Le troisième jour de ce WGT ne s’est déroulé en aucun cas comme il était prévu. La faute à pas de chance, aux averses torrentielles répétées, à la mauvaise humeur du jour. À 17h05 devaient se produire JESSICA 93, ce groupe français dont VRDA vante les mérites, à la Kantine du Volkspalast. Oui mais au Volkspalast, on attend sagement que le concert de la Kuppelhalle soit fini pour ouvrir les portes de la Kantine. 17h05. 17h15. 17h30. Une demi-heure plus tard, le concert d’à côté est désormais fini depuis un bon moment, on étouffe dans la file pour rentrer dans la Kantine, et toujours aucun signe que quoi que ce soit va bouger. À 15 minutes à pied, il y a LEGEND qui doit se produire à 18h. Et LEGEND, ça ne se rate pas. Assez remontée, je fends difficilement la foule du Volkspalast pour respirer un peu d’air frais et me rendre au Kohlrabizirkus.
Legend | Kohlrabizirkus
Bien entendu, tout le monde s’est passé le message : LEGEND, ça ne se rate pas. Tous les collègues sont là, le public aussi. La formation islandaise, bien que déjà active depuis quelques années, ne fait le tour de l’Allemagne que depuis 2014 et son passage fort remarqué au NCN à Deutzen. Depuis, on les voit certes un peu partout, mais on ne s’en lasse pas. Leur nom n’est pas encore tout en haut des affiches, mais il est toujours signe que l’on va passer un bon, très bon festival. Pas de grande nouveauté dans le set proposé par LEGEND. Le groupe n’a pas besoin de se renouveler, il frappe à chaque fois là où ça fait mal. L’intro Amazon War pourrait sembler monotone et lassante, il n’en est rien. Elle vous prend aux tripes, elle vous balade où bon lui semble, elle vous déchire de l’intérieur. Les jambes piétinent d’impatience, les corps se déchaînent. LEGEND est une légende. Tout le concert est placé sous le signe de l’émotion, face à ces trois gars, à fleur de peau, qui semblent vous confier toute leur vie à chaque fois qu’ils entrent sur scène. Les tubes défilent, Sister, Virgin, City, Fearless, Benjamite Bloodline. Chaque morceau reste à jamais gravé dans votre subconscient pour raviver les sensations les plus intimes et profondes. La chair de poule vous vient régulièrement. Le groupe remercie le public allemand de sa fidélité et témoigne d’une certaine émotion devant cette messe à la gloire de LEGEND. L’attention du public, l’atmosphère si intime et grandiose, cette communion est si rare et précieuse. LEGEND en profite pour glisser deux nouveaux morceaux dans la setlist et confier qu’ils travaillent activement à un nouvel opus. Devinez quoi : on se languit de la prochaine tournée. Et puis c’est là que les choses se sont gâtées. Impossible de quitter LEGEND avant la fin d’un monstrueux set. Il a donc fallu abandonner l’idée d’aller voir BESTIAL MOUTHS au Volkspalast, sous l’orage, tandis qu’ils ont dû commencer depuis longtemps – ou non, puisque tous les horaires du jour au Volkspalast ont été décalés. On pouvait toujours rester au Kohlrabizirkus pour SOLAR FAKE. Mais… non. La fatigue, la flemme, la pluie battante, et le ventre qui creuse… Vapiano ce sera. Première pause depuis le début du festival.
Anna von Hauswolff | Vokspalast Kuppelhalle
C’était aussi un must-see de ce festival. La chanteuse suédoise ANNA VON HAUSWOLFF, l’ovni von Hauswolff, jouait cette année au WGT, dans le décor fabuleux de la Kuppelhalle. Mais bon, un Vapiano, ça prend du temps. Alors nous sommes arrivés très en retard, sans connaître réellement les horaires ajustés du Volkspalast. Il restait encore au groupe quelques jolies chansons à jouer, mais il est tellement difficile d’arriver si tard dans un set, et de rentrer dans l’émotion de celui-ci. C’est pourtant un pari réussi pour le groupe, en transe du début jusqu’à la fin, qui nous emporte dans sa tornade folle. L’univers de la chanteuse est indescriptible. Pas de distorsion, ANNA VON HAUSWOLFF nous perce le cœur d’une voix claire et nous fait voyager grâce à ses prouesses vocales. Le style rappelle parfois DEAD CAN DANCE pour son côté ethereal wave et ses instruments utilisés (percussions neofolk, orgue). La plupart du temps, il vous suffit de fermer les yeux, et la magie opère. La pureté de cette musique donne de sacrés frissons. Et la personnalité de la jeune demoiselle ajoute au mystère. Bientôt 30 ans, Anna présente le physique d’une petite fille, ce qu’elle cultive en cachant ses formes sous d’amples étoffes noires, les cheveux constamment devant la figure, qui ne laissent apercevoir que ses traits délicats et poupins de jeune fille. Lorsqu’elle ne se cache pas derrière son instrument, elle rejoint le public pour son tour de chant. Pieds nus, Anna s’avance, courbée, yeux fermés, dans son monde. C’est une apparition, frêle et torturée. L’une des plus belles voix qu’il soit donné d’écouter.
