La tendance 2018 s’est confirmée en 2019 et même aggravée : peu de découvertes notoires, et même parmi les quelques albums chroniqués, rares sont ceux qui tournent encore régulièrement. Cette année aura été principalement une déception musicalement parlant. Pour reprendre mon précédent ressenti sur cette dynamique de facilité de composition actuelle, il devient de plus en plus complexe de trouver mortier à son parpaing et, quand je trouve enfin quelque chose, je suis tellement exténué d’avoir cherché que je n’apprécie même plus ce projet musicalement audible, extirpé de toute cette masse insipide et prosaïque.
J'exagère volontairement sur le champ lexical utilisé mais honnêtement, quand je me mets en chasse de nouveauté cela relève d'une expédition spéléologique de classe 4. Certes, je parle comme un vieux con. Il est vrai que j'ai fait le tour de mes styles musicaux de prédilection depuis longtemps, à savoir le metal et la techno hardcore. Les surprises se raréfient, mes goûts évoluent et heureusement. D'un côté je retourne sur mon premier amour qu'est la techno et je le dois essentiellement à IRON COURT qui aura joué un grand rôle là-dessus. De l'autre, je découvre inlassablement de nouveaux tubes dans tout ce qui est darksynth mais l'on aura l'occasion d'en reparler plus en profondeur d'ici quelques paragraphes.
Ce n’est pas cette année que j’aurais le plus contribué pour le webzine ; la faute à 2019 qui ne m’aura pas tant apporté de bonnes musiques que je l’aurais espéré, en plus de ne pas avoir autant de temps pour s'y consacrer. Il y a eu beaucoup de déceptions et c’est ce qui va caractériser musicalement la fin de cette décennie même si, dans sa globalité, elle m'aura apporté quelques surprises. Il serait intéressant de rééditer cette rétrospective sur les albums de ces dix dernières années même si personne ne nous lit. Sauf toi, fidèle relecteur et correcteur. Bisous.
Le metal m’ennuie...
Le début de cette décennie foisonnait de groupes de deathcore en tous genres, tous plus mauvais les uns que les autres. C’était le punching ball des metalheads, des trves, mais c’était sans compter sur son évolution en djent. Simulacre du metal, le genre a lentement tiré l’ensemble de la scène vers des post-productions de plus en plus lisses, faisant perdre le côté crasseux et rugueux qui faisait la singularité d’un genre (encore) controversé. Mais n’était-ce pas le cas il y a vingt ans déjà quand le nü-metal était à son apogée ? Le cycle se répète et se répétera encore mais si la tendance évolue à l’instar de la musique populaire, j’ai peur pour les générations futures. A moins que ce ne soit ça de vieillir…
En Europe, la scène pullule de post black metal, ce que l’on appelait avant-garde il y a encore quelques années, qui n’est autre qu’un vulgaire melting pot raté de screamo, djent et post rock. Curieux de savoir ce que la masse peut trouver au style et aussi sous pression de l’entourage et ses recommandations, certains groupes auront tout de même capté mon attention plus que les autres. Histoire d’illustrer très succinctement mes propos, HEGEMONE se sera démarqué par quelques riffs notables et une solide cohésion dans leur composition fluide et mélodique et ALTARS OF GRIEF aura séduit par un chant atypique et un violoncelle mélancolique pour une atmosphère lente, lourde et bien sinistre.
Côté Outre-Atlantique, c’est le technical death qui domine avec une forte influence deathcore qui perdure mais, encore une fois, toujours avec cette même tendance de répétitivité et de déjà-vu. Seules quelques pistes retiennent quelque peu l’attention où un petit élément peut faire toute la différence. Il ne faut pas grand-chose pour sortir de la masse, une sitar sur un breakdown par exemple, mais encore faut-il assumer l’expérimentation jusqu’au bout et pas seulement le temps d’une chanson éphémère.
