SKINNY PUPPY n'est plus, voici six projets pour faire son deuil

Pierre Sopor 18 décembre 2023

Voilà, c'est fini : après 41 ans de carrière, Skinny Puppy n'aboiera plus. Ces quatre décennies ont été marquées par les tensions et de longues pauses (le groupe n'a d'ailleurs plus rien sorti depuis Weapon en 2013) mais il faut désormais faire notre deuil pour de bon. Contrairement à ce que l'on avait follement espéré à l'annonce de leur venue (finalement annulée) au Hellfest 2022, Skinny Puppy ne repassera pas une dernière fois en Europe, laissant comme derniers souvenirs scéniques en France un passage en pleine journée au Download Festival en 2017 et un concert avorté après trois titres et demi à la Maroquinerie en 2010, la technique de la salle ne supportant pas le dispositif. Des expériences en demi-teintes, forcément, car elles ne laissaient que deviner toute la folie d'un show à leur image : cauchemardesque, psychédélique, immersif et unique.

On devine qu'à soixante ans passés, avec tout le background du groupe et les frais de tournée devenus très compliqués à assumer (leur passage de 2010 avait été baptisé "In Solvent Seas", jeu de mot avec "insolvency", et avait failli provoquer leur faillite), mais aussi un cachet relativement conséquent, leur retour de ce côté-ci de l'Atlantique était quasi impossible. On ne va d'ailleurs pas se mentir : ce n'est pas tant en studio que Skinny Puppy va nous manquer (le dernier album n'est probablement pas celui que l'on retient le plus) que sur scène, où le spectacle dément et les performances de Nivek Ogre faisaient toujours leur effet...

Leur discographie massive (il y a de quoi s'y perdre) reste et cEvin Key et Nivek Ogre vont continuer leur bout de chemin chacun de leur côté, avec leurs side-projects respectifs. Cependant, nous vous proposons également de (re)découvrir d'autres projets qui pourraient vous aider à digérer cette fin. Nous ne vous avons pas énuméré les différents projets où ils sont impliqués, mais voici plutôt une sélection de choses bruyantes, folles, viscérales, malsaines, expérimentales dans lesquelles vous trouverez peut-être une solution à vos malheurs, entre portes ouvertes et, on l'espère, découvertes plus inattendues. Ce qui ne vous empêche pas de découvrir Download, Tear Garden, Ohgr, Pigface ou encore de rapprocher Down in It de Nine Inch Nails de Dig It (ou, plus récemment, Less Than d'illisiT)...

En bonus, en fin d'article, deux reprises vous attendent.

CHRYSALIDE

Puisqu'on est d'humeur funèbre, autant continuer : Chrysalide n'existe plus non plus, le groupe ayant cessé ses activités fin 2019, entraînant dans sa tombe le label audiotrauma, superbe aventure placée sous le signe de l'exigence et pleine d'artistes fascinants (Sonic Area, Moaan Exis, Machinalis Tarantulae, Noire Antidote, F.Y.D., Le Diktat, Horskh, Hologram_, Sølve...). Il nous reste cependant trois albums, chacun ayant une personnalité propre, parus entre 2007 et 2014. Si leur trajectoire les amène globalement à un son plus apaisé et accessible, partant de la frénésie bruitiste de Lost in a Lost World pour arriver à la mélancolie et aux touches dubstep de Personal Revolution, nous choisissons aujourd'hui de mettre en avant l'album Don't Be Scared, It's About Life (chronique). Monument de violence électronique aux influences variées, c'est une tempête de noirceur particulièrement enragée, engagée et viscérale et, encore aujourd'hui, une des plus puissantes œuvres de la musique industrielle française, avec ce goût pour les choses tordues et les nappes atmosphériques psychotropes.

 

FAUXX

Arrêtons un peu avec les projets enterrés et arrêtons-nous un instant sur un projet flambant neuf : on reste en France avec le duo FauxX et son mélange darksynth / industriel d'une lourdeur écrasante. La batterie donne à la musique un impact singulier qui la rapproche du metal bien qu'aucune guitare ne s'y fasse entendre. Cauchemar sous acide et rythmiques hypnotiques impitoyables : FauxX rappelle Skinny Puppy mais sous stéroïdes et en bien plus guttural. Malgré son nom, FauxX ne triche pas et dégage aussi une authenticité viscérale entre ses nappes lugubres et ses frappes impitoyables. Auteur d'un unique album en 2021 (chronique), le duo ouvrait en 2022 la journée sur la MainStage du Hellfest, dont la programmation avait été choisie par Trent Reznor lui-même, Nine Inch Nails étant la tête d'affiche de la soirée. Ils ont donc failli partager l'affiche avec Skinny Puppy, avant que les Canadiens ne se retirent...

