Titre : The Deep House
Réalisateurs : Julien Maury et Alexandre Bustillo
Année : 2021
Avec : Camille Rowe, James Jagger, Eric Savin
Synopsis : Un jeune couple américain spécialisé dans l'urbex (exploration urbaine) décide d’aller explorer une maison réputée hantée qui a été ensevelie sous un lac artificiel. Mais celle-ci semble se refermer sur eux et le couple se retrouve prisonnier de cet endroit chargé des plus sombres histoires…
Après six films, on commence à cerner un peu Julien Maury et Alexandre Bustillo. Au cours de leur carrière, les deux réalisateurs ont plusieurs fois exprimé leur amour pour le cinéma de genre, de Dario Argento à Tobe Hooper, et leur envie de proposer des train fantômes efficaces, de la pure série B à la française. Leur filmographie est imparfaite, mais diablement attachante, et ils ne se plantent vraiment que quand, comme tant d'autres avant eux, ils se font broyer par un studio américain. Après leur piteuse expérience sur Leatherface, et avant de découvrir le slasher fantastique Kandisha plus tard cet été, on les retrouve donc avec plaisir à la tête de The Deep House, une production française tourné principalement en anglais (il paraît que le grand public fuit, sinon...) où il est question de maison hantée.
N'y allons pas par quatre chemins : on les connaît, les deux pépères. On connaît leur enthousiasme, leur générosité, mais aussi leurs défauts, que l'on a plaisir à identifier à nouveau dans The Deep House. Il y a par exemple, toujours, cet amour du fantastique qui transpire via des citations parfois maladroites (une référence lovecraftienne trop appuyée, par exemple), ou une écriture parfois légère. Pourtant, depuis les "l'Ankou, j'l'encule" de Livide, les progrès sont notables et la caractérisation des personnages passe de manière naturelle, sans de longues expositions dialoguées. The Deep House va à l'essentiel et nous présente son couple avec concision et efficacité. Ils ne sont pas trop tartes ni clichés, on s'y attache un peu, mais ils n'ont pas non plus un caractère particulièrement trempé.
Trempés, ils vont pourtant l'être dès la première partie terminée : pour explorer une maison abandonnée au fond d'un lac, il faut se mouiller. "On a une heure d'oxygène" nous dit un des personnages et, à partir de là, le film se passe presque en temps réel : une heure plus tard, le générique apparaît à l'écran. Une sensation de direct qui rend pertinent le passage au found-footage, déjà justifié par l'histoire (le couple fait des vidéos d'urbex pour sa chaine youtube). Intelligemment, Maury et Bustillo évitent cependant les travers habituels du genre (images dégueulasses qui secoue dans tous les sens, son pourri qui sature) : on est en 2021 et tout le monde a une caméra potable au creux de sa poche (le film a d'ailleurs été tourné avec un GH5 et des OSMO, soit un appareil photo et des caméra miniatures stabilisées et relativement accessibles). De plus, nos plongeurs sont accompagnés d'un drone sous-marin permettant des plans larges et un point de vue extérieur afin de mieux apprécier les incroyables décors du film et d'installer une ambiance onirique et gothique. On sent que le duo s'est creusé la tête pour que sa mise en scène soit pertinente et justifie l'emploi du found-footage, si souvent réduit à un gimmick éculé.
Et c'est là qu'est la vraie star de The Deep House : sa magnifique maison hantée, filmée sous l'eau pour de vrai (à l'exception d'un plan très large). Maury et Bustillo se font plaisir à nous plonger dans ce décor hallucinant, où l'environnement aquatique brouille les repères : on n'y voit moins bien, tout est plus lent et flotte légèrement, ce qui permet de repenser les éternels scènes d'apparitions fantomatiques... C'est quand The Deep House nous offre ses plus beaux tableaux gothiques que le film convainc le plus, rappelant forcément la poésie macabre de Livide (faut-il voir dans cette poupée aux yeux vairons un clin d'oeil ? Probablement). Peu importe au final que les fantômes arrivent si tard, tant on est immergés avec les personnages dans la découverte de ce lieu inaccessible et fascinant, que l'on aimerait tant nous aussi explorer et dont la simple découverte enchante. Le making-off du film s'annonce passionnant, tant un tournage sous l'eau implique de faire les choses différemment : déplacer un accessoire prend une éternité, les acteurs ne peuvent pas enchaîner plusieurs heures de tournage, les réalisateurs ne sont pas avec eux sur le plateau...
Le concept du film et son superbe décor nous rendent forcément plus tolérants envers ses petites tares. Si l'écriture a progressé, plus concise, moins fourre-tout et brouillonne que dans Livide, leur autre film de maison "hantée", on y a perdu en route un peu de mystère. On sent aussi que les deux réalisateurs n'ont peut-être pas su trouver l'idée qui rendrait la dernière partie du film plus mémorable, peut-être limités par les moyens à leur disposition : le dernier acte de The Deep House manque de panache et d'impact. Cependant, la plongée est plaisante, le film va à l'essentiel et nous en met plein les mirettes. Le pari est réussi, on ne s'ennuie pas, c'est souvent splendide et il y a fort à parier qu'un concept comme celui-là attirera l'oeil de producteurs américains en mal d'idées originales qui seront trop heureux d'en proposer un remake d'ici quelques années. Bustillo et Maury ajoutent un nouveau film hautement sympathique à leur oeuvre de passionnés, sans prétention mais avec beaucoup d'ambition.