Hellfest 2024 : il y a quoi à voir ?

Pierre Sopor 3 juin 2024

La date approche et la saison des traditionnels marronniers est ouverte depuis un bon moment : les métalleux sont-ils tous des nazis cannibales ? Que dois-je avoir dans mon sac pour le Hellfest (spoiler : de la crème solaire mais pas de chien ni de chaise pliante) ? Quelles célébrités écoutent en cachette de la musique de sauvage ? Et, surtout, le plus important : c'est bien gentil les selfies pour frimer, mais concrètement, qu'est ce qu'on y voit, au Hellfest ?

Si vous tombez sur cet article, vous devez savoir que nos goûts ne vont pas forcément nous porter vers les choses les plus classiques : vous ne trouverez pas vraiment de stars ni de heavy metal paradant dans les lignes qui suivent... Pour nous, l'intérêt du Hellfest réside dans la variété de sa programmation et, si certains ont tôt fait de faire un procès à l'événement en raison de ses têtes d'affiche (qui nous ont rarement aussi peu intéressés, si ce n'est The Prodigy), ce serait oublier les dizaines d'artistes présents et dont le nom est écrit en plus petit. Les amateurs de metal industriel vont devoir ouvrir leurs chakras (même si l'on trouve ici ou là des traces du genre : chez Rendez-Vous et son dernier album plein de machines, chez Anaal Nathraak, dans quelques titres récents de Chelsea Wolfe et leur orientation trip-hop dark ou dans les élans électroniques de bon nombre d'artistes prévus le vendredi 28) : la programmation n'a pas vraiment prévu de vous faire headbanger sur du gros boum-boum martial. Voici donc nos traditionnelles recommandations, pour festivaliers aventureux, curieux et un brin déviant ou taquin qui veulent profiter de la présence de six scènes pour varier les plaisirs !

JEUDI 27 JUIN

Comme le veut la tradition, on commence avec une petite journée. Le doom atmosphérique (mais énervé) de Morne offrira en début de festival une belle opposition à cet agaçant soleil qui ne manquera pas de nous assommer, histoire de s'assurer de placer cette édition 2024 sous le seul signe que l'on accepte : celui des ténèbres et du désespoir. Non, ce n'est pas le concert pour votre chapeau-zizi.

Si nous pleurerons toujours l'annulation de GGGOLDDD jusqu'à la fin des temps, Sylvaine assurera un remplacement gracieux qui mérite le détour. Nous ignorons si l'artiste se produira en formation "habituelle", mélangeant shoegaze et black metal, ou si nous aurons droit à un set acoustique à l'image de son dernier EP et des concerts prévus avec Eivør. Quoi qu'il en soit, ce sera la parenthèse poétique de la journée.

Enfin, si vous ne voulez toujours pas faire les marioles avec un chapeau-zizi ou un costume de tyrannosaure en vous remémorant vos meilleurs souvenirs de concerts de Steel Panther, vous serez les bienvenues dans la pénombre de la Temple Stage devant (DOLCH) et son dark rock envoûtant.

En vrac, parmi les plus gros noms et selon vos sensibilités, le death mélodique de Dark Tranquillity, les mexicains très énervés de Brujeria et bien sûr l'univers singulier du Shining norvégien et son metal progressif (faute de meilleure étiquette) qui se fout pas mal des règles et des étiquettes ont tous de solides arguments.

VENDREDI 28 JUIN

On fait les malins, mais en interne nous avons surnommé cette journée la "journée débile" : il y aura pléthore de groupes mélangeant rock, pop, rap et electro pour patienter jusqu'à The Prodigy, des trucs de jeunes très tendance où l'on ira faire les kékés. Néanmoins, pour redescendre un peu et casser l'ambiance, il faudra à tout prix voir The Devil's Trade, le projet dark rock / folk suintant de désespoir de Dávid Makó dont la mélancolie (qui nous fait parfois penser à Antimatter) devrait vous hanter pour la journée.