 

BLACK AGENT

On prend les paris : si vous tombez un jour sur Black Agent par hasard, il y a peu de chances que vous vous dites "ce truc date de 2016". Bien que commencé comme un projet solo de techno industrielle, le projet américain est devenu un trio et s'est embarqué vers des directions plus old-school, aux influences EBM et industrielles. A l'écoute de leur premier album, Industrial Ruination (chronique), l'héritage de Skinny Puppy est flagrant, de ce chant nasillard de cyborg paniqué à l'empilement de samples et de textures. Ils font également office de "bons élèves" au sein de cette liste, leur son étant celui qui se rapproche le plus de Skinny Puppy, leur démarche s'ancrant dans une hommage référentiel assumé.

 

STATIQBLOOM

Le cas de Statiqbloom est particulier : d'un album à l'autre, Fade Kainer brouille les pistes et fait évoluer son style. L'album Asphyxia sorti en 2019 (chronique) est cependant fortement recommandé pour amateurs d'électroniques cauchemardesque et psychédélique. Si les rythmiques venues de la techno industrielles sont forcément plus prévisibles que les délires de Skinny Puppy, l'album dégage en permanence cette sensation de terreur, cette impression d'être prisonnier d'une crise d'angoisse ou le jouet de clowns grimaçants. C'est sombre, dense et imprévisible et les couches de superposent comme on s'enfonce toujours plus loin dans un mauvais rêve.

 

LEAD INTO GOLD

On arrive dans la famille proche : Lead Into Gold assurait les premières parties lors de la tournée d'adieu de Skinny Puppy. Le projet de l'éminent Paul Barker sortait d'un long sommeil en 2018 (on était sans nouvelles depuis 1991) et, plus tôt cette année, nous offrait le très beau The Eternal Present (chronique). On y retrouve la touche si particulière du bassiste, passé notamment par Ministry et Puscifer, mais aussi ce goût pour les expériences quasi alchimiques avec les sons et les textures : c'est audacieux, surprenant et captivant. Si jamais la place de Lead Into Gold au sein de cette séélectin nécessitait d'être appuyée un peu plus, sachez que Paul Barker travaille actuellement à un nouveau projet en compagnie d'un certain.... Nivek Ogre. Nous bouillons.

 

CYBERAKTIF

Comment ne pas finir avec Cyberaktif ? Comme Lead Into Gold cité plus haut, Cyberaktif n'avait connu qu'une brève histoire entre la fin des années 80 et le début des années 90 avant de plonger dans le ténébreux oubli relatif des innombrables side-projects impliquant des membres de Skinny Puppy. Les tensions grandissantes dans le groupe poussait à l'époque cEvin Key et Dwaye Goettel à collaborer le temps d'un album avec Bill Leeb, passé par Skinny Puppy entre 1985 et 1986 avant de fonder Frontline Assembly. On pouvait donc dire que c'était un peu Skinny Puppy sans Nivek Ogre. On a longtemps cru que Tenebrae Vision, paru en 1991, serait l'unique album de ce projet excitant. Que nenni ! Cyberaktif annonçait il y a quelques mois son retour et nous découvrions il y a quelques jours un premier single d'un album attendu pour début 2024. Désormais, Dwayne Goettel ayant quitté ce plan de l'existence en 1995, le groupe se compose de cEvin Key, Bill Leeb et Rhys Fulber : c'est un peu Frontline Assembly, mais avec cEvin Key, quoi ! Nous bouillons intensément.

 

Bonus : deux reprises d'Assimilate

Que Skinny Puppy ait inspiré des artistes de la scène industrielle ne fait aucun doute. Nous vous proposons cependant deux reprises, toutes les deux d'Assimilate, dont le casting dépasse les limites de l'indus. La première est signé Scars on Broadway (en gros System of a Down sans Serj Tankian) et la seconde Alien Vampires. Jusque là, rien de surprenant, mais notez que la batterie est jouée par un certain Joey Jordison (ex-Slipknot), dont il s'agit du tout dernier enregistrement, et qu'Attila Csihar (Mayhem) y donne de la voix. Rien que ça !