Pour sa cinquième édition, le festival Post In Paris continue de grandir et de muter. Cette année, l'événement se tenait à nouveau sur deux scènes, certes, mais le pont de Petit Bain qui servait de seconde "salle" l'année passée a été remplacé par la Dame de Canton située à quelques pas. On gagne en place (même si l'une des deux salles a une capacité quatre fois supérieure...) mais aussi en maîtrise de la météo pour profiter de deux journées dédiées aux musiques "post", plus ou moins timbrées. C'est d'ailleurs avec une première journée assez sage que commencent les festivités, une majorité de groupes faisant la part belle à l'introspection, l'atmosphérique et la mélancolie.
Le mot d'ordre est donné par Endless Dive, face à un public déjà présent en nombre : des mélodies évocatrices qui s'échappent pour laisser la place à l'imagination, de la sobriété et une humeur bienveillante qui se prolonge toute la soirée. A l'image de Lost in Kiev plus tard, le groupe Belge a opté récemment pour un son plus électronique. Alors que certains choisissent de profiter de l'air des quais de Seine (on a déjà vu pire comme cadre !), une partie du public se retrouve à faire la queue devant la Dame de Canton qui ne peut accueillir tout le monde. Les premiers arrivés pourront se maintenir dans un état de rêveries douces avec le vague à l'âme du shoegaze nostalgique de Cosmopaark et leurs airs d'éternels ados, à la fois touchants et attachants. Il faudra attendre Lost in Kiev pour ressentir les premières secousses de la journée : vers la fin d'un set d'une grande élégance dédié au récent Rupture (chronique), le groupe invite Loïc Rossetti du groupe de post-metal The Ocean à pousser la chansonnette, l'occasion d'amener un peu de lourdeur à bord de Petit Bain et de créer un petit événement surprenant et plaisant.
Il faut dire que l'on craignait peut-être de se lasser à force, entre l'approche douce et cinématographique du post-rock pour laquelle optent beaucoup de groupes prévus ce jour-là et le clapotis des vagues faisant doucement tanguer les bateaux, on aurait pu se laisser bercer. Au contraire : notre coup de cœur musical aura été pour Where Mermaids Drown qui retranscrit parfaitement sur scène l'ambiance poétique et nostalgique de son premier album avec une délicatesse et une viscéralité communicative, les tonnes de fumée plongeant le public (qui suffoque) dans un univers onirique. Secousses, de nouveau : il faut remuer tout ce beau monde et l'enchaînement Lysistrata / Péniche est parfait pour ça, les deux proposant une musique énergique entre noise et math rock, aux influences punk qui se devinent ici et là. Si le trio Lysistrata a déjà sa belle renommée méritée, nous avons été séduits par Péniche : avec un nom pareil, on ne s'attendait de toute façon pas à un concert bateau (aie, aie, aie..). On n'a pas été déçus : grosse énergie, humour décalé ("merci la Dame de la Cantine !") et look hideux (ce tee shirt Mbappé...) : c'était le souffle de folie de la journée.
Pour conclure, la venue d'Ef faisait elle aussi office d'événement : seul groupe non francophone à l'affiche, les Suédois reviennent de plusieurs années de silence, la pandémie ayant ravivé leur envie de faire de la musique. Dans les lumières tamisées de Petit Bain, la performance est d'une très grande classe. Rares lumières, instruments divers et, surprise du dernier album du groupe, du chant utilisé presque comme une texture mais qui vient amplifier une émotion, épaissir l'ensemble. Leur post-rock évoque les projets les plus nobles du genre, qui savent transporter leur public pour mieux le remuer. Si cette première journée s'est passée dans la douceur et l'apaisement, le lendemain promettait d'être plus explosif... mais certainement pas autant que le chemin du retour où il fallait partager son trottoir avec le public qui sortait de l'Accor Arena située non loin. Ce soir là, c'était Aya Nakamura. Deux rives, deux ambiances !