BIMFest 2014 - Jour 2 @ Antwerp (BE) - 20 décembre 2014

BIMFest 2014 - Jour 2 @ Antwerp (BE) - 20 décembre 2014

Cécile Hautefeuille 20 décembre 2014 Cécile Hautefeuille

Pokemon Reaktor

Mais c'est une blague ? Eh bien oui, c'en est une, et une bonne qui plus est. En ce deuxième jour de festival, c'est les joyeux POKEMON REAKTOR qui ouvrent le bal. Faut-il rire ou se sentir gêné ? La question ne se pose pas longtemps. Le groupe est une parodie pure de la scène electro moderne. Des Pikachus hantent la scène, les confettis volent et les lyrics se déchaînent. A coups de "fuck the world" ou autres "anal way 2 live", impossible de ne pas rire à gorge déployée. Dans les premières minutes on rit d'eux, mais on finit par rire avec eux. Enfin des gens qui s'amusent de leur propre scène tout en assumant d'en faire partie. C'est rafraîchissant et presque hypnotisant. La salle se surprend petit à petit à danser et à rire, reprenant en choeur les inepties scandées par le groupe. Il y a un petit air des Inconnus et leur "Vice et Versa" dans cette sympathique parodie, qui nous fait doucement comprendre que si l'esthétique n'était pas volontairement exagérée et les textes écrits par un enfant de CE1, nous serions tous de petits moutons prêts à les aduler. Une remise en cause presque philosophique de la scène et un débordement d'humour ; une bien belle recette pour débuter la journée.

Full Contact 69

On prend les mêmes et on recommence : le casting de EDRIVER69 se recompose mais pour former une autre musique. Moins d'influence metal, plus d'EBM. De la pure rythmique et de l'electro sombre. Le public réagit positivement, mais malgré tout le son manque d'originalité. La voix est difficilement identifiable, les mélodies pas assez prononcées. De l'EBM certes très bien produit, mais qui n'a pas encore tout à fait son identité. Patience, l'expérience et le professionalisme de ses membres en fera très certainement un groupe incontournable.

Serpents

Passer après les lascars de TYSKE LUDDER n'est pas chose aisée. Surtout lorsqu'on n'est que deux sur scène et qu'on ne se trémousse pas beaucoup. SERPENTS arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, avec son EBM torturé qui casse totalement l'ambiance. La formation est aussi vieille que TYSKE LUDDER, mais partie dans d'autres directions. Depuis le temps, le line-up a beaucoup évolué, et on ne sait plus vraiment qui est SERPENTS. Sur scène, on retrouve les deux musiciens live de Gaytron Kazim (fondateur du groupe) et Matti. La première partie du concert est sombre, statique, répétitive, et il faut bien une demi-heure avant d'entrer dans l'univers du groupe. Mais il devient ensuite difficile d'en sortir. La musique agit comme une sorte de transe dont on ne se défait plus. Il faut d'ailleurs reconnaître que contrairement à certains vieux groupes qui s'essouflent, "Immer Voran", sorti en 2010, vaut bien les succès sortis 10 à 20 ans plus tôt. Le groupe est finalement tellement apprécié que le public lui réclame un bis pendant presque 10 minutes. En vain. Le planning du festival reste serré, et les fans sur leur faim.

Tyske Ludder

On ne peut pas plaire à tout le monde. La provocation exacerbée dont use TYSKE LUDDER depuis des années divise, bien entendu. Est-ce la raison pour laquelle un groupe, fort de 25 années de carrière et de 6 albums, ne se voit programmé qu'à 18h30, à la suite de deux très jeunes formations ? C'est à craindre. Cela étant, à 18h ou à minuit, la performance reste la même. On regrette l'absence de Ralf Homann, mais ce live fut pourtant l'un des meilleurs du groupe. Lorsque la maîtrise est là, n'apparaît plus que l'aisance et la complicité. Sur scène, chaque membre se donne à fond et s'amuse à sa façon. Personne ne tire l'autre vers le bas, entraînant une vraie dynamique qui ne faiblit pas. Una vraie réussite pour qui adhère à l'humour grinçant et aux clins d'oeil politiques.

