Freak Frequenz 2023 - Jour 2 - Le Ferrailleur @ Nantes (44) (7 octobre 2023)

Freak Frequenz 2023 - Jour 2 - Le Ferrailleur @ Nantes (44) (7 octobre 2023)

Pierre Sopor 13 octobre 2023 Pierre Sopor

Après une première journée placée sous le signe du pari et de la surprise en faisant venir des artistes pas forcément installés de ce côté-ci du Rhin, Black Speech a sorti le rouleau-compresseur du garage pour la deuxième journée de son festival Freak Frequenz : Combichrist et Megaherz, ce sont des valeurs sûres. Tout de suite, il y a plus de monde (c'est blindé), de quoi envisager sereinement l'avenir pour l'événement, les organisateurs venant d'annoncer la tenue d'une soirée le 9 février avec deux groupes français (mystère, mystère) mais aussi peut-être une prochaine édition... On vous reparle très bientôt de tout ça via une interview des principaux intéressés qui vous en diront plus. On réalise aussi avec effroi qu'en cours de soirée on a oublié de compter les points entre ceux qui disent "hello Nantèsse" et ceux qui ont compris les règles absurdes de la langue française.

Janosch Moldau

Avant de pouvoir pogoter comme des bonobos, nous pouvions (re)découvrir Janosch Moldau et sa synthpop mélancolique, bien loin des violences machos à venir. Si l'association peut surprendre, l'artiste est habitué : non seulement il accompagne Combichrist et Megaherz sur leur tournée, mais il avait déjà ouvert pour Die Krupps à Paris en 2015. Actif depuis une vingtaine d'années, Janosch Moldau n'a pas toujours été seul sur scène mais c'est sans collègue sur lequel se reposer qu'il se présente à nous ce soir pour nous prendre gentiment par la main et nous embarquer dans son univers doux-amer. C'est triste et nostalgique, mais aussi délicat et poétique, beau comme un après-midi d'automne à regarder la pluie sous un ciel gris clair. Le bonhomme, lui, est tout de suite sympathique : entre deux sourires timides, il donne de sa personne pour insuffler à son set un supplément d'énergie et aller réveiller ceux qui sont arrivés assez tôt pour le voir. Surtout, on est séduits par sa voix d'une clarté limpide et remplie d'émotions. Il fallait en profiter car la suite de la soirée allait être bien moins civilisée !

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Megaherz

En studio, on connaît la formule par cœur : vous avez déjà entendu un album de Megaherz ? C'est bon, vous ne serez pas dépaysé. Au pire, vous avez déjà entendu un disque d'Eisbrecher ou même de Oomph ?  Ça fera très bien l'affaire, venez, entrez profiter du spectacle. La scène NDH allemande est remplie d'artistes que les moins initiés peuvent facilement confondre : ce même goût pour les rythmiques martiales, les thèmes belliqueux et musclés qui schmoutent les dessous de bras et les refrains aux mélodies faciles, le tout accompagné d'un son net et sans bavure. Leur savoir-faire a fait ses preuves et la Deutsche Qualität s'apprécie surtout sur scène. Ces gens-là ont le sens du spectacle et tout l'intérêt de Megaherz se révèle en live : les costumes et maquillages sont soignés, le jeu de scène étudié, on prend la pose, on grimace, les lumières sont pensées de manière à mettre en valeur tout ça. On se marre bien, c'est super efficace et porté par la prestation ultra-expressive d'Alexander "Lex" Wohnhaas, charismatique Monsieur Loyal de ce cirque monstrueux. On sue sur Horrorclown, les récentes Im Teufels Namen et Alles Arschlöcher ou encore les classiques Miststück et Jagdzeit tout en passant par le moment "sensible" obligatoire avec Für Immer. Bref, le cahier des charges est rempli (et déborde même), c'était super fun.

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Combichrist

Avec les années, Combichrist s'est éloigné de ses racines techno et EBM pour se rapprocher du metal sans ne jamais perdre de vue sa ligne directrice : y aller comme des sauvages. Si certains se sont perdus quand les guitares ont fait leur arrivée, ces dernières années le groupe d'Andy LaPlegue a trouvé un équilibre satisfaisant dans la lourdeur et l'agressivité en renouant avec la clarté de ses rythmiques qui tabassent. Surtout, sur scène, Combichrist est un boulet de démolition. Maintenant qu'on a fait le deuil de la configuration avec deux batteries, on peut pleinement apprécier la puissance du son, la façon dont sonnent les anciens morceaux (Get Your Body Beat, Blut Royale, Fuck That Shit) avec cette approche plus metal indus, la cohérence du set (on passe sans problème d'une époque à l'autre, du groove festif de Maggots at the Party à la lourdeur apocalyptique de Compliance)... mais surtout la générosité des musiciens. LaPLegua a toujours été une bête de scène au charisme rare mais le reste du line-up n'est pas en reste. Tous assurent le spectacle avec une bonne humeur communicative et cherchent le contact avec le public, donnant beaucoup pour s'assurer que chaque personne passe un bon moment. Il y a d'ailleurs eu un moment un peu surréaliste où le guitariste Eric13 a pris quelques photos pour nous, s'emparant en plein concert de l'appareil photo. On vous partage le résultat de notre nouveau stagiaire, soyez indulgents. Eric, on est ravis de t'engager !

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Chez Combichrist, il y a un décalage qui peut toujours surprendre : d'un côté il y a le personnage de LaPLegua, inquiétant gros dur qui beugle des paroles de bourrin pas franchement family-friendly et de l'autre il y a ce que le groupe dégage, son incroyable bienveillance et son plaisir qui semble toujours aussi sincère, soir après soir. Non, Combichrist n'a jamais été vraiment subtil, mais contrairement à ce que peuvent dire certains fans de la première heure un brin blasés, le groupe continue de grandir et est un mastodonte absolument jouissif en live.

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Versatile

Pour conclure cet événement, il nous fallait bien des freaks et Black Speech s'est autorisé un petit pas de côté en invitant Versatile et son black metal horrifique aux fulgurances industrielles discrètes. Les Suisses nous avaient fait très forte impression avec leur premier EP et leurs clips, imposant un univers cauchemardesque et un visuel fort. Sur scène, leur batteur fraichement arrivé n'est pas présent... C'est la seul ombre à ce tableau de misères et de ténèbres. Versatile fait très fort avec très peu, là, dans le noir, les trois artistes ont chacun leur personnage et restent dans leur rôle. Aidés par leurs maquillages et des costumes particulièrement soignés, leur gestuelle est étudiée : alors que le chanteur Hatred Salander se retire en fond de scène, prostré dans l'ombre telle une gargouille, Cinis et Famine se laissent aller à de lentes danses sans joie de pantins sans âme. Du black metal, Versatile garde la froideur mais opte pour une pesanteur théâtrale afin de mettre en avant les textes en français. Sombre, difforme, morbide mais aussi sublime dans sa grandiloquence, le résultat impressionne. Des curieux venus un peu par hasard (la fin de soirée est à entrée libre) se demandent un peu dans quelle sombre affaire ils se sont retrouvés mais n'ont pas fui pour autant... Ce théâtre putride et gothique fascine et on prédit à Versatile de beaux jours. La musique, l'univers, la performance : tout est abouti et bénéficie du même soin. Quelle beau cauchemar que voilà pour finir ce premier Freak Frequenz en beauté ! On a vu des groupes majeurs de la scène indus européenne et découvert de nouveaux visages dans un cadre idéal : on espère que les prochaines éditions sauront faire aussi bien et que l'événement pourra s'installer dans l'esprit du public.

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