Après avoir fêté ses 15 ans d'existence lors de l'Audiotrauma fest à Prague en février dernier, le label culte organisait une grosse bringue au Petit Bain le 15 avril dernier, histoire de célébrer leur anniversaire avec le public parisien. Salle idéale et conviviale, le Petit Bain a souvent proposé un son irréprochable, en plus d'avoir des gens sympathiques derrière le bar. Il n'y avait donc que ces fichus photographes qui se sont battus avec la fumée et les lumières de face peu présentes pour pleurnicher... Mais au diable ces pisses-vinaigre à l'hygiène douteuse (oui, je parle de moi), on va à un concert pour la musique, pas pour faire des selfies ! Et de la musique, on en a eu. La soirée a été magique, intense, folle. Nos neurones ont été massacrés par des agressions sonores successives, mais aussi flattés par les subtilités que nous proposent les trouvailles du label Audiotrauma, qui a toujours su associer violence, richesse musicale et originalité.
Meta Meat
Et puisque l'on parlait d'originalité, autant commencer par le début. META MEAT ouvrait la soirée et était, pour beaucoup, une découverte qui marque les esprits. Il faut dire que la silhouette longiligne et le crâne chauve de Phil Von (de VON MAGNET) impose d'emblée une espèce de respect quasi religieux au public présent. Teintant leur musique industrielle d'éléments tribaux, les deux musiciens derrière META MEAT créent un univers mystique, sacré même. Leur performance intense est très puissante émotionnellement lance la soirée de la meilleure des manières.
Näo
Alors que la salle s'est bien remplie, NÄO arrive sur scène et a visiblement ses fans dans la fosse (coucou les copains de SHAÂRGHOT qui se sont démontés la nuque tout devant). La musique du trio, aussi puissante qu'atmosphérique, entre rock énervé et trip-hop, évoque furieusement une version plus indus de EZ3KIEL. La température grimpe de plusieurs degrés pendant le set du trio et les vannes commencent à fuser dans le public : des "votez Fillon" disputent les ricanements de la fosse aux inévitables "à poil !". Pendant ce temps, NÄO envoie sévère, c'est carré, et le public du Petit Bain rend justice aux Bisontins en leur offrant le bruit qu'ils méritent.
Moaan Exis
Je me souviens avoir vérifié : avant que MOAAN EXIS ne monte sur scène, j'avais des tympans. Mais ça c'était avant que Mathieu, le grand malade derrière le projet ne lance ses machines et se mette à tourner derrière en tapant des pieds. Déjà qu'en studio MOAAN EXIS ça cogne, je vous laisse imaginer le résultat en live avec Xav de PUNISH YOURSELF qui tape comme un dingue sur sa batterie. La musique gagne en percussion et en puissance au point que ça en devient carrément sauvage. On perd peut-être en chemin quelques subtilités de la musique, mais on y gagne au moins autant en gras, ce qui convient parfaitement au live. "Everything starts with a trauma" nous dit le slogan de Audiotrauma, arboré fièrement par Mathieu sur son tee-shirt... et bien le voilà le premier traumatisme de la soirée !
Horskh
Les petits gars de HORSKH ont bien compris que le passage de MOAAN EXIS avait laissé des séquelles sur le public. Du coup, en fin stratèges qu'ils sont, pour se faire entendre par le public fraichement devenu sourd du Petit Bain, ils décident aussi de jouer comme des fous furieux. Après tout, en gueulant bien fort, on finit par se faire entendre, non ? Et puis l'inverse nous aurait déçus : leur premier album sorti il y a quelques jours était une tuerie, on était donc bien là pour prendre une fessée. C'est chose faite en quelques secondes, alors qu'on se mange Strayed Away d'entrée. Bastien, le chanteur / guitariste court dans tous les sens comme un possédé alors que les popotins s'agitent violemment dans la fosse. HORSKH, c'est un rouleau-compresseur à la fois punk et festif et ça gueule avec une énergie monumentale. Bref, c'était un massacre et c'était énorme.
Chrysalide
Difficile de passer après HORSKH : tout le monde est sourd et en miettes. Mais avec sa musique à réveiller les morts, CHRYSALIDE en ajoute une couche avec ses lumières stroboscopiques qui nous crament la rétine dès les premières secondes du show. Si HORSKH était dément, là c'est le chaos total, à la fois sonore et visuel. Parrains de la soirée, les frangins sont les maîtres dans leur catégorie. Leur son est un magma industriel d'une violence rare, avec des airs de SKINNY PUPPY ou ATARI TEENAGE RIOT qu'on aurait secoués et roulés dans des tessons de bouteille. Avec ses deux chanteurs recouverts d'encre et d'écrits divers qui se répondent, CHRYSALIDE fait le show et impose son univers, à la fois visuel et sonore, mélangeant indus, hip-hop et punk de manière la plus bruyante possible. Bruitiste, sale et percutant, le concert est mémorable. La notion de traumatisme musical prend tout son sens alors que la soirée atteint son apogée, et même après toutes ces années, CHRYSALIDE continue d'être aussi massif et impressionnant. "La jeunesse emmerde le front national" scandent-ils en conclusion, fidèles à eux-mêmes, dans un hommage aux BÉRURIER NOIR fort à propos.. Et même si après 15 ans on peut se demander de quelle jeunesse ils parlent, ça faisait du bien à nos vieux os et nos coeurs rabougris !
Hologram_
Un choix parfait pour terminer la soirée : après la violence des trois groupes précédents, les compositions plus mélodiques et ambientes de HOLOGRAM_ ont presque quelque chose d'apaisant. Attention, entendons-nous bien : on n'est pas chez mémé, et ça envoie. Les morceaux du récents Amen : Requiem for Heart Fragment sont une tuerie en live (Vertigo Inferno, miam), mais avec ses aspects très dramatiques, cinématographiques même, la musique teintée de dubstep de HOLOGRAM_ s'apprécie tout particulièrement en fin de soirée, un verre à la main et est la passerelle idéale pour les DJ sets qui achèveront cette nuit mémorable.