste avec les hurlements de ses victimes. C'est excessif, généreux et surréaliste : difficile, pour un public averti, d'être traumatisé par un spectacle aussi comique que réellement gore. Aucune image de synthèse ne vient aseptiser les arrachages de chairs, les têtes éclatées et autres joyeusetés des Terrifier : c'est du "vrai", ça colle, ça tâche, ça pue et c'est tant mieux. Terrifier, c'est du cinéma de sale gosse jusqu'au-boutiste à ne jamais prendre au sérieux. Si vous avez l'habitude de ces choses-là, vous vous amuserez beaucoup. Si vous suivez vos amis et l'effet de mode en pensant qu'Insidious ou Conjuring représente le sommet du traumatisme horrifique, vous allez passer un sale quart d'heure.
Terrifier 3 dépasse les limites du bon goût allègrement et s'en donne à cœur joie pour nous balancer à la gueule tout ce qu'il y a de plus révoltant. Mais après un second film totalement fou (la scène de la laverie au début, ou dans l’hôpital psychiatrique à la fin étaient tout bonnement hallucinantes et faisaient passer la célèbre scène de la morgue de la série Evil Dead pour un sermon religieux), Damien Leone se retrouve acculé. Comment ne pas paraître fade à côté de son précédent film ? Il ne lui reste que deux solutions : viser sous la ceinture ou les petits enfants. Les mutilations génitales, ça provoque toujours son effet. En revanche, exploser des gamins tout mignons à l'écran, ça reste touchy et confiné au hors champ. La limite de ce Terrifier 3 est alors vite atteinte : en faisant l'erreur de chercher à surpasser le second dans l'outrance et la violence, Leone se heurte non seulement à un mur mais en oublie tout le reste. Peut-être est-il un peu plus méchant, mais sans effet de surprise le choc n'est pas le même surtout que, fort heureusement, on reste dans une atmosphère délirante et cartoonesque. Gageons alors que Terrifier 3 a gagné son interdiction aux moins de 18 ans autant à cause d'un morceau de verre brisé, d'une tronçonneuse enthousiaste et d'une scène un brin paresseuse mais bien plus proche du monde "réel" que le reste (on en reparle plus loin) qu'au succès grandissant de la saga... On n'est plus face à une curiosité connue par les initiés mais face à un film qui va attirer un large public, faire parler de lui et donc, inévitablement, attirer des ados.
Bizarrement monté (à l'image d'une double séquence alternée où l'on suit deux types dans une baraque en ruine pour qui ça va mal finir et l'héroïne du film arriver dans sa nouvelle famille, sans que rien ne justifie cette alternance hormis la crainte que l'on s'ennuie beaucoup trop autrement), Terrifier 3 est un film boiteux. Les scènes avec Art sont le plus souvent (on y reviendra) jouissives. Le côté comique est poussé à fond, la violence également, David Howard Thornton s'en donne à cœur joie avec son acolyte déformée dans leur cirque absurde et gratuit (quitte à voir un duo chelou avec un clown et sa copine zinzin, autant voir celui-là, bien que le look cauchemardesque de la petite fille de Terrifier 2 nous manque cruellement). En revanche, entre temps, qu'est-ce qu'on s'emmerde. Sur des rails, le scénario de Terrifier 3 a bien du mal à retrouver des idées neuves, à surprendre comme son prédécesseur avec sa touche fantasy et sa dynamique familiale touchante. Tout y est prévisible, automatique et coche les cases attendues mais en y passant bien trop de temps. Plutôt que de s'attacher à nouveau aux malheurs de Sienna, on attend le prochain numéro du clown, lassé par ces entractes poussifs. Terrifier 3 aurait gagné à charcuter autre chose que les corps : il pourrait facilement perdre 10 minutes sans que cela ne manque à personne et son intrigue semble trop souvent juste servir de prétexte pour meubler entre deux scènes gores, un écueil que le précédent film réussissait à éviter.
Plus embêtant, on est aussi régulièrement mitigés sur le spectacle. Entre l'élimination hors champ de personnages "importants" et quelques solutions trop expéditives (une bombe, sérieusement ? Voilà une astuce bien paresseuse pour augmenter le bodycount... tout en étant paradoxalement plus "traumatisante" en raison de son goût plus réaliste !), Art n'y met pas toujours le même cœur (on le soupçonne pourtant d'en garder un certain nombre au frigo !). Il nous reste alors les séquences dans la maison délabrée du début, réellement glauques dans leur humour déviant poussé à fond et presque une forme de poésie macabre, et une fameuse scène de douche très amusante... Peut-être sommes-nous juste blasés, habitués. Terrifier 3, contrairement à bon nombre de films vendus comme "extrêmes" (on se souvient de l'arnaque putassière The Sadness, complaisante, pingre... et se prenant bien trop au sérieux), reste un film réellement méchant et divertissant, qui éclabousse son public au-delà du raisonnable et dont on apprécie toujours l'esthétique retro colorée et les couleurs saturées qui accompagnent aussi bien le contexte festif du film que son contenu fantaisiste. On n'a peut-être, effectivement, jamais vu tel spectacle sur le grand écran, mais on a déjà vu à la fois plus traumatisant, plus surprenant et plus gore s'il faut mesurer la chose en litres de sang.
Le film est bien parti pour cartonner, en tout cas par rapport à un budget ridicule selon les habitudes de l'industrie. Leone a préféré continuer à travailler avec des bouts de ficelle plutôt que de perdre sa liberté en signant avec de gros studios et c'est tout à son honneur. On espère cependant que pour le quatrième film, il réussira à trouver un second souffle dans son écriture ou ses procédés pour proposer mieux qu'une tentative un peu vaine de se surpasser lui-même dans l'outrance. Malgré son enthousiasme ou sa générosité, Leone n'est ni Sam Raimi, ni Peter Jackson et sa mise en scène n'a pas la virtuosité épique et la folie des Evil Dead ou de Braindead, monument toujours intouchable du gore. Réjouissons-nous cependant de voir un film aussi méchant et transgressif avoir droit non seulement à une sortie en salles en France mais également une telle exposition, en espérant que son succès encourage la mise en place de projets un peu moins aseptisées et plus viscéraux que les trucs (presque tous) sans saveur déclinés à l'infini qui sortent des bureaux de Jason Blum et autres opportunistes frileux.