Désolée, je ne vais pas démarrer par la question la plus drôle. Le nom de votre groupe résonne sinistrement avec les décès récents de personnalités de la musique comme Lemmy Kilmister et David Bowie, tous emportés par le cancer. Que ressens-tu face à ces événements ?
Le cancer est vraiment une maladie désastreuse. Évidemment, le nom de groupe n'a rien à voir. Le but c'était de trouver un nom qui fasse vieux film d'horreur des années 1980, genre des chauve-souris qui auraient le cancer. J'aimais bien ce nom. Mais la maladie est aussi terrible qu'elle est quotidienne. Tant de gens sont touchés par le cancer, directement ou indirectement. Le sujet est sensible car il a trait à la mort, mais je trouve que le dialogue à propos de cette maladie est encore trop timide. CANCER BATS joue cette tournée en collaboration avec un centre de recherche sur le cancer à Toronto, la Fondation Princesse Margaret contre le cancer. À la fin de la tournée, je vais même me raser la tête et faire don de mes cheveux (Liam a les cheveux longs, ndlr). Cela se passe très bien pour le moment, on a récolté beaucoup d'argent. Mais je voudrais insister sur le fait que lorsque l'on parle du cancer, c'est souvent pour témoigner des proches que l'on a perdus. Tout le monde dans ma famille a eu un cancer du sein. Un ami à moi vient juste de finir sa chimiothérapie et s'est débarassé de la maladie. Mais il y a d'autres aspects qui méritent d'être développés, comme les programmes de sensibilisation à la maladie et la prévention contre celle-ci.
Le sujet est encore trop tabou ?
Oui, tout à fait. C'est très paradoxal de voir à quel point le cancer nous touche tous mais combien nous sommes frileux lorsqu'il s'agit d'en parler et d'aller au fond des choses. Bien sûr on parle de la cigarette, de l'alcool, et peut-être de deux ou trois autres choses. Mais les produits ménagers, l'hygiène de vie générale, la combinaison de certains produits... tout cela est susceptible d'être cancérigène mais personne n'en parle. Même la quantité d'eau que tu bois au quotidien joue un rôle sur le développement ou non d'un cancer. Petit à petit, ces idées font leur chemin car de plus en plus de gens sont atteints. Mais l'information et la prévention contre le cancer sont encore secondaires face à la réaction basique : cancer = chimiothérapie. Il faut mieux sensibiliser la population.
Tu as l'air très dévolu à cette cause...
Beaucoup, oui. Il y a cet ami à nous qui fait beaucoup de choses pour l'hôpital Princess Margaret. Il dirige une association caritative qui s'appelle Skate4Cancer. Il a parcouru tout le Canada en skateboard et à présent il fait la même chose aux États- Unis. Il lève énormément de fonds pour le centre de recherche, qui est dans le top 5 des meilleurs centres de recherche du monde.
En parlant de vie et de mort, votre quatrième opus s'intitulait 'Dead Set on Living' et tu avais confié que c'était justement les paroles prononcées par ton ami en sortant de l'hôpital, et que cela signifiait qu'il fallait se concentrer sur ce qui importe vraiment, sur la vie. Votre dernier album s'appelle 'Searching for Zero', c'est-à-dire revenir aux sources du groupe. On dirait que vous vous cherchez perpétuellement à travers vos albums. Vous êtes-vous enfin trouvés ?
Oui, je crois. En fait non, on cherche encore. Peut-être que devenir plus âgé me fait prendre conscience de certaines choses mais je suis toujours à la recherche de la vérité, en train de me demander "mais pourquoi fais-tu ceci ou cela ?".
Chaque sortie d'album succède à des périodes sombres dans vos vies. Vois-tu la musique comme une sorte de purification ?
Oui, c'est une thérapie en un sens. Cela aide à se sortir de mauvaises passes. Il est certain que le dernier album a été marqué par une sale période, nous avons perdus de nombreux proches, certains du cancer, d'autres pour d'autres raisons. Donc c'était une grande période d'introspection encore une fois. Je crois que c'est la différence entre nos deux derniers albums. "DSOL" (Dead Set on Living, ndlr), c'était sur un ami proche qui est passé très près de la mort et sur comment cette expérience a bouleversé sa vie, les conversations qu'on avait lui et moi... Oui, en fait je crois que je recherche ce genre de situation, lorsque j'écris un nouvel opus *rires*.
Musicalement, 'Searching for Zero' est perçu comme très différent de vos anciens morceaux. Qu'est-ce qui a soudainement changé dans vos influences ?
