Notre planète achève un nouveau tour autour de son étoile, l'année 2019 s'éteint. Ou l'année 228 si vous en êtes resté au calendrier républicain, peu importe. C'est en tout cas le moment de se retourner : qu'est-ce que 2019 nous a apporté en musique ? Pour ma part, si l'année précédente fut placée sous le signe de la darkwave -j'en parlais là- 2019 fut plus diversifiée, une année avec des groupes dans des genres que j'affectionne aussi bien que de découvertes plus hétérogènes, avec des jeunes pousses aussi bien que des dinosaures !
Comme toujours, avant de passer à un top en bonne et due forme, je vais prendre le temps de parler de ce qui m'a marqué cette année. Et il y a de quoi faire !
Après l'automne, COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA rend hommage à l'hiver
C'est sans aucun doute la nouvelle qui m'a le plus enthousiasmé cette année : COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA, qui n'avait plus publié d'album depuis Verne-Monde en 2010 et semblait peu à peu s'éteindre à l'exception de quelques concerts, a publié au début de cette année un nouvel album, Another Winter. Et quelle excellente surprise ! Hommage à l'hiver comme métaphore de la mort, l'album témoigne d'un profond renouvellement des sonorités du groupe, nous livrant une darkwave néoclassique triste et glacée qui rejoint les meilleurs albums du groupe (chronique). Il est même tellement intéressant que pour cette fin d'année, le groupe en a également sorti une version remaniée baptisée A Recrafted Winter, nous permettant de redécouvrir les morceaux sous une forme plus électronique (chronique). Si Verne-Monde ne m'avait pas marqué, je n'ai jamais vraiment décroché de l'univers de ce double album tout au long de l'année.
Nous avons pu découvrir les nouvelles compositions sur scène dès le début de l'année, COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA ayant joué en compagnie de KATZKAB au Bus Palladium avant même la sortie de l'album (live-report). Et puis il y a eu cet autre concert fin novembre... mais ça, on en parle juste en-dessous !
Quand Twice fête son anniversaire avec AND ALSO THE TREES, ANTIMATTER et COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA
Car cette année, le fanzine Twice, dédié aux cultures et musiques alternatives, fêtait son quart de siècle : et quoi de mieux pour cela qu'un triple concert ? Le fanzine a donc organisé son anniversaire le 23 novembre dernier dans la salle des Abattoirs de Cognac avec concert de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA, donc, ANTIMATTER (que je ne connaissais pas, j'ai commencé à les découvrir à partir de l'annonce) et AND ALSO THE TREES. Un groupe coldwave/darkwave néoclassique, un groupe de rock marqué par le post-punk et un dinosaure de la coldwave : la soirée s'annonçait riche ! Cognac, ça fait loin pour un Lyonnais, surtout sans voiture, et le lendemain avait lieu un autre concert prometteur à Paris avec THE YOUNG GODS et LES TÉTINES NOIRES (live-report de mon collègue Pierre Sopor) ; néanmoins, mon agenda ayant voulu qu'il me soit plus facile d'être absent le 23 novembre, et enthousiasmé par la découverte de ce coin de l'hexagone que je ne connaissais point, j'ai donc opté pour la Twice Party. Et quelle soirée ! Dans le cadre idéal que constituait la salle des Abattoirs de Cognac, mieux dotée au niveau du son que le Bus Palladium, se sont succédé les univers des trois groupes, très différents les uns des autres mais partageant mélancolie et atmosphères froides. C'était tout simplement énorme, sans aucun doute mon concert de l'année.
RAMMSTEIN, de l'or et du plomb
Contrairement à mes collègues Pierre et Julien (qui en parlaient respectivement là et là), je n'ai pas été vraiment déçu par le retour de RAMMSTEIN pour une raison simple : je n'en attendais rien, j'en avais même peur. Le retour de RAMMSTEIN, pour moi, c'était forcément quelque chose de spécial : j'ai découvert le groupe quand j'avais seize ans et c'est lui qui m'a fait m'intéresser aux musiques sombres, sinon à la musique en général, car avant cela je n'écoutais guère qu'un peu de rock et de classique à la volée ; j'ai adoré, et j'aime toujours, la froideur implacable des premiers albums ; mais, après un Rosenrot moins bon que ses prédécesseurs, Liebe Ist Für Alle Da m'avait rapidement lassé, comme beaucoup de fans du groupe je l'avais trouvé bancal et manquant cruellement d'électronique. Et c'était il y a dix ans de cela ! Aussi avais-je peur qu'avec ce nouvel album sans titre, le sextet ne suive ses vieux confrères de OOMPH ! dans l'autoparodie... Eh bien, fort heureusement, je me trompais, du moins en partie : comme je l'expliquais dans ma chronique, il est vrai que le disque que les fans surnomment à présent l'albumette manque singulièrement de prise de risque ; mais voilà, on trouve aussi des morceaux où le groupe retrouve de sa créativité électronique et de ses ambiances froides comme Hallomann et surtout, surtout, il y a Puppe, morceau noir à souhait. C'est pour ce type de morceaux que RAMMSTEIN a été mon groupe préféré pendant cinq ans et cela fait plaisir de voir qu'ils sont toujours capables d'en produire ; mais quel dommage qu'il faille à ce point trier l'or du plomb !
