En lançant la première édition du Freak Frequenz, Black Speech Production avait prévenu : l'événement ne reviendrait pas forcément tous les ans à date fixe... Il n'a en effet fallu attendre que six mois pour qu'une seconde édition ne se tienne, toujours à Nantes et son merveilleux Ferrailleur en bord de Loire. Comme pour la première édition, l'affiche co-organisée avec Devilicious Couture mettait à l'honneur les musiques industrielles avec cette année une sélection qui associait habilement artistes français plus ou moins émergents et projets inédits chez nous. Un vrai choix éditorial mettant à l'honneur la qualité, mais aussi une prise de risque : alors que l'on se plaint de plus en plus du non-renouvellement des affiches de festival en général, notamment dans le metal et la scène goth, que se passe-t-il quand on s'éloigne des groupes vus et revus des centaines de fois ? Eh bien, il y a moins de monde. C'est la triste réalité : malgré une très belle offre, ce Freak Frequenz a attiré moins de monde que le précédent. Vous pouvez donc soutenir Black Speech Production via des dons (par ici) si vous souhaitez les encourager à organiser une troisième édition.
Avant de passer les portes de la salle, on note une tendance : la première journée s'annonce plus frétillante que la seconde, au programme nettement plus sombre. Allons donc frétiller !
OGEZOR
On vous parlait tout récemment du très chouette troisième album d'OGEZOR, groupe de metal industriel à l'univers cinématographique inspiré par la science-fiction en général, du cinéma au jeu vidéo (chronique). Sur scène, le line-up live inclut Sylvain à la guitare, également président de Black Speech : le margoulin nous assurait il y a six mois (interview) que jouer et organiser sur le même événement était périlleux. Bonne nouvelle : il a reconsidéré. Tant mieux ! Originaire de Nantes, OGEZOR joue devant les copains et la famille et reçoit un accueil chaleureux.
Comme en studio, la grande force d'OGEZOR réside dans son savoir-faire pour donner vie à son univers grâce à des parties atmosphériques très réussies piochant aussi bien dans la synthwave et la musique de film, apportant respiration et progression dramatique entre deux assauts menés par les guitares histoire de faire remuer les nuques. Ajoutons à ça un show soutenu par des costumes futuristes, un chanteur à la voix de Dark Vador (mais en un peu plus amical) et un écran qui étoffe visuellement la prestation et on tient une très belle entrée en matière, à la fois accrocheuse et singulière. Il ne manque peut-être au groupe qu'une chose : plus de dates. On les a sentis un peu sur la réserve au début mais la bonne réception du public et les encouragements qui jaillissent de la fosse les ont aidés à lâcher prise petit à petit. Pourvu qu'il y en ait d'autres et, si possible, avec le même accueil !
V2A
Voir V2A alors que Mad Max vient tout juste de faire son retour au cinéma tient du hasard cosmique savoureux. Mené par le duo Drone et Mechanized, V2A approche tranquillement des vingt-cinq ans d'existence mais n'avait encore jamais déchaîné son univers post-apocalyptique en France. Il était temps et c'est sous la forme d'un trio qui la petite bande libère ses hymnes furieux. Leur mélange electro-punk-indus-aggrotech survitaminé gagne en effet en énergie en live grâce à la bonne volonté qu'ils y mettent et un show généreux, ce qui compense facilement la certaine répétitivité que l'on peut trouver aux albums.
Toxic, Hail Hydra, Freak Show ou encore ce War Boy kamikaze aux relents de Fury Road... Les hits sont de la partie et s'enchaînent à toute allure. V2A interagit avec son public, agite des drapeaux, joue avec des masques, du chrome en spray et des gants lasers : leur sympathie et le cœur qu'ils y mettent font plaisir à voir. On regrette peut-être juste l'absence d'un guitariste live qui donnerait au son une densité supplémentaire et rendrait bien palpable la texture du metal rouillé et poussiéreux ! Pour le reste, ce cirque post-apo turbulent était tout à fait réjouissant.
HORSKH
Suivre l'évolution de Horskh et sa poussée de croissance des dernières années est une aventure qui procure son lot de satisfactions : après les avoir retrouvés en première parties de gros groupes (Igorrr, Carpenter Brut, Ministry...), on a enfin le plaisir depuis peu de les revoir en tête d'affiche... et de constater que le groupe attire son lot d'adeptes. On ignore si c'est le cas dans chaque ville visitée, mais à Nantes comme à Paris le mois dernier (report), le public est présent et bouillant.
Avec la frappe de forcené de Brioux, le batteur cousin éloigné du Captain Spaulding des films de Rob Zombie dont les mimiques sont un spectacle à elles seule (pour peu qu'on les distingue dans la fumée), Horskh décuple son impact en live. Bastien (chant) et Jordan (guitares et machines) ont les coudées franches pour faire le show et envoyer au public une décharge d'énergie irrésistible. Turbine On, Do It, Damaged Ropes, Mud in my Wheels, Victim... les morceaux s'enchaînent à toute allure, les refrains sont faciles à retenir et faits pour être beuglés dans ce grand chaos metal indus cathartique, agressif et dont l'approche rythmique dansante a cette efficacité redoutable et universelle. Horskh réussit à associer la frénésie clubbing d'un truc fait pour transpirer à une rage viscérale sincère qui donne à la tempête son âme. C'était encore une fois de la folie : si le trio n'a pas encore totalement la renommée qu'il mérite, il fait partie des quelques groupes les plus passionnants de la scène metal française au sens large à avoir émergé ces dix dernières années. Les dix prochaines s'annoncent bien !
BAK XIII
Il y a du monde pour le concert programmé en "after" : BAK XIII est un objet culte non identifié qui joue à chambouler les codes et à piétiner les frontières entre les genres depuis plus de vingt ans. Avec son mélange de metal indus, d'EBM, de punk et de pop, le projet peut d'ailleurs être vu comme un précurseur du décloisonnement entre les genres à la mode ces dernières années dans les musiques "sombres".
Riffs mordants et refrains à l'ironie douce-amère, énergie grimaçante à la limite du grotesque et mélodies mignonnes : BAK XIII est dans un grand écart constant, faisant preuve à la fois d'un goût pour le fun, le méchant mais aussi une certaine sensibilité. Le début du concert sur Weak sonne alors comme une note d'intention : ça va cogner avec hargne mais on va aussi pouvoir chanter toute notre médiocrité dans l'allégresse. Sur scène, comme d'habitude, son chanteur assure le show avec ses danses déglinguées, ses grimaces et son énergie débordante. On ne sait pas trop s'il plaisante ou s'il nous déteste sincèrement (probablement un peu des deux) mais on s'en fout : on est là pour danser comme des débiles et célébrer l'agonie d'un monde qui meurt enfin grâce à nos conneries. On vous avait dit en début de cet article que cette première journée du Freak Frequenz était la plus festive !