Edriver69
Cela faisait un bon moment que VRDA n'avait pas pu couvrir le BIMFest, festival electro belge de référence. Tir corrigé en 2014 avec cette 13e édition qui s'annonçait timide et qui fut en réalité pleine de surprises. Pas de neige cette année, mais le festival a déménagé à la salle Zappa d'Anvers. L'extérieur ne paye pas de mine ; pourtant ce changement fut bénéfique. La salle donne l'intimité d'un club et l'espace y est vaste, propre et bien agencé. C'est dans cette atmosphère que les concerts du 19 décembre ont débuté. A tout festival son cauchemar pour photographes. Ce sont EDRIVER 69 qui s'avancent les premiers, dans un noir quasi-complet. Cela n'empêche pas le trio allemand, rejoints par Seb (FULL CONTACT 69), de rassembler les premiers visiteurs autour de leur set EBM, tiré vers l'indus sombre et minimal. La musique oscille entre electro pur ("The Cleaner") et influences metal ("Faithhealer") aux riffs de guitare lourds. C'est là que s'exprime le talent du chanteur Scooby Doo (ce n'est pas une blague) qui manie parfaitement le chant froid et vindicatif de l'EBM autant que les techniques gutturales du metal. La noirceur de la musique contraste avec la sympathie et l'enthousiasme de ses membres qui signent une bonne entrée en matière pour ce BIMFest.
Der Klinke
DER KLINKE jouent ce soir à domicile et sont accueillis très chaleureusement. Au pays de l'EBM, on salue toujours les nouvelles initiatives musicales. Et il y a de quoi : le groupe est considéré comme l'une des puissances montantes de la scène dark belge. Sur scène, les cinq musiciens initiaux sont rejoints par une nouvelle venue qui occupe le troisième synthétiseur de la bande, Sarah Parmentier, alias "Lollirot". A ces synthétiseurs s'ajoutent une, parfois deux guitares, une batterie électronique et Chesko au chant et l'animation. Le set est énergique, Chesko très épanoui sur scène malgré les quelques problèmes techniques au cours du concert. Les musiques plongent leurs racines dans le Darkwave originel. Impossible de ne pas y voir une référence à Clan of Xymox sur certains morceaux. Mais cette darkwave un peu mielleuse teintée d'une pop à la Blutengel que l'on retrouve notamment sur le dernier single "We are here" ne fait pas l'originalité du groupe. Il puise plus volontiers sa modernité dans son appropriation de la musique indus, presque darkfolk à l'instar de "The Facts of Life" ou encore "Las Fabricas". Petite note distractive : le concert possède son propre générique qui présente le groupe et dévoile la setlist du jour. Affublé de la petite signature "See you on Facebook and in darkness".
Gaytron
GAYTRON, qui signifie idiot mais est aussi une insulte homophobe, correspond tout à fait à Klaus Cruse. Si le groupe est à mettre en rapport avec la cause homosexuelle, on ne peut nier que sur scène, Cruse se transforme en étrange personnage. Bête de scène ou bête tout court, ce type est un fou, ce qui n'est pas pour déplaire à l'objectif photo. Ca bouge dans tous les sens, ça fait des grimaces au public : un vrai pantin désarticulé. Ces co-musiciens d'un soir qui le rejoignent au synthé et à la batterie électronique, Kazim et Matti, sont eux plus réservés. Il ne faut pas chercher une grande mise en scène, tout est guidé par le rythme répétitif de la musique bruitiste des années 90. Car si l'homme remonte sur les planches pour faire la tournée des festivals depuis quelques années, aucun nouvel opus n'est à déclarer depuis 1995, si ce n'est le titre "Colours" sorti pendant l'année. Rien de bien neuf donc, mais du old school EBM comme le BIMFest sait en offrir.
Agent Side Grinder
Pour certains, AGENT SIDE GRINDER est déjà une référence musicale installée. Les suédois passent même à l'occasion en France et possèdent un public européen très étendu. Pour VRDA, c'est une découverte scénique. Et, peut-on le dire, une grosse claque dans la gueule ? La musique de ce quintet suédois est indescriptible. Elle mêle toutes les influences de la scène dark réunies. La version allemande du magazine Vice les situe comme "l'un des groupes les mieux placés pour gérer l'héritage de Joy Division", excusez du peu. Mais ce n'est pas que JOY DIVISION. C'est parfois KRAFTWERK, d'autres fois EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN ou DIIV en passant par DEPECHE MODE. Des sonorités post-punk, des mélodies electro froides et minimales, une basse qui glisse de la lourdeur morbide de la darkwave à la légèreté du pop-rock mainstream, une voix empreinte d'Ian Curtis et de Jim Morrison avec quelques intonations d'un jeune Leonard Cohen ("This is us"). Le monstre suédois avale tout cela pour produire la musique la plus moderne de la décennie. C'est lunaire, transcendant, bouleversant. Sans équivalent. Tout ça dans le corps d'un Bee Gees, un jeune rebelle à casquette, un arrangeur à la minutie chirurgicale qui tripote un sampleur bidouillé et deux mannequins suédois. Il leur suffit de grimper sur scène pour créer une véritable tempête guidée par l'insolence de leur jeunesse. Tout semble facile, naturel, évident. L'ami Kristoffer Grip entre tel un deus ex machina afin que nous, pâles créatures mortelles, puissions être frôlés par sa grâce divine le temps d'un concert. Perché sur son mètre 90 et des poussières, sa présence scénique est un aimant photographique. Affublé d'une chemisette et d'un chapeau panama, le sosie d'Eskil Simonsson se trémousse avec délicatesse et brutalité. C'est sensuel et torturé, élégant et loufoque, expressionniste à l'extrême. Impossible de ne pas mentionner la présence de Dirk Ivens qui rejoint la scène pour la reprise de THE KLINIK : "Go (Bring it) Back". Probablement le point culminant de tout le festival. AGENT SIDE GRINDER a subjugué, sans effort, le public belge. J'ai déjà dit que c'était le groupe de la décennie ?
Borghesia
La tête d'affiche de la première journée, qui a pourtant rassemblé moins de monde qu'AGENT SIDE GRINDER, c'était BORGHESIA. La performance a beaucoup divisé. Il faut reconnaître que la formation a bien changé depuis 1982. De la coldwave EBM initiale, il ne reste quasi rien. Le groupe a rajeuni ses membres, s'est mis au rock progressif et a accueilli une nouvelle chanteuse, pétillante mais criarde. Le jeune Dario Seraval, sexy rebelle à dreads maquillé comme Steve Strange, s'est transformé en moine vieilli, cliché à souhait et pas du tout raccord avec le reste du groupe. Il est certes plus élégant de reprendre du service en tentant une nouvelle approche qu'en rejouant les vieux tubes en playback. Mais il faut l'avouer : BORGHESIA aujourd'hui n'a plus rien de commun avec le groupe qu'il était. Certains ont salué la performance d'un vrai groupe rock live, d'autres le palmarès d'une légende passée. Beaucoup ont cependant tourné les talons, n'appréciant guère les nouvelles influences musicales du groupe, et encore moins les allusions religieuses et politiques égrainées durant le concert. Dommage.