Cela fait désormais plusieurs éternités que la tornade colorée PUNISH YOURSELF nous apporte son lot de bleus, courbatures, extinctions de voix et souvenirs glorieux avec ses shows démentiels où les Toulousains partagent leur énergie unique avec un public complice. Alors que le groupe revient sur scène, nous avons été taquiner son chanteur vx69 qui a pris le temps de répondre à nos questions avec la même générosité qu'on lui connaît sur scène. On y parle de l'avenir, mais aussi du passé car il faut bien admettre que l'éternité, ça ne rajeunit personne. Les lendemains de concerts boiteux en témoignent.
Pour commencer, parlons un peu du futur. Après avoir tourné deux ans pour Spin the Pig, vous aviez parlé d'un nouvel album... Peux-tu nous en donner des nouvelles ?
Comme disait le grand Rabindranath Sar Din "je le peux !"... Mhhhh, ça ne fait rire que moi. Alors, oui, donc, le prochain album, je vais faire dans le très factuel : on pense à l'automne 2022, voire début 2023, pour la raison très simple qu'avant ça on aura beaucoup de mal à construire une tournée pour sa sortie (tous les plannings sont full avec deux ans de concerts reportés à rattraper, c'est une situation jamais vue…). Mais en toute honnêteté, ça a beau faire un moment qu'on bosse dessus de près ou de loin, il est très loin d'être prêt - entre le départ chaotique d'un batteur, l'arrivée (tel un sauveur !) d'un nouveau, le morne interrègne des confinements covid, la très démotivante absence de concerts et de perspectives, c'était pas la meilleure ambiance créative. Ce ne sont d'ailleurs pas les idées qui ont manqué (on en a eu plutôt trop que pas assez), mais pour ce qui est de la concentration efficace et concrète, là… Enfin bref, là on est enfin repartis sur des rails très concrets, d'ailleurs on a même l'essentiel, un titre provisoire (je laisse aux lecteurs le soin de décider si cette dernière phrase est ironique, mais en tout cas on a bel et bien un titre provisoire, not kidding du tout : Great Walls Of Fire) et surtout, info essentielle : d'ici la "vraie sortie" du "vrai album" on prévoit de balancer des morceaux, à partir du printemps prochain. On verra sous quel format exactement (tracks isolées ? EP ? EPs ? live ? sessions "live en studio" ponctuelles ?), à quel rythme, et si les morceaux en question se retrouveront ou pas sur l'album "tels quels", là c'est encore un peu flou.
Après les panthères et les cochons, peut-on s'attendre à un nouvel animal totem pour PUNISH YOURSELF ?
Si je me rappelle bien c'est toi qui nous a signalé cette obsession involontaire (inconsciente en tout cas) pour les animaux, haha, c'était très perturbant de le réaliser. Si tu n'avais pas mis le doigt dessus on aurait probablement continué avec les références animalières sans y faire gaffe… Mais là, histoire d'éviter de suivre nos tropismes bestiaux incontrôlés, on a décidé qu'aucun animal ne serait exploito-maltraité symboliquement pendant la composition et l'enregistrement. Ça fera au moins un point sur lequel on ne pourra pas nous accuser de faire toujours la même chose…
Quels animaux auraient pu y passer ?
Les rats. Je suis plus obsédé par les bouledogues français que par les rats, mais en termes de richesse symbolique, pour nous les rats, "LE rat", ça aurait été du caviar… Mais à vrai dire je pense que d'ici quelques années, les rats, ce sera probablement littéralement du caviar, pour ceux qui pourront se le payer.
Peut-on s'attendre à découvrir de nouveaux titres lors de vos concerts à venir ?
On ne l'avait pas prévu sur les concerts de décembre (mais histoire de compenser on a joué des vieux morceaux auxquels on n'avait pas ou peu touché depuis un sacré bail) mais en 2022, oui - si j'en crois nos auto-prévisions (aussi fiables que celles de Paco Rabanne, mais passons), quatre nouveaux morceaux au printemps. Dont une reprise, ce qui est un peu une nouveauté pour nous, la dernière fois qu'on a joué une reprise en live c'était en 1996 pour un mémorable medley KIM WILDE / DEAD KENNEDYS (je laisse les lecteurs deviner les deux morceaux qu'on collisionnait).