Je crois que c'est une progression naturelle. Mais le grand changement vient de la production. Cette progression, on ne pouvait pas l'obtenir en restant avec Eric Ratz et Kenny Luong qui étaient nos producteurs jusqu'à présent. Mais quand tu entends le son live, quand on est les uns à côté des autres, dans la même vibe, avec les mêmes instruments et la même compression, tu te dis "oh mais c'est toutes les mêmes chansons" *rires*. Mais lorsque tu écoutes l'album, là oui, ça sonne différemment.
Donc c'est la faute de Ross Robinson (nouveau producteur de CANCER BATS, qui a travaillé avec DEFTONES, KORN, SLIPKNOT, THE CURE, MACHINE HEAD, etc.) ?
Non, pas de sa faute ! Mais il a son rôle dans l'histoire. Le style de Ross est vraiment différent de tout ce qu'on a fait jusque là. Donc en fait c'est plutôt de notre faute d'être toujours resté avec les mêmes producteurs aussi longtemps. Du coup, les fans se sont habitués à un son qu'ils ont pris pour le son définitif du groupe.
Alors vous sonnez plutôt THE CURE maintenant ?
Pourquoi pas ! C'est drôle parce qu'une fois que tu as travaillé avec Ross, tu ne peux plus faire machine arrière. Et quand tu écoutes les albums de AT THE DRIVE-IN, NORMA JEAN et THE CURE, tu sens la patte de Ross. Il n'a pas une empreinte audio trop forte, mais il a son style. On l'entend sur les voix et aussi le jeu des batteries. C'est ce qui relie le plus tous ces albums, je trouve.
Vous allez retravailler avec lui ?
J'adorerais! Si l'occasion se présente, bien sûr que nous le ferons. Mais cela va dépendre de son emploi du temps. Et le fait qu'il vive en Californie et nous au Canada ne joue pas en notre faveur.
Vous avez joué au Hellfest il y a quelques années. Quels souvenirs en gardes-tu ?
C'était génial. C'est certainement l'un de mes festivals préférés en Europe. On pouvait traîner à la Stoner Stage et voir plein de super groupes, et puis il y avait la Warzone, la scène hardcore où on a joué. Nous sommes arrivés le vendredi juste pour voir les groupes comme FROM ASHES RISE et TRAGEDY et on était chanceux car on ne jouait que le lendemain. Et puis finalement nous somes restés le dimanche aussi pour voir tous les groupes. C'est le seul festival en Europe où on ait fait ça. Et bien sûr tu rencontres des gens. Le chanteur de WATAIN déambulait là, juste pour assister aux concerts du weekend. C'est quand même vraiment spécial quand des musiciens viennent à un festival où ils ne sont pas programmés, comme ça, de leur côté.
Vous avez aussi donné un concert l'an dernier au Japon. Tu connais la scène un peu là-bas ?
Bien sûr, on a découvert des groupes là-bas, comme COLDRAIN et CROSSFAITH ou encore MAXIMUM THE HORMONE, qui sont vraiment supers. Il y a avait ce groupe, FACT, je ne sais pas s'ils sont toujours en activité. CHURCH OF MISERY aussi, c'est l'un de mes groupes préférés.
Ils ont vraiment un style particulier...
Oui mais je crois qu'on pourrait dire cela de tous les groupes locaux. C'est souvent l'accent qui donne son originalité. J'aime bien les groupes étrangers comme MASS HYSTERIA, les scandinaves comme THE VICIOUS ou même RANDY. Quand ils chantent, je trouve ça tellement chouette ! C'est pareil avec le Japon. Quand tu entends le chanteur de FORWARD, tu te dis "Ce mec ne peut pas venir d'ailleurs que du Japon".
Vous êtes en pleine tournée européenne en ce moment. Comment se passe la route ?
Eh bien, on est neuf entassés dans ce petit bus. Mais on ne fait plus les fous quand on tourne. Peut-être parce que nous sommes mariés, ou bien parce qu'on devient vieux. On apprécie plutôt un bon café et se balader dans les villes où on joue.
Aujourd'hui, vous avez votre propre tournée, votre propre label. Quelle est la prochaine étape ? Avez-vous réalisé tous vos rêves ?
Oui, c'est sûr qu'on a fait un joli parcours. Quand on nous demande "Qu'allez-vous faire pour votre prochain album?", je réponds "Je sais pas, mec, laisse-moi d'abord savourer ce que j'ai" *rires*. Je regarde en arrière et je suis très fier des cinq albums que nous avons faits. Je ne pensais même pas que nous arriverions un jour à cinq. La seule chose à venir pour nous, ce sont d'autre bons moments et nous sommes tellement reconnaissants envers les gens qui viennent à nos concerts et tous ceux qui ont été à nos côtés ces dix dernières années. La dernière chose que l'on puisse nous souhaiter, c'est "Bonne route" !