Ceci étant, comme toujours, l'intérêt du groupe ne se résume pas à sa musique puisqu'il a également produit un clip très intéressant pour le morceau Deutschland, que nous avons analysé en détail ici. Ce qu'il y a peut-être de plus agaçant avec ce mastodonte du metal indus est que même dans ce qu'ils font de raté, il y a toujours des choses intéressantes.
Du bon album à foison, dans tous les genres
2019 a aussi et surtout été pour moi une année où j'ai connu de multiples bons albums dans des genres très différents, avec beaucoup de surprises. Et, pour ne pas recommencer à évoquer de vieux groupes et parce qu'ils le méritent, je tiens d'abord à parler d'UBIKANDE qui sortait son premier album cette année, Artefact : ce disque est un labyrinthe, un labyrinthe aux hauts murs constitués de riffs rock/metal indus et de mélodies lancinantes coldwave, un univers inquiétant et abouti où l'on se perd avec plaisir ainsi que je le racontais ici. Ajoutons, pour faire bonne mesure, que le groupe a assorti son album d'un d'un clip fantastique, dans tous les sens du terme ! Pour rester dans les genres que j'écoute habituellement, je dois aussi saluer TEST DEPT, l'antique groupe d'industriel britannique étant revenu cette année, bien plus en forme qu'on ne l'avait connu dans les années 90 : son Disturbance est son meilleur disque depuis The Unacceptable Face of Freedom, une électro-indus rythmée et offensive ; on sait l'engagement anticapitaliste du groupe, a-t-il été réveillé par le contexte d'ébulition sociale mondiale ? Toujours est-il que ses paroles font parfaitement écho à l'époque et que ce retour est plus que bienvenu -ma chronique ici.
Toutefois, je me suis aussi entiché cette année d'albums auxquels je m'attendais moins. C'est le cas du génial Caligula de LINGUA IGNOTA, expérimentation torturée qui emprunte au black metal, à l'indus et au heavenly voice, découvert par la chronique de mon collègue Pierre Sopor. En parlant de black : travailler sur mon article pour la rubrique culture à propos de Lovecraft m'a aussi fait prendre le temps de me pencher sérieusement sur THE GREAT OLD ONES ; mes connaissances en black metal sont sommaires, mais toujours est-il que j'ai beaucoup apprécié leur Cosmicism sorti cette année. Et comment ne pas parler du premier album de THE HU ? Qui aurait dit qu'un groupe mongol allait conquérir le monde aussi vite, réinventant le rock avec des instruments traditionnels ? Je parlais de ce disque irrésistible ici. Encore beaucoup plus surprenant : j'ai aussi aimé There Will Be No Intermission d'AMANDA PALMER, alors que ce n'est a priori pas du tout mon genre s'agissant, peu ou prou, de pop (encore une chronique de Pierre !). Comme quoi, il faut toujours rester ouvert aux découvertes !
A contrario, j'ai été un peu déçu par les sorties darkwave : les albums de SHE PAST AWAY (chronique) et THE DEVIL & THE UNIVERSE, bien que bons, m'ont paru manquer, pour le premier de diversité et pour le second d'ambition.
KÆLAN MIKLA en concert, ou quand la glace fait chaud au cœur
J'ai dit plus haut que la Twice Party du 23 novembre avait été mon concert de l'année, mais je savais à quoi m'attendre. J'ai en revanche été beaucoup plus surpris par KÆLAN MIKLA : j'avais beaucoup aimé leur album de l'année dernière (chronique), et comme la jeune formation darkwave passait à Lyon dans la minuscule salle du Sonic au début de l'année, j'avais envie d'y aller -j'ai failli renoncer, car je revenais ce soir-là d'un week-end de réunion intense à Paris et me levait tôt le lendemain. Eh bien, le moins qu'on puisse dire, c'est que je n'ai finalement pas regretté ! J'ai été captivé par leur ambiance sombre et glaciale, leur sens de la mise en scène. À la fin de l'année, je me suis précipité à Paris pour les revoir à la Boule Noire ! (live-report).
Pour conclure, un petit top des albums. Il me paraît utile de préciser que la liste qui suit est un inventaire à la Prévert, c'est à dire que comme les artistes se situent dans des genres et des registres différents, la comparaison est malaisée : l'ordre dans lequel je les présente n'est donc pas tant un jugement de valeur qu'une présentation de ce qui m'a le plus touché personnellement. Mais allons-y !
01. COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA - Another Winter (Darkwave néoclassique, France)
02. TEST DEPT - Disturbance (Electro-indus, Royaume-Uni)
03. LINGUA IGNOTA - Caligula (Heavenly-black-indus, États-Unis)
04. UBIKANDE - Artefact (Heavy cold wave, France)
05. THE HU - The Gereg (Hunnu Rock, Mongolie)
06. AMANDA PALMER - There Will Be No Intermission (Pop alternative, États-Unis)
07. THE GREAT OLD ONES - Cosmicism (Black metal, France)
08. SHAÂRGHOT - The Advent of Shadows (Metal industriel, France)
09. RAMMSTEIN - Rammstein 7 (Electro-metal, Allemagne)
10. L7 -Scatter The Rats (Grunge, États-Unis)