Le groupe s'est étoffé ces dernières années, avec un synthé sur scène mais aussi parfois Sylvain qui fait de la perceuse...
Oulaaaaa Sylvain ne fait pas que de la perceuse (et du marteau piqueur…) , tu vas nous le vexer, Sylvain c'est un peu notre FM Einheit à nous, pas juste un bricoleur industriel du dimanche !
...Toutes nos excuses les plus respectueuses. Comptez-vous continuer à être aussi nombreux ? Plus nombreux ?
Aussi nombreux, oui, en tout cas chaque fois que ce sera possible ! Plus nombreux, pourquoi pas sur le principe, j'ai toujours rêvé de monter une tournée à deux batteries, car oui, je suis très très fan de MINISTRY période 89-90, j'avoue tout. Le problème, c'est les contraintes de la réalité… Si on avait du flouze on ne se gênerait pas, en tout cas. Mais on n'en a pas. Ce qui n'empêche pas d'imaginer bosser pour des concerts (ponctuels ou pas) avec, qui sait, un autre groupe, ou d'autres performers, la porte est ouverte, mais plus sur un concept de "concert commun"... J'en dis trop ou pas assez mais je vais rester sur "pas assez", on est juste en train d'en discuter pour l'instant. Vague teasing power 666 !
Spin the Pig était un album bien plus rentre-dedans que les précédents. Est-ce une direction que vous pensez poursuivre ?
Oui et non. On a dans les morceaux bien avancés des trucs qui sont largement aussi énervés que ceux de Spin The Pig, voire plus (plus rapides, en tout cas), mais aussi des trucs beaucoup plus lents… Mais en tout cas il n'y aura pas de surenchère dans l’extrémisme. Ça a été une tentation (le vieux thrasher à l'intérieur de moi essaie parfois de prendre les commandes, le vieux sludgecoreux aussi, et ils font même quelquefois alliance, ces deux croûteux) mais après beaucoup de tâtonnements, on va sans doute vers quelque chose de moins braillard… Comment dire, Spin The Pig avait un côté THE EXPLOITED / GBH assez, euh, rugueux voire épineux, le prochain devrait avoir un côté plus THE DAMNED soyeux avec des arômes très prononcés mais de la rondeur en bouche, et des touches de psychobilly de boomer (et peut-être enfin ces fameuses touches afro-cubaines dont je rêve depuis toujours (si,si, il nous en parlait déjà en 2013, ndlr), si personne n'arrive à contrecarrer mes projets funestes). Enfin tout ça si on ne change pas de cap en cours de route, ce qui n'est pas inhabituel chez nous.
A l'époque de Holiday in Gudalajara, tu disais ne pas être satisfait de l'album, que tu trouvais inachevé. Quel regard portes-tu dessus avec le recul ?
Aucun, je ne me retourne pas sur cet album, tout simplement. J'ai quand même passé un cap symbolique - on en a rejoué un titre, et avec plaisir, sur la dernière tournée. Mais on n'en jouera aucun sur les dates à venir : au moment de choisir une setlist prévisionnelle, aucun ne tentait personne. Et je suis toujours incapable de l'écouter.
As-tu le même ressenti pour Spin the Pig ?
Pas du tout ! Je suis systématiquement et maladivement insatisfait de ceci ou cela, une fois un album terminé - en général, de détails que je suis le seul à entendre, ou de point précis auxquels personne ne fait attention. Spin The Pig ne fait pas exception à la règle, et je ne m'y reprendrais certainement pas de la même façon dans le processus, mais je trouve le résultat tout à fait "abouti" à défaut d'être parfait. C'est les morceaux tels qu'ils étaient au moment de les enregistrer, dans leur jus, à la sortie du fût. C'est à dire très différents de la vie qu'ils ont pris sur scène, après adaptation et décantation, et qui mériterait peut-être un témoignage live "définitif", d'ailleurs, mais j'aime autant ces deux incarnations des morceaux.
Il fut un temps lointain où tu avais plusieurs side-projects : il y avait LE CABARET DE L'IMPASSE et tu donnais aussi des concerts en solo. Est-ce quelque chose qui te fait toujours envie ?
