La musique n'a de cesse de repousser ses limites quotidiennement pour le meilleur et bien souvent pour le pire. Les artistes redoublent parfois d'imagination en espérant graver leur nom dans l'histoire comme précurseur d'un nouveau genre. Certaines idées ont été plus ou moins réussies mais ont tout de même eu le mérite d'être audacieuses.
Ce qu'il aura fallu aux musiciens listés ici pour être retenu, c'est d'avoir pu apporter quelque chose de singulier à défaut d'original. Ce dernier point est mort et enterré depuis longtemps où tout a déjà été pensé, testé et retourné dans tous les sens et ce n'est pas parce qu'on en parle pas que ça n'existe pas. C'est juste que le résultat est tout simplement inaudible, ou que cela n'intéresse qu'une niche de personnes en manque de reconnaissance affective pensant être avant-gardistes alors que non, tout comme l'art contemporain, c'est de la merde.
On ira ici un peu plus loin qu'une simple influence ou un vulgaire mélange de deux genres parce que sinon on aurait à lister tous les groupes de folk metal de la planète et personne ne veut ça. Non, ici vous trouverez ce qui, à titre subjectif, a eu le mérite de capter ma curiosité pour ensuite garder mon attention dans un contexte où musicalement tout a déjà été exploité.
DEATHGRIND vs. VAPORWAVE
Dans le genre improbable, difficile de faire mieux où l'approche retro, kitsch et paisible de la vaporwave vient se faire défoncer littéralement par tout ce qui l'oppose : du deathgrind ! Un peu trop peut-être, puisque le premier se retrouve totalement occulté jusqu'à se demander s'il en fait vraiment partie. Il y a tout de même des idées intéressantes : certains riffs bien puissants de ZONE EATER et quelques expérimentations de SEA OF DOGS sont à souligner mais dans l'ensemble, l'expérience demeure assez perturbante pour un résultat qui en ressort plutôt brouillon. D'autres font bien mieux pour mélanger metal et darksynth : GREGORIO FRANCO, SHREDDER 1984, GÖR FLSH ou encore VVOV par exemple ; c'est-à-dire en "metallisant" la synthwave sans chercher à imposer un style par rapport à l'autre. Bref, cela reste une curiosité parmi tant d'autre qui reste tout de même à écouter par curiosité.
MELTING POT FOLKLORIQUE
Avec l'explosion médiatique que connaît actuellement THE HU, la musique folklorique mongole a le vent en poupe, bien que la proue porte le deuil de Nature Ganganbaigal, principalement connu pour son influence au sein de TENGGER CAVALRY. Bien avant cela, sur la mer baltique, les lettons de AUĻI se sont lancés dans un projet téméraire dénommé voix des aïeux, toujours dans leur démarche d'ethno trance visant à fusionner plusieurs folklores en musique. Le groupe s'est jusque-là prêté à l'exercice avec du chant diphonique mongol, du joik sámi et plus récemment, du yodel tyrolien (et non, ce n'est pas Takeo Ischi) en le couplant avec leur propre ethnomusicologie balte. Une initiative tout à leur honneur qui mérite le détour que je vous invite à découvrir sur leur chaîne Youtube.
BLUEGRASS vs. BRUTAL DEATH METAL
S'il y a bien un instrument que je n'aurai jamais imaginé dans une composition de brutal death c'est bien le banjo (et encore moins dans du dungeon synth mais on y reviendra une autre fois). Même si des reprises metal avec cet instrument américain foisonnent sur la toile pour un rendu avant tout humoristique, ce dernier est encore très marginalement utilisé dans cette scène, contrairement à son cousin le saxophone qui explose dans la scène post black (ce qu'on appelait avant-garde metal il y a quelques années). Il y a bien eu SHAKA PONK avec W0tz Goin'ON mais NO ONE GETS OUT ALIVE assume totalement ce délire jusqu'au bout depuis maintenant quelques albums. Alors oui, c'est rigolo au début et l'ambiance tueur en série redneck du fin fond du Texas saute aux oreilles mais malheureusement la répétition vient rapidement prendre le pas sur l'effet de la découverte. C'est vraiment dommage car le potentiel est là mais l'artiste a du mal à sortir du piège de la monotonie dont souffre la scène brutal death.
BLACK METAL vs. TRIP HOP
Plutôt ambitieux pour retranscrire un environnement urbain mais NETRA sublime la ville (et la vie) nocturne à la perfection. Je ne retrouvais cette ambiance qu'auprès de HYSTERSIS et ses compositions à base d'enregistrements de terrain qui, pour le coup, donnaient vraiment un album d'ambiance à proprement parler. Mais on en reparlera une autre fois car c'est bien NETRA qui nous intéresse ici avec ses atmosphères jazzy, vaporeuses ou encore mélancoliques, le tout sur fond de black metal plus ou moins présent selon les pistes. Ingrats nous amène à déambuler dans ces rues citadines éclairées par les douces lumières jaunâtres des lampadaires au travers d'une hybridation de genres qui se mélangent et s'enchaînent en toute fluidité. A écouter dans son intégralité pour en apprécier toute sa quintessence.
CHANT DIPHONIQUE MONGOL EN GUISE DE LIGNE DE BASSE
D'ordinaire TZUSING officie dans de la techno à la fois industrielle et tribale qui apporte une touche singulière au genre. L'une de mes pistes favorites, Digital Properties, avait déjà bien retenu mon attention avec une atmosphère à la fois ineffable et caractéristique, bien que relativement aérienne dans sa structure. Alors quand le malaisien se décide à la reprendre avec une approche bien plus lourde et oppressante avec plus de basse, quoi de mieux que de rendre celle-ci organique à son paroxysme en utilisant du chant diphonique mongol comme ligne de basse ? Le temps d'une piste, c'est le summum de la fusion entre les capacités musicales électroniques et somatiques. Cela prouve bien que l'être humain reste encore compétitif face à n'importe quelle machine.