La deuxième journée de cet WGt est marquée plus electro puisque nous sommes à l’Altes Landratsamt, en plein cœur de Leipzig, idéalement situé tout près de la gare, où se produisent plus volontiers des groupes d’electro-indus et d’EBM. En clair : on vient là pour danser.
Kuroshio | Altes Landratsamt
Il est bien certain qu’on ne vient pas pour la beauté du spectacle. Dès le premier groupe, la salle est plongée dans le noir, éclairée seulement par des flashs blancs éblouissants. Les premiers à se lancer sont finlandais et se prénomment KUROSHIO. Normalement trio, le groupe se compose ce jour-là d’un duo chant et synthé. Statiques, les deux membres peinent à dynamiser leur performance sur scène et à entraîner le public. La musique n’est pas transcendante d’originalité mais fait en général bien son job. Pas ce jour-là. Le son de l’Altes Landratsamt est vraiment mauvais, pour tous les groupes qui ont joué cette année au WGT. KUROSHIO n’y échappe pas : on entend à peine les voix et tout se transforme en rythme confus. Très grosse déception pour débuter la journée.
Chainreactor | Altes Landratsamt
Les deux amis de Düsseldorf ne font pas dans la dentelle. Beats lourd et rendu techno très moderne, le but est de faire danser la salle. Avec succès : CHAINREACTOR fait monter la température et on observe déjà plusieurs groupes de danseurs coloniser la pister de danse. La performance ressemble plus à un set DJ qu’à un concert mais le public sait ce pour quoi il est venu et semble satisfait du résultat.
Reaper | Altes Landratsamt
REAPER est un projet qui a maintenant plus de dix ans, emmené à l’origine par Vasi Vallis (NEMNEMBULU, FROZEN PLASMA) et rejoint par Gregor Beyerle (NACHTMAHR, L’ÂME IMMORTELLE). Mais après deux albums et un succès rapide, le groupe a fait une pause, se concentrant sur ses autres projets. On pensait REAPER à jamais perdu au fond d’un tiroir, lorsque 2015 apporta un troisième album. Le groupe reprend peu à peu son activité, mais ne joue plus à l’Agra comme dans le temps. Néanmoins ce jour-là, l’Altes Landratsamt est plein à craquer pour voir le groupe reformé. Malheureusement, la performance n’est pas à la hauteur des attentes. Le son, au bout de trois groupes, commence vraiment à saturer et faire saigner les oreilles. Et bien que l’on vienne pour danser, admirer des types derrière leur console toute la journée n’est pas mon exercice favori. On s’attendait au moins à l’ancien set qui permettait à Vasi se décrocher son micro et venir souffler quelques agressifs refrains près du public. Il n’en est rien. En retrait, le musicien regarde à peine son public et reste dans son monde tout du long. Le professionnalisme est présent bien sûr. Pas de fausse note, un set au poil, des hits dont tout le monde se souvient. Et pour beaucoup, c’est suffisant pour apprécier le moment. Désolée, mais il m’en faut plus pour différencier un concert d’un album studio…
Sonar | Altes Landratsamt
Changement d’ambiance, quoique toujours plongé dans l’electro le plus pur, et surtout le plus dur et le plus minimal, avec SONAR. Ce projet réunit Eric van Monterghem et son acolyte de toujours Dirk Ivens. Lassés de l’EBM à consonance pop wave qu’ils créent avec ABSOLUTE BODY CONTROL, les deux amis passent avec SONAR du côté obscur de la force. Plus de gentilles mélodies, plus de paroles sucrées. Du rythme, du glitch, du lourd. SONAR ne fait pas dans la tendresse et impose un style extrême qui ne peut, à coup sûr, pas plaire à tout le monde. Mais le groupe sait tenir son public en haleine avec une performance hypnotisante. Si vous n’avez pas d’idée pour vous vider la tête, venez donc à un concert de SONAR !
