Edito | Rétrospective 2023 : les coups de cœur de la rédaction

Alors que l'année 2023 touche à sa fin, la tradition veut que l'on regarde en arrière pour en faire le bilan et vous proposer nos traditionnelles listes de "tops" de fin d'année. On ne va pas vous le cacher : si l'on trouve chaque année des pépites, 2023 a été particulièrement riche et isoler une dizaine d'albums a été un crève-cœur pour chacun d'entre nous. Faire des tops 10 "plus grands à l'intérieur" ? Sacré casse-tête : comment faire tenir des dizaines d'excellents disques en si peu de place ? Nous avons donc jonglé et assumé quelques stratégies du type "allez, si toi tu mets untel, moi je mets untel" de manière à vous proposer un éventail à la fois représentatif, varié et honnête... tout en assumant notre petit côté chauvin : il se fait de belles choses en France ! On se doutait qu'après la pause forcée par la pandémie, les sorties allaient pleuvoir et l'on trouvait d'ailleurs des échos de cette situation dans plusieurs albums cette année (Let Me Out de Shaârghot ou La Vie La Pute de Bad Tripes en sont par exemple des exemples explicites)...

Nous retiendrons donc de 2023 une vivacité créative exceptionnelle au cours de laquelle nous avons par exemple eu le plaisir d'assister à l'émergence, enfin, de Sierra dont le premier album est bien plus qu'une simple prolongation de ses EPs, mais aussi à la mutation de Gggolddd en un projet trip-hop / indus / darkwave glacial et sublime (leur nouvelle version de He Is Not vient d'ailleurs de remporter le prix de la meilleure chanson de l'année aux Rotterdam Music Awards, la preuve qu'on ne dit pas que des bêtises !), à l'évolution toujours plus poétique d'Hypno5e dont les spectres nous ont accompagné tout au long de l'année (nous les avons vus sur scène à plusieurs reprises, de mars à octobre), à l'omniprésence de HEALTH qui est devenu, avec son univers atypique, un incontournable de la scène industrielle internationale, à l'apparition surprise d'Eihwar qui dépoussière les "folkeries" nordiques actuellement en vogue, au premier album de Novembre, atypique, stimulant et glaçant, ou encore, évidemment, l'incroyable crise de croissance de Shaârghot qui a fait l'unanimité dans notre équipe comme peu d'artistes par le passé (se retrouvant mentionné cinq fois dans les tops de notre rédaction... composée de quatre personnes !).

Il n'y a pas que des émergences, cependant, mais aussi des carrières qui se poursuivent avec une louable endurance ! En France, nous avons ainsi eu la chance d'avoir cette année de nouveaux albums de Collection d'Arnell-Andréa, Opera Multi Steel et Dead Souls Rising avec des évolutions notables, et même Corpus Delicti recommence à composer à côté de sa tournée de retour. Et puis il y a le cas de Laibach, qui n'est plus ni jeune ni ancien : le groupe est dorénavant un collectif d'artistes intervenant autour d'Ivan Novak et Milan Fras, de sorte que ce sont de nouvelles équipes qui ont pris en charge cette année les représentations du spectacle Alamut et la composition du nouvel album Sketches of the Red Districts ; or, non seulement le collectif slovène se renouvelle en restant toujours aussi fascinant, mais ces nouvelles créations manifestent une parfaite continuité dans sa démarche depuis quatre décennies !

Hélas, 2023 a aussi eu son lot de moments plus amers. Le décès récent du légendaire Geordie Walker (Killing Joke) ou la fin de carrière de Skinny Puppy sans un dernier passage en Europe, pourtant prévu en 2022, puis promis pour 2023 et finalement annulé, nous laisse orphelins de projets fondateurs. Si l'on ajoute à cela des indicateurs comme les programmations des "gros festivals" (suivez notre regard) dont les têtes d'affiche n'ont jamais aussi peu retenu notre attention mais dont les noms "plus petits" ont rarement été aussi excitants, on tient là un bon rappel que si bien sûr les "racines" sont indispensables à une saine croissance, la musique doit plus que jamais se vivre au présent et au futur pour ne pas mourir.

Comme chaque année, nous ne pouvons que tristement voir les accusations pour violences sexuelles se multiplier dans chaque sphère de notre société, éclaboussant des artistes qui ont été primordiaux pour nous. Fidèles à notre ligne de conduite consistant à ne parler que de création artistique, nous n'avons pas relayé les histoires sur Till Lindemann, Danny Elfman ou Punish Yourself. Notre position reste inchangée : afin d’œuvrer pour un milieu plus sain, nous ne mettrons plus en avant ces artistes dans nos pages, du moins pour le momente. Il y a bien assez de choses passionnantes pour trouver d'autres sujets de conversation. Nous n'avons pas la légitimité pour aborder ces problèmes de manière pertinente et souhaitons maintenir cet espace "safe" afin de préserver tout le monde : vous, nous, et chaque personne impliquée, sans capitaliser sur le buzz facile que génère ces histoires.

Nos regards sont désormais tournés vers 2024 et ces promesses. Le retour de Chelsea Wolfe nous fait frémir, on s'échauffe déjà pour le nouvel album de Horskh, Dool (dont le récent album live est magnifique) devra trouver le moyen de faire mieux que Summerland, le projet de Die Form Outre Mondes a été retardé mais est en approche et il y a tous ceux que l'on oublie et ceux que l'on ne connaît pas encore : on ne devrait pas s'ennuyer !

Trêve de bavardages, on vous laisse sans autre forme de procès avec nos tops 10 à la place désespérément étriquée et où nous n'avons hélas pu faire entrer Varsovie, 2nd Face, Grave Pleasures, FVNERALS, Hexvessel, Death Engine, Venera, Fever Ray, Godflesh ou encore Dool, pourtant auteurs également d'albums indispensables. Pour les plus cavaliers, une playlist Spotify (à écouter en aléatoire) récapitule ce qui nous semblait important en moins de 10 heures (là encore, sacré défi).