Cela reste bien évidemment la surface de ce que l'on connait du metal actuellement et il suffit de gratter un peu, de bien creuser surtout, pour révéler des groupes bien plus intéressants. Quand je regarde ma collection Bandcamp, je constate que pas grand chose m'a vraiment attiré dans le genre. Parmi mes découvertes de cette année, je retiens essentiellement deux projets. Pour ceux qui adorent quand ça bourrine efficacement, j'ai été personnellement soufflé par THE OCCULT qui distribue du death metal old school pour des pogos à en détruire des murs. A ceux qui préfèrent quand c'est plus calme, je les redirige vers NEBULA ORIONIS qui, au travers de son excellent Starthrone, nous projette instantanément dans l'espace. Quand ce thème est d'habitude abordé par le metal, c'est souvent raté : l'ambiance générée ne rappelle en rien la vacuité de l'immensité spatiale mais là, tout se mélange harmonieusement entre une rythmique simple et une orchestration mélodieuse.
… et me déçoit
ORDER OV RIVEN CATHEDRALS m’avait bien emballé à la sortie de The Discontinuity's Interlude en 2017, bien qu’ils proposaient un technical death couplé d’une batterie artificielle (une boite à rythme, quoi) coincée en mode blast. Quelques longueurs mais dans l’ensemble un contenu plutôt puissant et chaotique comme pouvait le proposer IPERYT avant. Malheureusement, le duo italien répète les même erreurs à chaque album et l’intérêt fragile que je portait sur le projet a fini par se dissiper avec la sortie de Thermonuclear Sculptures Blackness. Du blast pour du blast, une voix monocorde, les mêmes samples utilisés sur toute la discographie, des fondus en fermeture systématiques à défaut de travailler sur une outro et des variations de rythme ratées, masquées par de vieux effets sonores pour créer un semblant de puissance mais qui a plutôt l’effet d’un pet foireux.
La sensation de déception est d’autant plus flagrante avec Nullify d’ICE AGES où l’on tombe dans ce fameux paradoxe du "c’était mieux avant" face au "ils font toujours la même chose". Ici, on est exactement sur l’exemple d’un groupe, qui nous ressort la même chose que ce qui a fait de lui sa renommée, à savoir Buried Silence sorti en 2008, mais dont on est lassé d’entendre toujours la même chose surtout après un silence de onze ans. Et pourtant, si Richard Lederer aurait pris un tout autre chemin il y aura eu une grande dissidence dans la communauté. Il en est de même pour A PALE HORSE NAMED DEATH et When The World Becomes Undone où Sal Abruscato ressort inlassablement le même son à chaque album. Une fois la découverte passée, on remarque que ce groupe restera avant tout pour les nostalgiques de TYPE O NEGATIVE.
C’était surtout MECHINA qui m’avait mis un coup sec derrière la nuque. Le groupe s’était démarqué par un metal industriel avec quelques éléments orchestraux, mais surtout par une trialité vocale très bien exploitée narrant un livre space opéra où chaque album représente un chapitre. Le Compendium, coffret regroupant toute leur discographie de l’époque en version remastérisée, a été une purge auditive tellement les éléments symphoniques ont pris le pas sur une instrumentale déjà bien épurée mais qui a été encore plus vidée de toute sa substance. Avec Telesterion, Joe Tiberi semble avoir réajusté l’orchestration en conséquence mais, malgré quelques moments intéressants, on reste loin de ce qu’à pu proposer le projet à l’époque de Xenon. Remettre la priorité sur la rythmique plutôt que se concentrer sur la symphonie serait profitable, à mon sens, afin que le groupe puisse rebondir comme il se doit.
Quelques mentions honorables tout de metal
Par manque de temps pour écrire, pour écouter plus attentivement certains albums, ou tout simplement parce qu’ils sont sortis en fin d’année, je suis passé à côté de l’opportunité de plusieurs chroniques. Tout n’est pas à jeter sur 2019 non plus et certains albums méritent que l’on parle d’eux.
DEUS MORTEM a refait surface avec Kosmocide. C’est toujours la même recette que ce qui avait fait le succès de Emanations of the Black Light cinq ans auparavant : du black metal authentique et agressif. Un son brut sans artifice mais rempli de riffs dévastateurs. Comme quoi, il n’y a pas besoin de moult artifices post-production pour donner de la puissance et de la rage.