Cinema Strange | Täubchenthal
Le projet était le suivant : en route pour Täubchenthal pour voir CINEMA STRANGE, s’arrêter apprécier le projet ULTRANOIRE, qui jouait non loin de l’Altes Landratsamt, à Moritzbastei. Mais voilà, Mortizbastei, c’est beau, c’est atypique, c’est classe, mais c’est tout petit. Dès l’ouverture de la porte, j’entrevois des spectateurs qui tentent en vain de voir quelque chose depuis le couloir et je sais qu’il me faudra pratiquement la moitié du concert pour atteindre le devant de la scène. Je dois vite renoncer à ce concert si je veux arriver à temps pour voir CINEMA STRANGE à l’autre bout de Leipzig… Près de Täubchenthal, on trouve à se garer assez facilement. Nul ne se doute alors de l’envergure du concert qui a lieu à ce moment-là à l’intérieur. À l’entrée, les vigiles bloquent les festivaliers. « Il y a trop de gens, la salle est pleine, on ne laisse plus rentrer personne ». Qu’à cela ne tienne, le bracelet presse offre encore quelques avantages, dont celui de pouvoir entrer malgré la restriction. Mais quelle folie que de vouloir s’insérer en ce début de concert. Effectivement, la salle est pleine, du sol au plafond, de la fosse au balcon, du devant jusqu’à la garde-robe. Impossible d’avancer. Et pourtant il le faut. Sac à dos dans une main, appareil photo dans l’autre, je tente de me faufiler à travers la foule, sceptique, qui me barre le chemin. Lorsqu’on paye 120euros pour un festival, on comprend qu’il est naturel de se bagarrer pour voir ne serait-ce qu’un peu de ce qui se passe sur scène. Il fait chaud dans la salle, très chaud. Au bout de deux chansons, je finis par atteindre les premiers rangs et le photopit… lui aussi complet. On peut à peine respirer et bouger n’est pas une option. Quelle surprise. Certes CINEMA STRANGE se fait très rare en Europe mais pour une bonne raison : ils n’existent plus ! Aucun album n’est paru depuis dix ans et jamais le groupe n’a continué de quelconque promotion. Je pensais être la seule nostalgique à vouloir revoir le groupe après tant d’années, mais ils ont encore beaucoup de fans allemands et européens, visiblement plus que l’organisation du festival ne l’avait escompté. Le reste du concert ne fut que compte de fées. Chaque morceau fut applaudi avec ferveur, rappelant les tubes d’antan. Sur les lèvres des premiers rangs, les paroles filaient du tac au tac. L’émotion était de mise. Une véritable chaleur humaine s’est installée durant le concert, d’autant plus que le groupe, pas prétentieux pour un sou, partagent avec son public et ses membres une véritable complicité. Improvisant à moitié la setlist, CINEMA STRANGE offre une performance qui vient du cœur et vous déchire les tripes. Des professionnels, de vrais. Des clowns aussi. Il est stupéfiant de se rendre compte à quel point ces musiciens n’ont pas vieilli, physiquement, et dans leur interprétation. Les vêtements sont moins sophistiqués, plus bohème. Michael Ribiat a du mal à cacher qu’il est devenu super hipster. Mais l’âme du groupe est toujours la même. Il n’y a aucune limite à CINEMA STRANGE, ni dans la musique, unique et inimitable, ni dans le jeu d’acteur. Entre deux chansons, les membres s’excusent de réunir le quorum pour choisir quelle chanson jouer. Puis s’excuse à nouveau des paroles (« Désolé, j’ai écrit ça quand j’avais 16ans ») ou de la performance (« Non, n’applaudissez pas encore, en fait on se souvient plus comment la jouer »). Aucun répit n’est offert au public, qui en redemande évidemment pour un rappel placé sous le signe de l’émotion. Impossible de ne pas verser une larme sur le tube Catacomb Kittens. Cette danse hypnotique fut inoubliable et restera, jusqu’à nouvel ordre, le plus beau concert de ma vie.