2021 est finie et de l'avis général, l'année ne devrait pas manquer à grand monde. Nous avons passé encore beaucoup trop de temps à ronger notre frein sans concerts ; pour ma part je n'ai pu assister qu'à celui de COLLECTION D'ARNELL-ANDRÉA et LAUDANUM à Orléans, qui était une bouffée d'air frais pour nous comme pour les musiciens, mais on a hâte de sortir la tête de l'eau ! Reste que 2021 nous a apporté son lot de bonnes et de mauvaises choses et qu'il est temps de faire l'inventaire.
Toutefois, faisons-le en musique ! Et pour cela, rappelons tout d'abord que nous avons la playlist réalisée par mon collègue Pierre comme coup d'œil général de ce que nous avons traité en 2021 :
Et pour être plus précis, mes chouchous se trouvent dans cette seconde playlist plus courte :
Le traditionnel top des albums d'où sont tirés ces morceaux attend sagement à la fin de l'article ! Ainsi armés, voyons un peu ce qui a dominé 2021 à mes oreilles !
Des choses franchement oubliables
Faisons d'abord la liste de ce qu'on ne gardera pas !
L'album Moral Hygiene de MINISTRY (chronique) est encore un de ces disques du groupe qui passeront à la trappe, on se contentera de l'excellent surprise qu'avait été AmeriKKKant en 2018 et de ses classiques. J'avais quelque espoir que le retour de :WUMPSCUT: après plusieurs années d'arrêt de la musique signifiait que Rudy Ratzinger avait retrouvé la flamme pour son album Fledermaus :303: (chronique) ; hélas, l'artiste continue à tourner en rond. Tant pis, on lui sera toujours reconnaissant pour les chefs d'œuvre qu'il a autrefois fournis à la dark electro.
Par ailleurs, c'est avec un désintérêt teinté d'ironie que j'ai assisté aux dernières frasques de LINDEMANN, Till de RAMMSTEIN poursuivant son projet solo sans Peter Tägtgren de PAIN : chanson gentillette en russe (ici) et electro-metal téléphoné (là) succèdent donc au très gênant clip pornographique Till The End de l'année dernière... On dirait bien que le projet n'a plus ni queue ni tête mais Till étant Till, ça risque de prêter à des plaisanteries douteuses. Disons franchement que ça en devient navrant. Et on ne peut pas vraiment compter sur l'album The Persistence of Memory (chronique) de Richard Zven Kruspe pour son projet EMIGRATE pour redorer le blason des projets solos des membres de RAMMSTEIN. Rien à faire, il faut qu'ils s'y mettent ensemble pour que ce soit intéressant ; on attend donc le prochain album du sextet, qui ne devrait heureusement plus tarder !
Des choses à dénoncer
Et puis, tant qu'on est dans le négatif, il y a aussi des choses qu'on ne veut pas oublier précisément parce qu'on ne veut plus les revoir. Mon collègue Pierre a déjà fort bien parlé dans sa rétrospective des affaires de violences sexistes et sexuelles, j'ajouterai simplement ceci : même si ça fait mal, c'est une bonne nouvelle que ces affaires voient le jour, parce que cela signifie que ces comportements sont de moins en moins considérés comme normaux. Il y aura sûrement d'autres affaires, qui affecteront peut-être des artistes que j'apprécie davantage que ceux touchés jusque-là, c'est triste, mais il faut que ça se sache pour qu'on en finisse. En attendant, on peut en retenir ceci : la musique, même alternative, est un milieu où il y a des rapports de pouvoir comme dans les autres, dus à la notoriété et au pouvoir économique, et comme dans les autres, il y a des gens qui en abusent ; le second degré n'est pas toujours du second degré ; et ce n'est pas parce qu'une œuvre nous fait du bien que son créateur ne peut pas être quelqu'un qui fait du mal autour de lui.
Tant qu'on est dans les dénonciations, je pense aussi à l'annulation du concert (instrumental !) d'ANNA VON HAUSSWOLFF à Nantes, sous la pression d'intégristes religieux alors qu'une église catholique avait accepté d'accueillir son concert : cette annulation a au moins eu ceci de positif qu'elle m'a permis de découvrir l'artiste ! Je ne suis probablement pas le seul : cette affaire consternante lui a donné une visibilité médiatique que les musiques sombres ont rarement. Du moins peut-on se féliciter qu'elle ait finalement pu se produire à Paris, un temple de l'Église Protestante Unie de France ayant accepté de donner asile à l'artiste dont la performance dans une autre église était également menacée, mais il est révoltant qu'il ait fallu changer de lieu et maintenir ce plan B secret, comme si les intolérants pouvaient agir à leur guise pour faire interdire ce qui leur déplaît. Retenons donc ANNA VON HAUSSWOLFF parce qu'elle le mérite, et retenons ceci : les gens qui ne supportent pas la différence en général ont de fortes chances de ne pas supporter davantage la différence culturelle, c'est une évidence lorsqu'on parcourt le site à l'origine de l'attaque. Bien qu'elle n'ait rien sorti en 2021, on ne se privera donc pas d'un morceau de l'organiciste parce que voyez-vous, c'est comme aux échecs, la dame est très forte :
Des albums avec leur lot de surprises
Passons aux sujets joyeux et aux joyaux ! L'année 2021 nous aura offert nombre d'albums que l'on retiendra. Pour ma part, cette année m'a marqué par le fait que j'ai été régulièrement surpris par les orientations adoptées par les artistes.