The Force Dimension

Récapitulons : trois amis néerlandais tripatouillent du synthé à la fin des années 80. Ils mélangent la musique de Kraftwerk et FRONT242, la voix des PET SHOP BOYS et créent un son qui va devenir l'euro dance avec quelques années d'avance, et avec ce mix complètement inédit, sortent deux albums en deux ans, avant de pérécliter et tomber dans l'oubli. L'ovni musical est presque un chef d'oeuvre, une perle noire qu'on aime refaire glisser sous le diamant dans les soirées nostalgie. Donc lorsqu'on apprend que le groupe essaie pour la troisième fois de se reformer, on essaie naturellement de les booker dans un festival néerlandophone qui promeut les talents régionaux. Sauf que de l'original il ne reste que Rene van Dijck, et la voix si singulière de Tycho de Groot est remplacée par un petit bout de femme, semblerait-il mi-néerlandaise mi-espagnole, nommée Betty Correa. Visuellement, c'est déjà très déroutant : Rene van Dijck reste dans son costume trois pièces très Kraftwerkien avec cravate à paillettes, tandis que Betty Correa débarque dans un look d'écolière de treize ans qui aurait avalé Buffy Summers dans sa période mini-jupe. Musicalement, on retrouve le son d'antan, léché, briqué, professionnel et indubitablement unique. Le chant, lui, est la faiblesse du groupe. la distorsion des micros fait penser à deux robots cheaps dans une production de série B, à du post-punk/batcave non maîtrisé, à du Anne Clark en pleine crise d'hystérie. Bref, c'est raté et ça fait mal aux oreilles. Un bon souvenir doit parfois savoir rester un bon souvenir.

Cocksure

Cette édition 2014 du BIMFEST marque l'éclectisme de sa programmation. Un groupe comme COCKSURE ne pouvait venir que des Etats-Unis. A travers lui subsiste l'esprit de feu REVOLTING COCKS, groupe qui a connu nombreux side projects de ses anciens membres. COCKSURE en est un : réunion entre Chris Connelly et Jason Novak (Acumen Nation). Le résultat est à la hauteur de l'héritage de RevCo : un mélange invraisemblable de metal, electro trash, EBM et de hardcore Hip-Hop eastcoast. C'est un peu Rob Zombie qui aurait avalé Public Enemy. Et la mayonnaise prend : le public répond présent pour célébrer le groupe mythique et apprécier le nouveau son, 21 ans après "Linger Fickin' Good".

Die Form

Voici une tête d'affiche sur laquelle on peut tous s'accorder : DIE FORM fait partie des groupes mythiques de la Schwarze Szene. Sans jamais dévier de leur trajectoire principale, un son purement electronique mêlé au chant lyrique dans une atmosphère hypnotique, les mystérieux français ont su au cours de leurs 37 ans de carrière se renouveler à l'infini. Ainsi reviennent-ils en 2014 avec un nouvel album, "Rayon X", qu'ils présentaient entre autres ce soir-là. Le groupe, qui sait se faire rare, était extrêment attendu par son public. Mais n'oublions pas que nous sommes en Belgique, et tout comme la veille durant Borghesia, c'est l'heure où les effluves d'alcool commencent à sérieusement monter à la tête de ceux qui en ont abusé. Cette faune un peu sauvage empêche parfois de rester dans la poésie du spectacle, puisque DIE FORM met toujours royalement en scène ses concerts. Pour pallier l'immobilisme de la pratique électronique, une danseuse exceptionnellement talentueuse vient nous raconter des histoires à travers ses chorégraphies politiquement incorrectes et un light painting très onirique. Est-ce dû à l'état d'hypnose des spectateurs ou au public éméché qui n'a pas pu tenir la soirée, mais les applaudissements se font discret et le rappel est presque inexistant, tandis que les témoignages post-concert sont tous dithyrambiques. Difficile de comprendre le paradoxe de cette majestueuse soirée. DIE FORM revient en force et leurs quelques dates annoncées seront des joyaux à ne pas rater. Cela étant, petit message personnel : -1 au management du groupe. La suite de la nuit fut également une réussite : DJ Borg a régalé la piste de pépites EBM anciennes et récentes. Une belle clôture de festival.