2015 ne fut pas une année de plus pour l’Amphi Festival, ce fut un véritable baptême du feu. L’espace consacré au festival depuis neuf ans, le parc Tanzbrunnen, est à présent en travaux. L’ancienne salle intérieure, la Staatenhaus, n’est plus accessible. Les organisateurs ont donc dû choisir entre rester au même endroit, familier des festivaliers et particulièrement apprécié, mais réduire la capacité des spectateurs (de 16 000 à 10 ou 12 000) ou déménager dans un autre lieu qui peut accueillir tout le monde. Peu importe la décision, elle aurait été contestée. Que l’on soit mécontent de ne pas avoir son ticket parce que les effectifs sont réduits, ou que l’on soupçonne les organisateurs de vouloir amasser le plus d’argent possible en imposant une salle gigantesque, aux dépens d’un public conquis par le charme de Tanzbrunnen. Il fallait donc faire un choix et cela semblait naturel de pouvoir faire profiter du festival au plus large public possible.
C’est donc au Lanxess Arena, stade utilisé pour les plus grands événements à Cologne, que l’Amphi Festival a posé ses valises. Oui, c’est étrange. C’est étrange qu’un festival dit « open air » installe sa grande scène... en intérieur. Pour le charme, certes, on repassera. On ne voit plus le Dom dominer la ville, on ne s’assied plus sur des transats à la plage, on n’entend plus le Rhin déverser son flot, on ne traverse plus une fontaine pour aller flâner dans les magasins, et on ne boit plus de cocktails à la plage. Plus embêtant, on ne perçoit plus l’atmosphère du théâtre qui ajoutait une intimité indéniable pendant les lectures, films et concerts acoustiques. Non, tout cela, nous ne l’aurons plus.
Mais d’autres choses ne nous manqueront pas, loin de là. Il n’y aura plus de queue interminable au théâtre qui empêchait continuellement des spectateurs d’assister à certains concerts et projections. On n’aura plus des crampes aux pieds à force de rester debout toute la journée puisque les seules chaises disponibles du festival se trouvaient loin de toutes les scènes. Il n’y aura plus cette horrible Staatenhaus, tout en longueur, bordée de piliers fort gênants, avec son plafond vichy digne des plus vieilles salles de classe. La plupart du temps, on ne voyait rien. C’était aussi souvent le cas de la Main Stage, pour laquelle, si l’on ne se trouvait pas aux premiers rangs, il fallait aller sur la fontaine avec des jumelles pour apercevoir quelque chose. Voilà, en fait, avant, pour les gens normaux, l’Amphi, c’était cela : tous les groupes qui jouent en même temps, le théâtre où l’on ne peut pas entrer, et les deux autres scènes où l’on ne voit rien. Il fallait donc souvent choisir sa place tôt le matin et y rester toute la journée pour profiter au moins d’une scène.
À la place, il y a une scène gigantesque, visible de tous en toute circonstance, qui offre un confort inégalé. Les lumières, le son, la disposition de la salle sont impeccables. 20 000 spectateurs peuvent être accueillis, et on trouve un siège pour chacun. On peut entrer dans l’arène par plusieurs dizaines de portes, sans attendre, à n’importe quel moment, et avoir une vue imprenable sur ce qui se passe sur scène. Tout autour de la salle, plusieurs toilettes sont installées. Propres et pratiquement toujours accessibles sans faire la queue. L’espace dédié aux personnes handicapées ou à mobilité réduite est facilement accessible, surveillé et la visibilité est excellente.
Dehors, deux autres scènes s’étendent sur la pelouse du Green Park. La Green Stage, qui remplace la Staatenhaus, est autrement plus agréable que cette dernière. Elle offre un panorama complet grâce à son terrain en pente. Ainsi, même pour les retardataires derrière, il est possible d’apprécier les concerts. Un petit coin lounge est installé sur le côté pour rappeler la plage. On ne pourra malheureusement jamais remplacer cet endroit mythique, mais l’effort est appréciable. L’Orbit Stage, elle, est placé sur un côté de l’Arena. En travers du chemin, elle se retrouve un peu coincée entre les stands de nourriture et n’offre malheureusement pas la possibilité de palper l’atmosphère nécessaire aux concerts qui s’y déroulent. Elle aurait pu accueillir beaucoup plus de spectateurs, mais elle est souvent restée un simple lieu de passage. Il y aura des choses à revoir pour améliorer la qualité d’écoute de cette scène-ci. La nourriture, quant à elle, était amplement plus variée et abondante que lors des dernières éditions. Enfin des stands végétariens, et même végétaliens ! Enfin, pour les VIP et la presse, l’espace réservé était de haute qualité. Les rideaux fermés nous empêchaient malheureusement d’apprécier les concerts de l’Arena, mais le confort, la propreté et la sécurité du lieu fut très appréciée.