J'ai ainsi été décontenancé par l'album Sinner Get Ready de LINGUA IGNOTA (chronique), Kristin Hayter délaissant les sonorités industrielles et le black metal pour des instruments classiques des Appalaches, avec toujours l'orgue et le piano ; je n'étais pas sûr d'accrocher aux extraits publiés mais le disque m'a conquis. Il est extrêmement original et met les nerfs à vif tout en paraissant cette fois finir par dépasser les traumatismes de l'artiste en une catharsis salutaire. DIE FORM a quant à lui montré qu'après plus de quarante ans d'expérimentations dans la scène électro-industrielle, il pouvait toujours nous prendre de court avec son album Mental Camera (chronique), centré sur les paroles et pourvu dans ses éditions spéciales d'un livret exposant son univers visuel, une plongée dans les plus sombres arcanes de l'esprit : là encore, la démarche m'a d'abord déstabilisé, puis m'a obsédé -et continue d'ailleurs à le faire ! Ce sont là deux albums formidables, dont je sais que je les retiendrai encore longtemps.
KÆLAN MIKLA a surpris aussi, lorsque le premier clip de son quatrième album Undir Köldum Norðurljósum est sorti (chronique) : la mélodie ensorcelante, le chant fascinant de Laufey Soffía, l'évolution vers une musique plus éthérée dans laquelle on croît reconnaître l'influence de COCTEAU TWINS, l'imagerie de sorcellerie nordique poussée à son paroxysme : c'était énorme. Sans doute cela a-t-il conduit à des attentes trop élevées : s'il s'agit d'un très bon album, et même de l'un de ceux qui m'ont le plus marqué cette année, l'évolution n'est finalement pas aussi réussie que je l'attendais, le clavier m'a paru trop lisse sur l'ensemble de l'album et les cris de Laufey Soffía me manquent. Mais c'est ainsi et après tout, l'album a déjà ses nouveaux fans.
Notons également une petite surprise avec YOUTH CODE, qui est revenu mais en s'associant à l'artiste trap metal KING YOSEF (chronique) pour un album de metal industriel : je n'étais pas sûr d'apprécier mais l'album s'est avérée une baffe bien méritée !
Des albums de continuité
Tout n'a pas été que revirements et changement de style cette année, bien sûr. Ce qui m'a surpris avec l'album D'une Pierre Deux Tombes d'OPERA MULTI STEEL (chronique) a au contraire été de voir que le groupe restait finalement proche de son registre habituel, malgré un premier clip beaucoup plus sombre que d'habitude ; si on sent l'atmosphère funèbre de l'album, celui-ci sait aussi jouer de légèreté, comme en témoignent les interventions de la flûte héritée de MALICORNE, ce qui en fait un album original et plaisant. On peut aussi citer l'album Zyklus par lequel GRAUSAME TÖCHTER continue de creuser son sillon (chronique), extrêmement efficace, Aranaea Peel ayant trouvé un bon équilibre entre la face dansante et la face néoclassique de sa musique, avec en plus l'intéressante expérience que constituent les réinterprétations de morceaux classiques sur le CD bonus. Le Leidenschaft de LACRIMOSA (chronique), quant à lui, semble être retourné à sa demeure stylistique après un Testimonium beaucoup plus pesant que d'ordinaire.
Et les EP, au fait ?
Profitons-en pour faire une petite sélection d'EP, format moins fréquent qui a accueilli de jolies choses cette année : ainsi de Herederos del Silencio d'ETXEGIÑA en black metal mélodique (chronique), du Verso2 de KLOAHK (chronique) et d'Au Cœur de la Nuit de DIE FORM (là), vraisemblablement composé de morceaux qui ne cadraient pas suffisamment avec le concept de l'album.
La scène black metal se porte bien
Une dernière chose a caractérisé mon année 2021 en musique : j'y ai beaucoup plus écouté de black metal que d'ordinaire. C'est un genre que je n'écoute d'habitude qu'occasionnellement, admiratif surtout des travaux de BATHORY, mais au fil des recommandations de plus métalleux que moi cette année, de collègues, d'anciens collègues ou de forumeurs de RammsteinWorld.com j'ai pu avoir un échantillon appréciable de la richesse que produit encore le black metal : je parlais de l'EP d'ETXEGIÑA au-dessus mais au niveau des albums, il y a eu de belles prises de mon côté avec DER WEG EINER FREIHEIT (chronique), WOLVES IN THE THRONE ROOM (chronique) ou encore SPECTRAL WOUND (pas chronique) -d'autres m'ont plu mais moins marqué. De quoi me donner envie de davantage suivre cette scène !
Pour conclure, mon top des albums de 2021 ! Je rappelle les règles du jeu : il s'agit de disques dans des genres différents et sur des thèmes différents, qui ne sont pas tout à fait comparables, et dont le classement est donc subjectif, en fonction de l'effet qu'ils me font.
01. DIE FORM - Mental Camera (Electro-indus, France)
02. LINGUA IGNOTA - Sinner Get Ready (Darkwave néoclassique, États-Unis)
03. GRAUSAME TÖCHTER - Zyklus (Darkwave, Allemagne)
04. KÆLAN MIKLA - Undir Köldum Norðurljósum (Darkwave, Islande)
05. YOUTH CODE / KING YOSEF - A Skeleton Key In The Doors of Depression (Metal industriel, États-Unis)
06. DER WEG EINER FREIHEIT - Noktvrn (Black Metal, Allemagne)
07. OPERA MULTI STEEL - D'une Pierre Deux Tombes (Synthpop médiévale, France)
08. WOLVES IN THE THRONE ROOM - Primordial Arcana (Black metal, États-Unis)
09. SPECTRAL WOUND - Diabolical Thirst (Black metal, Canada)
10. LACRIMOSA - Leidenschaft (Metal gothique symphonique, Allemagne)