LE CABARET DE L'IMPASSE, oui, c'est plus les occasions qui ont manqué que l'envie - on avait monté un nouveau line-up juste avant le covid, qui n'a donné qu'un concert avant la catastrophe… Et là on va se remettre au travail avec encore un nouveau batteur, et probablement en intégrant au répertoire "reprises dark cabaret" des compos passages plus ambient-improvisés, un peu dans l'esprit de ce que je faisais avec CHEERLEADER 69. Pour moi c'est deux projets assez perméables, et la seule occasion où j'envisage de ressusciter C69, c'est en "symbiose" avec LE CABARET. Symbiose ou parasitisme, d'ailleurs, je m'autorise à m'auto-vampiriser, ça reste dans la famille.
Éprouves-tu un besoin d'exprimer des choses qui n'ont pas leur place dans PUNISH ?
J'aurais tendance à dire que tout peut avoir sa place dans PUNISH - en studio, en tout cas. Un album de PUNISH YOURSELF noise-ambient ? Pas de souci. Un album dark-cabaret ? Pourquoi pas ! De la salsa ? Si señor ! Le problème - la question, en tout cas - c'est de jouer ça sur scène. Et là ça devient beaucoup plus compliqué. On veut que le public prenne du plaisir (on n'en prend pas, sinon…) mais avec l'expérience on a réalisé qu'il y avait des trucs qui ne fonctionnent pas bien sur scène dans le contexte PUNISH. Un exemple, le morceau Spiders 375 Necromancers : quand on le jouait au départ avec le side-project 1969 WAS FINE, c'était un des moments très forts des concerts, il se passait quelque chose de magique. On a cru que c'était transposable à PUNISH, et en live, ça ne marchait pas du tout, en tout cas beaucoup moins bien. Mauvaise expérience, chat échaudé craint l'eau froide, etc, et comme on ne veut plus passer du temps sur des morceaux qu'on ne jouera pas en live, ou qui gicleront de la setlist au bout de trois concerts pour cause d'insatisfaction mutuelle… Bref je ne sais plus ce que je voulais dire. Enfin si, ces trucs qui n'ont "pas leur place dans PUNISH" (pour de bonnes ou mauvaises raison), est-ce que j'ai besoin de les exprimer ailleurs ? Mon goût du dark-cabret, oui, parce que chanter du TOM WAITS, du FOETUS et du SCREAMIN' JAY HAWKINS c'est le TOTAL KIFF ! Je suis un amoureux de cette musique. Si je peux en profiter pour y glisser des expérimentations variées, encore mieux. C'est donc toujours dans les projets. Le reste de tous les machins divers et variés que j'aimerais bien avoir l'occasion de taquiner plus souvent, du stoner psychédélique à la musique cinématographo-néo-classique en passant par la folk gothique ? J'aimerais bien mettre plus les doigts dedans mais ça ne m'empêche plus de dormir.
Tiens, d'ailleurs, au fil des années on a entendu chez PUNISH des morceaux très variés, avec du violon, du saxo... Qu'est ce qui n'aurait pas sa place chez vous ?
L'accordéon, mais pas parce que je n'aime pas l'instrument (pour revenir au dark cabaret, c'est un instrument parfait !), ce serait juste… Hors contexte. Il est hors de question d'intégrer des instruments juste pour l'effet what the fuck (oh, trop bien, un break au banjo, trooooop délire), le saxo ou le violon ça nous paraissait totalement naturel (quatre cinquièmes de ma vie comme fan obsessionnel d'HAWKWIND, c'est pas étonnant en ce qui me concerne), on ne cherchait pas à surprendre. Sur le prochain on ne pense pas en mettre, ni quoi que ce soit de "nouveau" dans l'instrumentation, mais c'est pour une raison très simple : on veut - pour une fois - sonner sur le disque comme on sonnera en concert. Objectif qui relève peut-être du vœu pieux délirant, mais c'est la contrainte qu'on s'est donnés, et c'est une vraie nouveauté pour nous.
Revenons un peu en arrière. Suite à la sortie de Holiday in Guadalajara, vous avez fait une tournée en noir et blanc au lieu de vos couleurs fluos habituelles, Miss Z a quitté le groupe , vous avez sorti un album plus agressif et chamboulé votre setlist ("non, ce soir on ne joue pas Gay Boys"). Est-ce qu'il y a eu à un moment une volonté du côté de PUNISH de changer d'air, ou de peau, une remise en question de votre identité ?
