Le M’era Luna fait envie, le M’era Luna fait baver, le M’era Luna fait des jaloux, le M’era Luna divise. Le M’era Luna fit pour son édition 2015 26 000 entrées payantes, soit plus que le Wave Gotik Treffen, considéré comme le festival de musiques gothiques le plus ancien, authentique et vénéré. Le concept du M’era Luna est bien plus classique que ce dernier : un champ, un peu industriel puisqu’il s’agit d’un aéroport désaffecté, deux scènes, une extérieure, une intérieure, un camping grand comme les favelas de Rio avec sa propre superette, et 48h de débauche non-stop. On repassera pour le charme. Par bien des aspects, le M’era Luna indispose. Il est un business commercial sans borne. Avec dix festivals en Allemagne et onze autres à travers l’Europe, la société de production FKP Scorpio est une machine de guerre. Comparé au Hurricane Festival et ses 70 000 visiteurs ou au Southside Festival (60 000 visiteurs), le M’era Luna paraît bien petit. Seul festival goth de sa programmation, il sert très certainement de tiroir-caisse pour des événements plus gros, notamment en faisant payer chaque pre et after party, même pour les festivaliers avec un pass 3 jours. Le prix de la bière, lui, grimpe chaque année.
Alors bien évidemment, cela dérange. Cela dérange les promoteurs du pays, fanatiques et passionnés, qui mouillent leur maillot toute l’année pour faire vivre cette musique et programmer des festivals qui font bien souvent aucun bénéfice. Cela dérange le public qui donne son argent à une organisation qui n’a probablement jamais écouté les artistes qu’elle fait venir. Le succès énerve. Il paraît si facile, si efficace.
Mais le M’era Luna, c’est aussi un professionnalisme hors pair. Rien ne dépasse, tout est carré, bien ficelé, organisé. Jamais une fausse note, un pas de travers. Et des aménagements toujours plus innovants. Cette année, le hangar et son aspect industriel - dans le sens négatif du terme – a fait peau neuve. Pour accentuer ce charme métallique et en faire un lieu attractif, de gigantesques murs décorés ont été montés de part et d’autre de la scène. Les décorations de style steampunk étaient très finement réalisées et mises en valeur par un jeu de lumière rotatif. La salle a également était un peu plus ouverte pour permettre une aération permanente. Il est vrai que le hangar, relativement immense mais si petit pour l’affluence d’un tel festival, devient très rapidement irrespirable, de quoi faire fuir les claustrophobes.
Dehors, tout devient plus simple. D’énormes panneaux en toile ont été hissés au-dessus de chaque stand de restauration pour aiguiller le consommateur. Et quels stands ! Bien sûr, 7€ pour des pâtes, c’est un peu cher. Mais cela vaut son pesant de cacahuètes. Cette année, la nourriture était de bien meilleure qualité que les standards en festival, et la quantité était également au rendez-vous. Veggie, vegan, carnivore, indien, il y en avait pour tous les goûts. Peu pourront en témoigner, mais la nourriture au catering était, quant à elle, à pleurer de bonheur. Un trois étoiles dont tous les artistes s’accordent à dire que cela reste le meilleur souvenir de cette édition.
Cette année, le M’era Luna a vu les choses en grand, et impossible d’être déçu. Que l’on soit pour ou contre, le festival sait y faire et l’on apprécie notamment le nombre de places assises, doublé depuis l’an dernier. Même le standing des bars a été revu à la hausse. On peut à présent s’abriter de la pluie comme du soleil sous des tentes éclairées ou sous le préau du bar à vins, tout à côté du mini lac au milieu duquel trône la mort et sa faux, nouveau décor caché. Restons honnêtes, le tout n’est pas aussi poussé qu’au Hellfest, mais le site s’améliore chaque année pour le confort de ses festivaliers.
Côté programmation, rien de nouveau à l’horizon. Comme beaucoup de festivals goths, les mêmes groupes reviennent tous les deux ans, parfois chaque année comme Blutengel. C’est un peu lassant, certes. Pas pour les festivaliers visiblement, puisque l’affluence augmente chaque année. Par-ci par-là, quelques bonnes surprises se glissent : Einstürzende Neubauten, Assemblage 23 ou encore Aesthetic Perfection, pour qui, on a du mal à le croire, c’était le premier M’era Luna. Mais dans l’ensemble, difficile d’avoir le coup de coeur pour une performance vue et revue, dans les mêmes conditions. Nightwish en tête d’affiche pour clôturer le festival laisse un goût de déjà vu, et pas du siècle dernier, mais de l’édition 2013. Il faut alors voir le M’era Luna comme une expérience sans précédent, une atmosphère particulière, un lieu de rencontres et de détente. Mais certainement pas comme une occasion de découvrir de nouveaux groupes et d’apprécier de nouvelles performances. Mis à part les filles de Pyrohex, déjà vues au Hellfest et qui ont le vent en poupe, rien de bien nouveau sous le soleil de Hildesheim. Car oui, il a fait beau, et ce fut appréciable.