STELLAR MASTER ELITE ralentit la cadence pour un blackened doom avec Hologram Temple avec toutefois une forte influence de DEINONYCHUS dans la structure et la saturation. Gros riffs pesants et lourdes percussions sont donc au programme. Quelques longueurs inutiles feront décrocher l’écoute quand certains effets électroniques superflus viendront agresser nos oreilles. Hologram Temple souffre de quelques maladresses mais reste dans l’ensemble un album singulier dans sa démarche musicale, ne serait-ce que pour son côté hybride et l’étrange ambiance qui s’en dégage.
Pendant que tout le monde attendait le prochain THE GREAT OLD ONES, je feuilletais déjà mon Necronomicon sur Onslaught Of The Ancient Gods de TEMPLE OF DEMIGOD. Du fin fond d’Arménie, ce one-man band sublime un clavier digne des premiers groupe de black metal symphonique. Toutefois, là où je critique vivement le featuring inutile, Mark Erskine fait appel à un chanteur différent pour personnifier chaque créature lovecraftienne et pour le coup, ça contribue énormément à l’ambiance générale.
Enfin, il y a eu aussi DICTATED qui a débarqué avec Phobos et son brutal death metal. L’on avait déjà eu le droit à un teaser de la piste d’ouverture avec un featuring de Julien Truchan qui m’avait plutôt bien emballé. Bon, autant son intervention n’apporte rien, autant la piste en elle-même est un concentré de gros riffs bien gras non stop sur fond de rythme bien bourrin. Quand les néerlandais sont inspirés, on a droit à du rouleau compresseur de vertèbres même si la répétitivité a tendance a reprendre le dessus au fur et à mesure que l'album avance.
Darksynth : de bonnes découvertes en 2019
Heureusement que la darksynth est là pour insuffler un peu de fraîcheur et d’audace. C'est dans ce style que je me suis le plus éclaté, notamment parce que je le connais encore assez mal et que je découvre toujours quelque chose qui m'interpelle. Relativement jeune, c'est aussi un style qui a encore beaucoup de facettes inexplorées et qui laisse donc place à beaucoup d'expérimentation. Et il y en a pour tous les goûts !
Certains titres se révèlent être bien nerveux et taillé pour la piste de danse. C'est le cas d'EXEMIA qui, en plus d'avoir pondu un album aussi riche que varié : de la dark electro à la retrowave extrêmement kitsch, on ne s'ennuie pas une seule fois. World Under Siege est un titre aux nombreux rebondissements, relançant sans cesse cette sensation poussant à danser. Et encore, cela reste propre et gentil par rapport à ce que certains arrivent à faire avec le genre. Souvenez-vous ce qu'il s'est passé quand l'on a ajouté du deathgrind à de la vaporwave. Heureusement, de façon bien plus audible, ROB JUGGERNAUT nous délivre de façon tout aussi subtile une explosion de mélodie non stop sur son terrible Cybernaut. C'est tellement entraînant que c'en donne la patate et quand la chanson se termine c'est comme si quelques secondes seulement s'étaient écoulées. Des albums que j'aurai bien aimé chroniquer plus en profondeur, dont j'espère y revenir plus tard dans l'année.
Le genre est souvent associé au retro-futurisme et plus généralement au cyberpunk. Sur Yakuza Districts, METTASTATION retranscrit parfaitement le néo Tokyo de l'imaginaire sans pousser dans l'excès. L'on redécouvre en quelques seconde toute cette ambiance qu'a su créer la pop culture autour de cet univers. C'est aussi l'occasion de se poser et d'apprécier des ambiances plus calmes, aux allures de longues balades nocturnes et solitaires en voiture, le coude posé sur la fenêtre grande ouverte. Carbonite d'INSTANCE en est un bon exemple, également sans forcer l'atmosphère "outrun" des années 80'. On appréciera l'approche subtile bien que riche de la composition musicale, où on laissera volontiers vagabonder notre esprit sur toutes ces mélodies.
Et côté dancefloor ?
Il y a deux types de techno que j'affectionne particulièrement. Je qualifierai la première de stroboscopique et sale, idéale pour vos soirées en club SM. Là où REVIZIA se rapproche plus d'une dark electro plus subtile dans son rythme mais explosif en matière de mélodies, MASCARPONE va plutôt taper du côté de l'EBM. L'un comme l'autre sont des machines de guerre qui mettront la piste de danse à rude épreuve.