Drangsal | Volkspalast Kantine
Un air frais de pop nous attend à la Kantine. DRANGSAL est déjà la coqueluche des jeunes allemandes, mais chez nous, le projet n’est nullement connu. DRANGSAL, c’est le nom de scène d’un seul et même homme, Max Gruber, petit génie dans l’œuf puisqu’il n’a que 22 ans. La formation est jeune, et cela se voit. Le groupe n’a pas encore de son propre, il utilise les effets de voix à la mode, cette indie pop rythmée, dansante, un peu vintage, qui s’exporte comme des petits pains. Mais DRANGSAL le fait bien. Il maîtrise l’exercice et sort du lot. Les tubes sont faciles à retenir et lui confère une longueur d’avance. Une musique que l’on retient après seulement une écoute, c’est un groupe que l’on retrouve bien plus facilement. La force de DRANGSAL, c’est de parler au public goth comme il peut être invité aux festivals pop. DRANGSAL ratisse large et nous fait succomber à l’universalité de sa musique. Ce soir-là, la Kantine est pleine et les applaudissements pleuvent, ce qui nous change de la pluie. On leur pardonne tout à ces jeunes audacieux. Car le chanteur s’entoure de trois instrumentistes qui ressemblent plutôt à trois copains de classe, et lorsqu’on prépare des omelettes ensemble depuis si peu de temps, on casse souvent des œufs. Quelques erreurs de débutants s’immiscent dans le concert, mais qu’à cela ne tienne, une bonne blague, un retry, et c’est reparti comme en 40. Max a en plus le bon goût d’avoir de l’humour et de la répartie. Comme une lettre à la poste, on vous dit.
Welle: Erdball | Kohlrabizirkus
Je sais, je sais. WELLE: ERDBALL, on les a déjà vu mille fois, répéter leur set au millimètre près, sans qu’il n’y ait rien de nouveau à dire. Pourquoi s’infliger un énième concert du groupe lorsqu’on est au WGT, où plus de 200 groupes sont réunis, des groupes que l’on ne voit jamais ailleurs ? Il m’aurait suffi de rester au Volkspalast pour applaudir par exemple I LIKE TRAINS, un vrai coup de cœur d’après les nombreux spectateurs qui ont assisté à ce concert. Mais il y a des jours comme ça, où la musique doit suivre le moral. Rester au Volkspalast, c’était contempler un autre groupe dans une transe psychédélique, qui vous fait ressortir toute votre intimité par chaque pore de votre peau. Et là, tout de suite, la fatigue s’accumulant, j’avais besoin d’un remontant. Alors je me suis enfuie, seule, au Kohlrabizirkus, me prendre ma dose de WELLE: ERDBALL. Beaucoup ont renoncé à entrer, car la queue s’étendait loin jusqu’à la rue, pourtant dans la deuxi1eme plus grande salle du festival après l’Agra. Comme pour CINEMA STRANGE, la sécurité a décidé, peu après le début du concert, de ne plus laisser entrer personne. Salle comble donc, et frissons garantis. WELLE: ERDBALL, certes, ne change pas ses habitudes, ses chorégraphies, ses beats chiptunes et ses clichés démodés. Les gens viennent pour cela, ne leur ôtons pas ce plaisir. Mais depuis quelques années et le départ de la toujours regrettée Frl Plastique, WELLE: ERDBALL déçoit. Son côté calculé, autoritaire, peu novateur. Le groupe a du mal à se recycler, même avec une nouvelle voix. Ce soir-là fut une exception. Pour la première fois depuis longtemps, le groupe semblait avoir une véritable cohésion. Honey a lâché la bride de ses acolytes pour les laisser mener leur barque et faire de ce concert un moment inoubliable. Les applaudissements retentissent avec écho dans la coupole, donnant une atmosphère encore plus puissante au spectacle. L’ambiance est des plus cordiales, le public chante et danse à n’en plus pouvoir. Les ballons sont aussi de la partie. Pas de doute, c’est la plus grande surprise party qu’on eût donné. Sur l’ambiance légère mais survoltée du rappel, je me faufile hors de la salle et respire l’air frais de la nuit. Tout est trempé, les pollens sont tombés. Il y a bien PIL un peu plus tard à l’Agra (ok, très très tard), mais ne tirons pas sur la corde qui a failli aujourd’hui se briser. Il est déjà 1h du matin, l’heure d’aller se reposer. Le festival n’est pas terminé.