L'année touche à sa fin et c'est l'heure des comptes. Un rapide regard dans le rétroviseur, malheureusement, apporte à nouveau son lot d'amertume : 2021 n'aura pas été beaucoup mieux que 2020 et la reprise espérée n'arrive pas franchement. Vivre et faire vivre la musique sans concerts reste compliqué : les groupes rechignent à sortir leurs albums, la rencontre entre le public et les artistes est impossible... Si j'ai personnellement tendance à mettre de côté ce qui me déçoit pour me focaliser sur le positif, il se peut que cette petite rétrospective 2021 ne soit pas aussi joyeuse que les précédentes.
Vous trouverez tout en bas mon top 10 albums / films, comme d'habitude certaines places ont dû se jouer à pile ou face, certains ont été oublié et d'autres y auraient tout aussi bien leur place (John Carpenter, MOONSPELL, SONIC AREA...) alors que d'autres n'y sont pas car j'ai tenu à m'en tenir strictement aux albums (les EPs de GAAHLS WYRD, KLOAHK ou KAI REZNIK, par exemple, ont ainsi été sacrifiés)... Avant de commencer, voici notre playlist de l'année 2021, contenant (presque) tout ce dont nous vous avons parlé et que l'on vous conseille d'écouter en mode aléatoire pour en apprécier toute l'incohér...la diversité !
Pour plus concis, la seconde playlist se limite à ce que j'ai préféré et évite (peut-être) certains doublons.
Nous sommes si décevants
Eh oui. Quand je pense à l'actualité musicale, aux faits marquants de 2021, dire que le positif ressort en priorité serait mentir. Au-delà de la musique (le dernier MINISTRY manquait cruellement de saveur), peut-être avions-nous trop de temps à perdre à force de s’ennuyer confinés... Alors que la musique pourrait nous rassembler autour d'une passion commune, elle a été perméable à des polémiques que l'on aurait préféré garder loin de tout ça. L'indignation et la colère, ça marche bien et comme on n'avait pas grand chose d'autre à faire, nous nous sommes déchirés en vain sur des sujets débiles (ULTRA VOMIT à l'Elysée), des histoires de pass sanitaires (IGORRR, par exemple, en a fait les frais avec remaniement du line-up à la clé), chacun instrumentant la situation à sa sauce pour, sous couvert de contestation, nous diviser. Dans un autre registre, le fait qu'une poignée d'intégristes religieux puissent faire annuler le concert d'ANNA VON HAUSSWOLFF à Nantes et pousse l'organisation parisienne à (magnifiquement) rebondir en reprogrammant la date dans un lieu tenu secret, donnant l'impression aux gens dans leur bon droit d'agir clandestinement, me semble particulièrement préoccupant. Vivement que les débats autour de la musique parlent à nouveau de musique...
Au-delà de ces histoires, il y a eu les comportements décevants des artistes : on peut regretter que SUBLIME WITH ROME choisisse une période de pandémie, difficile à vivre pour les musiciens, pour coller un procès à Jérôme Reuter car il n'a pas déposé le nom de son projet, ROME. On peut tiquer sur MINISTRY, pas les derniers pour donner les leçons, qui vire de sa tournée KMFDM et FRONTLINE ASSEMBLY sans plus de procès et a été bien long à réagir aux accusations d'agressions sexuelles sur mineures contre le guitariste Sin Quirin...
Les agressions sexuelles, d'ailleurs, ont à nouveau, hélas, été au centre des discussions. On a beaucoup parlé de Rage Tour, qui n'est pas l'unique entreprise avec un (ou plusieurs) employés au comportement inacceptable. Il reste à espérer que tout cela aura finalement été constructif, l'entreprise ayant pris plusieurs mesures, qu'ils servent d'exemple aux autres pour un avenir plus sain.
Et bien sûr, il y a lui, là. L'autre. Le peinturluré un poil has-been dont nous avons unanimement décidé de ne plus parler en ces pages dès que les accusations à son encontre ont été rendues publiques. Nous n'avons pas la légitimité pour dire quoi que ce soit là-dessus, y compris d'un point de vue légal, et avons estimé que ce n'est pas notre rôle même si cela aurait généré facilement du trafic sur notre site (hey, les amis, rendez-nous visite, on vous aime !)... Il ne reste qu'à espérer que la justice soit faite et tire toute cette sinistre affaire au clair et nous nous tiendrons, toujours, du côté des victimes. Son cas nous a marqués : il a été pour beaucoup d'entre nous une révélation avec son maquillage flamboyant, ses messages, ses clips soignés et sa musique accessible servant de porte vers tant d'autres univers qui nous ont fait, à un moment, grandir. On aimait le considérer comme un pépé un peu mytho qui utilise la provocation pour dénoncer diverses oppressions, notamment religieuses. On l'a aussi vu sombrer artistiquement depuis 15 ans, errant mollement sur scène, perdu dans son propre ennui, donnant des interviews qui faisaient pâle figure à côté de ses anciennes interventions. De toute la fange de 2021, de ses mesquineries, ses errements et ses horreurs, les très nombreuses accusations de viol contre Marilyn Manson ont un goût de trahison personnelle et de fausse surprise particulièrement difficile à avaler.
... Et parfois, c'était bien
Ressasser le négatif n'aide pas à avancer. Allez, tirons la chasse un bon coup sur les ligne précédentes et essayons de ressortir de tout cela du positif.