Le second type restera les grosses et lourdes basses de la techno industrielle. Quoi de mieux que de sentir son caisson vibrer d'orgasme à chaque coup... non la ligne éditoriale m'interdit de continuer cette analogie. Reste que NUIT NOIRE, déjà chroniqué en ces lieux, avec juste un petit riff de guitare autour duquel va venir s'articuler diverses mélodies et changements de rythmiques subtils, nous sort une piste dévastatrice pleine de puissance. De son côté, on a 93SOVAGE pour qui la finesse est un concept totalement étranger. Rien que par l'intro on sait déjà que ce sera du matraquage.
Les attentes sur 2020
Depuis quelques temps je m’intéresse à VVOV de près pour son terrible mélange de darksynth emprunt de black metal. Toujours avec un rythme de sortie soutenue, le prochain album annoncé au nom bien Marto sortira dans quelques jours seulement qui vient de sortir et il y a de bonnes choses à en dire ! Révélé par Like Saturn, le duo sortait une compilation de tout ce que le genre pouvait apporter mais il dévoilait un groupe qui se cherchait encore. C’est avec Stygian Baptism que The Vessel adopte définitivement sa ligne directrice avec une forte orientation vers le black metal qui, je l’espère, ne prendra pas trop d’ampleur par rapport à la darksynth par la suite.
C’est aussi le retour tant attendu de KALLIDAD et leur musique déjantée ainsi que de l’éternel rendez-vous live annuel. Les premiers aperçus sont prometteurs et je reste toujours surpris de l’évolution du groupe sur son aspect technique, tout en restant fidèles à leurs principes en gardant ce petit grain de folie et cette énergie communicative. Du flamenco moderne, réinventé et teinté d’influences mariachi, blues, rock et metal pour de la fraîcheur et de l’originalité là où on ne l’attendait plus, pour une surprise à chaque album.
Obscene Repressed de BENIGHTED est annoncé pour 2020 mais j’appréhende de plus en plus chaque sortie du groupe qui reste mon favori depuis vingt ans. Depuis que Julien Truchan reste le seul membre originel, le groupe est devenu un all-star band multipliant les featuring et la qualité s’en voit affectée. Je ne retrouve plus l’ambiance malsaine et psychotique digne d’un asile des I.C.P. et Icon pour n’avoir qu’un brutal death, certes efficace, mais qui s’enfonce dans la masse boueuse que brasse tous les autres groupes. Il suffit écouter Brutalive The Sick pour se rendre compte de l’énergie dégagée entre les anciens et les nouveaux titres.
Dans le pire des cas, j’aurai sûrement le prochain BALANCE OF TERROR pour me consoler. Je retrouve tout ce que j’ai pu affectionner dans les premiers BENIGHTED même s’il manque encore cette petite touche qui pourrait faire pencher... la balance. Laissons-les mûrir encore un peu, après tout leurs homologues stéphanois ont mis trois albums pour atteindre le son qui les aura propulsé sur le devant de la scène. J'ai confiance en la relève prometteuse que constituent ces nordistes.
N'oublions pas de mentionner les français de NORNES et ECCLESIA pour les aficionados de doom traditionnel. Leurs premiers albums - respectivement Vanity et Withfinding Metal of Doom - avaient de bons éléments prometteurs que j'espère voir se concrétiser avec leurs sophomores. Bref, nombreux groupes que j'affectionne prévoient d'ajouter un élément à leur discographie
Enfin ESA, qui avait sorti de la grosse powernoise bien grasse en 2018, revient début février avec Burial 10 et on peut dire que le bonhomme s'est surpassé. Des fois il vaut mieux se rendre compte par soi-même et donc je vais présenter le titre ci-dessous avec juste deux éléments qui le composent : tronçonneuse et chants vaudou.
L’album de l’année 2019
Je ne suis pas arrivé à faire un classement cette année. Le seul album m’aura vraiment marqué récemment n'est autre que H O L Y W R A T H de DAV DRALLEON.
Pensé, composé et joué de façon musicale mais aussi cinétique, c'est sans conteste un album des plus complets et complexes que j'ai pu écouter.