Côté classe et élégance, Einar Solberg et sa voix unique seront une étape obligatoire (est-ce qu'Ihsahn, qui jouera plus tard dans la soirée avec Emperor, viendra faire un coucou à son camarade ?). En revanche, si vous voulez vérifier pourquoi Wargasm cartonne, si tout est en playback ou si vous êtes en phase avec votre époque, direction les MainStages.

Plus sérieux, Kanonenfieber fera certainement office de curiosité : le groupe anonyme et ses tenues militaires viendra dénoncer les horreurs de la guerre avec son black metal puissant et sinistre inspiré par la Première Guerre Mondiale.

Non, nous n'irons pas voir Steel Panther, faut pas déconner. En revanche, la soirée offrira un sacré dilemne : voir les légendaires The Prodigy, se péter la mâchoire devant Body Count ou se diriger vers la Temple, qui sera probablement moins blindé, pour le mélange de black et d'indus bien méchant de Anaal Nathraak ? Cruel dilemme.

SAMEDI 29 JUIN

Vainqueur du tremplin Voice of Hell, le trio Përl sera le début de journée idéal : violent, poétique, introspectif, explosif... leur post-metal est aussi singulier que fascinant. Il faudra alors enchaîner avec Eihwar pour se détendre et leur mélange décomplexé d'électronique et de nordic folk, comme si "Wardruna rencontrait Carpenter Brut" d'après leurs propres mots. Sorti de nulle part il y a un an, le mystérieux duo explose et il sera temps d'aller vérifier d'où vient tout ce raffut.

Après avoir pris le parpaing Konvent au fond de la gorge, nous vous invitons à continuer de squatter la Valley pour enchaîner les variations singulières autour de la mélancolie : le doom / post-metal aux accents grunge de Spotlights, les punks de Brutus et leurs explosions cathartiques, la Reine des ténèbres Chelsea Wolfe qui viendra jouer son dernier album de nouveau plus folk / trip-hop / darkwave... avant de laisser la scène aux zinzins de la soirée, Mike Patton avec Mr Bungle et la rarissime Julie Christmas qui offrira un oasis de singularité avec son mélange noise / doom / grunge / pop pour ceux qui voudront fuir la foule qui s'entassera devant Metallica. Vous pourrez éventuellement faire quelques mètres pour voir le groupe de psychobilly Nekromantix sur la Warzone et cette fameuse basse en forme de couvercle de cercueil !

DIMANCHE 30 JUIN

Ne cherchez pas : posez votre téléporteur de manière à optimiser les aller-retours entre la Valley et la Temple, il s'y passe de belles choses des deux côtés et toute la journée. Pour être triste dès le matin, et après avoir laissé Pencey Sloe vous réveiller en douceur avec son shoegaze onirique mais non dénué de quelques secousses, on ira se rafraîchir avec la cold wave de Sang Froid, où notamment deux Regarde les Hommes Tomber montrent qu'ils ont aussi poncé les Sisters of Mercy et Depeche Mode.

Heriot et leur metal poids lourd, Pensées Nocturnes et leur black metal déglingué et foutraque, le post-pun de Rendez-Vous et ses morceaux plus récents à la froideur industrielle, la rage du black metal de Wiegedood ou les rappeurs braillards de City Morgue... Il y aura des contrastes. Nous ne romprons peut-être cette routine que pour essayer d'apercevoir le groupe de post-hardcore / noise Show me the Body sur la Warzone.

Immanquable parmi les immanquables, DOOL, sur la Valley, viendra prouver à nouveau que leur rock sombre et romantique n'a pas d'égal et apportera probablement à ses plus récentes compositions, plus progressives et cérébrales, un supplément de tripes qui nous chamboulera pour la journée.

Enfin, et malgré tout le mal que l'on peut en lire, nous ne passerons pas à côté d'une des trop rares occasions de voir Tiamat en live. Que Johan Edlund pioche dans les débuts plus extrêmes du groupe ou dans le rock gothique des années 2000, nous serons ravis de savourer cette madeleine de Proust nocturne, en espérant que la prestation rende hommage à la noire poésie des versions studio.

Voilà. Vous savez désormais où nous croiser et où nous retrouver pour nous remercier de ces conseils avisés... ou nous insulter si vous êtes fan de Steel Panther. Bon festival !