Musicalement, j'ai été particulièrement séduit par le deuxième album de NOT MY GOD (chronique) au potentiel enfin exploité pleinement, le dernier ROME (chronique) plus accessible que d'habitude mais si efficace et puissant, la révélation metal indus FAUXX (chronique) si prometteuse qui amène une dose de lourdeur et de noirceur tout en refusant les appels séduisants du dancefloor, KLOAHK qui s'épanouit et confirme avec son second EP (chronique) tous les espoirs qu'on plaçait dans ce projet rock-indus anachronique et poétique et le Bloodmoon : I de CONVERGE et CHELSEA WOLFE (chronique), matérialisation studio de concerts exceptionnels donnés cinq ans plus tôt et dont on espérait fiévreusement entendre parler à nouveau. D'ailleurs, s'il y a bien une artiste qui a illuminé cette année de sa ténébreuse présence, c'est Chelsea Wolfe : entre les chutes de Birth of Violence, son morceau dédié à Wonder Woman (eh oui), ses différentes collaborations (CONVERGE, EMMA RUTH RUNDLE, DIVIDE AND DISSOLVE), elle était sur tous les fronts, toujours au top.
Si la reprise tant attendue des concerts n'est toujours pas d'actualité, la tournée d'IGORRR a permis de constater que le groupe a franchi un nouveau palier avec un line-up grandement modifié et un show visuel magnifique : suivant ce projet depuis ses premiers pas maladroits, l'évolution du travail de Gautier Serre m'impressionne. Côté concerts, forcément, il y a cette promesse folle d'un double Hellfest avec notamment une journée dont la programmation sur la Main Stage 1 est l’œuvre de monsieur Reznor en personne : NIN, SKINNY PUPPY (faut-il lire plus loin ?), KILLING JOKE, HEALTH, YOUTH CODE qui se succèdent... Et bien sûr, tout le reste d'une affiche incroyable, démente, toute en démesure et générosité. On croise les doigts très fort en espérant que la chose ait lieu, comme tant d'autres plus petits événements qui nous tiennent particulièrement à cœur.
Sur VRDA, nous avons essayé de vous parler d'autres choses que de musique à l'occasion et au cinéma aussi il y a eu de belles choses. Alors que l'on ne peut que regretter que certaines grosses machines boursoufflées aient monopolisé l'attention au détriment de films plus intéressants (il FALLAIT, comme tout le monde, donner son avis sur Dune par exemple, jolie pub de luxe de 2h30 très absorbée par la contemplation du visage lisse de ses jeunes acteurs principaux qu'aucune goutte de sueur n'oserait troubler, même en plein désert, et à l'indigeste bande-son d'un Zimmer plus fainéant que jamais), il y avait de belles pépites à côté, dans les salles plus petites et à moitié vides ou sur les plateformes de streaming. Le récit Arthurien sous acide The Green Knight de David Lowery (déjà auteur du très beau A Ghost Story) ou le giallo-pop d'Edgar Wright Last Night in Soho étaient esthétiquement superbes, alors que Mad God de Tippett, sorti après plus de 30 années de travail, était un film totalement fou qui, à coup sûr, divisera les audiences lorsqu'il aura (enfin) droit à une vraie distribution hors festival. Les Sorcières d'Akelarre ou La Nuit des Rois proposaient des échappées dépaysantes où la vie, l'énergie et la poésie permettait de résister à une réalité cruelle. En séries TV, le retour de Chucky était bien plus réussi que ce que l'on aurait imaginé, et sur des thèmes similaires (petit village reculé, vampires, intégrismes religieux), Midnight Mass et Chapelwaite (librement inspiré du Salem's Lot de Stephen King) distillaient une ambiance gothique noire et délectable. Brand New Cherry Flavor, avec son goût du décalage, de l'étrangeté et de l'horreur à la Cronenberg, ruait un peu dans les brancards des productions uniformisées et sans saveur de Netflix.
Si l'actualité ne se prête pas forcément à l'optimisme concernant la reprise des spectacles vivants, on ne peut, encore une fois, qu'espérer que 2022 soit une année qui permette enfin aux artistes de s'exprimer sur scène pour de bon. De là à y croire ? Bah... Disons que l'espoir fait vivre !
Top 10 Albums :
01. Converge & Chelsea Wolfe - Bloodmoon I
02. Rome - Parlez-Vous Hate
03. Not my God - Simulacra
04. Fauxx - StatistiC Eg0
05. Danny Elfman - Big Mess
06. Wolves in the Throne Room - Primordial Arcana
07. Swallow the Sun - Moonflowers
08. King Woman - Celestial Blues
09. Lingua Ignota - Sinner Get Ready
10. Horskh - Wire
Top 10 Films :
01. Mad God, de Phil Tippett
02. Last Night in Soho, d'Edgar Wright
03. The Green Knight de David Lowery
04. Les Amants Sacrifiés de Kiyoshi Kurosawa
05. La Nuit des Rois de Philippe Lacôte
06. Drive my Car de Ryusuke Hamaguchi
07. The Suicide Squad de James Gunn
08. Les Sorcières d'Akelarre de Pablo Agüero
09. Veneciafrenia d'Álex de la Iglesia
10. Annette de Leos Carax