Mais parlons des choses qui fâchent. Comme la météo le prévoyait, il s’est abattu en Allemagne le samedi 25 juillet une violente tempête qui est évidemment parvenue jusqu’à Cologne. Peu de pluie, mais un vent glacial s’est déchaîné sur le festival samedi aux alentours de midi. Le reste de la journée fut « presque » clément, mais la sécurité passe avant tout. Au regard des terribles drames qui se sont produits ces dernières années pendant des festivals (Pukkelpop 2011, Love Parade 2010), les autorités municipales ont décidé d’annuler tous les événements de plein air ce jour-là. Un autre festival qui se tenait à Cologne a donc dû fermer totalement ses portes. L’Amphi Festival, lui, jouissait d’une salle particulièrement favorable qui pouvait abriter TOUS les festivaliers sans exception. Le festival en a donc profité pour s’adapter aux conditions météorologiques difficiles. Les groupes des scènes extérieures ont été intégrés au programme de la Main Stage. CENTHRON a dû jouer son set à 10h du matin, à l’ouverture des portes, avant l’arrivée de bien des spectateurs. [X]-RX et DAF ont joué successivement à la place de l’atelier de création de chansons initialement proposé par Honey de WELLE: ERDBALL. Les lectures du dimanche ont été annulées pour pouvoir faire jouer des groupes de la veille, notamment INKUBUS SUKKUBUS et THE CREEPSHOW sur l’Orbit Stage, ainsi que DIORAMA sur la Green Stage et [:SITD:] à 10h30 sur la Main Stage. Il a fallu faire contre mauvaise fortune bon coeur et les organisateurs se sont démenés pour maintenir le plus de groupes possible, donnant régulièrement des nouvelles de la situation en allemand et en anglais. Cependant, certains groupes n’ont effectivement pas joué ce week-end. Il s’agit de WESSELSKY (malade, remplacé par THE OTHER), Honey, LEBANON HANOVER, NEUROTICFISH, Christian von Aster, Alexander Kaschte, THE DEVIL AND THE UNIVERSE, AEON SABLE et DER FLUCH. Parmi eux, il y avait deux des trois groupes qui me tenaient le plus à coeur de voir (LEBANON HANOVER et NEUROTICFISH). Mais rappelons nous, contre mauvaise fortune bon coeur.
Ce n’est pourtant pas ce qu’il s’est passé sur les réseaux sociaux. La page de l’Amphi Festival s’est transformée en mur de lynchage. Les festivaliers mécontents ont un peu confondu le déménagement du festival avec les conditions météorologiques indépendantes du festival, et s’en sont violemment pris aux organisateurs. Il faut rappeler que si l’événement s’était déroulé comme prévu au Tanzbrunnen où la Main Stage et les trois quarts de la surface disponible sont en plein air, c’est le festival entier qui aurait été annulé. C’est d’ailleurs ce que précise l’équipe du festival sur le site officiel. Non seulement le nouvel emplacement a permis de sauver les meubles, mais c’est les pertes sont même finalement minimes. Il est donc important de relativiser quant aux événements, tout en comprenant que la situation fut inconfortable pour beaucoup de festivaliers. Nous étions tous sur le même bateau et on peut affirmer qu’il n’a pas coulé. Certes, « l’Amphi Festival n’est plus l’Amphi Festival » comme cela fut beaucoup cité, mais n’oublions pas que l’événement tire son nom de l’amphithéâtre de Gelsenkirchen où il se déroulait initialement. Les choses évoluent, qu’on le veuille ou non. Et les humains s’adaptent, c’est notre nature. Nous nous adapterons et avons hâte de retrouver l’Amphi Festival pour son édition 2016.