Oui et non, enfin comment dire, changer d'air, oui, casser la routine, plutôt, et sortir à 100% de la période mexicaine. Mais remise en question de l'identité ? Non, on a fait ce dont on avait envie au moment où on en avait envie, en se posant zéro questions. Le noir et blanc c'était pour dépoussiérer et remettre les compteurs à façon coup de poing, mais c'était plus un grand nettoyage pour relancer la machine qu'une révolution pour faire table rase. Quant à Gay Boys In Bondage, c'est un peu devenu le running gag, c'est surtout que pendant très longtemps on avait l'impression affreuse de mal la jouer… Certes on veut faire plaisir au public mais c'était un peu une torture pour nous. Pas toujours, mais bien une fois sur deux. Mais il n'est pas exclu qu'on se la retente avec ce line-up, à l'occase, qui sait, on n'est pas à l'abri d'une bonne surprise…
De manière générale, vos concerts sont super festifs et les gens vous associent à des choses positives. Pourtant, le dernier album n'est pas des plus funs. Est-ce qu'on s'est tous gourrés ?
Ah ? Je le trouve personnellement plutôt jouasse, un peu (très) grimaçant, certes, mais festif quand même. On a été beaucoup plus littéralement déprimés et désabusés sur Gore Baby Gore ou Pink Panther Party - sur certains morceaux en tout cas… Il y a toujours eu une ambivalence dans PUNISH entre le côté "on s'éclate c'est la teuf" et le côté "l'univers s'écroule sous nos pieds et c'est la teuf aussi". On a un rapport ambivalents aux mauvaises vibrations, quelles qu'elles soient, c'est notre côté goth, je suppose : on se marre avec, on les ridiculise, mais elles sont là quand même, et pas juste leur caricature rigolote. C'est aussi ce qui nous a probablement attiré dans l'esthétique mexicaine, le dia de los muertos c'est une fête très colorée mais la mort y est toujours vraiment présente derrière. Memento mori et tout ça, carpe diem, yolo, everyday is halloween.
Est-ce que parfois tu préférerais que Punish ait une image plus "méchante qui fait peur" ?
Non. En tout cas on ne veut pas se donner l'air méchant ou chercher à faire peur volontairement, on n'est pas un foutu groupe de black metal. Et fondamentalement on a envie d'être en communion avec le public, qu'il se sente comme nous, avec nous, pas de lui en mettre plein la gueule. Méchants et effrayants ? C'est ok si dans la fosse c'est la même méchanceté et la même effrayance (oui je sais ça n'existe pas) qui se manifeste, tous ensemble, comme la famille Addams, ou les Munsters. Ou un pogo de psychobilly.
Il y a quelque chose que je n'ai jamais compris : Punish est un groupe connu de beaucoup de monde, même des gens qui n'écoutent pas du tout ce genre de musiques et vont dire "ah ouais, ils existent encore ? Je les ai vus quand j'avais 18 ans, c'était cool". On vous retrouve sur de grandes scènes et, quelques mois après, dans des salles beaucoup plus confidentielles. Comment expliques-tu que vous n'ayez pas percé une sorte de "plafond de verre" ?
On est des businessmen d'une rare incompétence, à la limite du surnaturel. Et peu de groupes sont aussi bordéliques que nous dans l'organisation, là aussi c'est à la limite du surnaturel… Je suppose que ceci explique cela. C'est quasi-miraculeux qu'on se soit retrouvés à jouer sur de gros festivals, devant autant de monde, avec le recul. Mais tant mieux. La limite fatale, c'est que le public pour ce type de musique est finalement assez limité - on ne peut pas l'étendre à l'infini. Et on n'a jamais cherché à toucher plus de gens. Nous adapter au "goût de la majorité" n'a jamais été à l'ordre du jour. Et même si on avait voulu je doute qu'on en aurait été capable, ha ha… Mais je suis plutôt satisfait de cette incapacité à passer dans la division supérieure, on est plus dans notre élément au Gibus qu'au Zénith. On a commencé dans des petites salles, on a continué dans des petites salles, on nous enterrera probablement dans une petite salle. Pour nous c'est ça, la normalité, notre milieu naturel, l'air qu'on respire. Pas les grosses scènes avec le public à minimum trois mètres, derrière des barrières… Faire les festivals c'est fun, je vais pas dire le contraire, hein. Mais c'est un à côté, pas un idéal.
Vous faites énormément de dates. Personnellement, j'ai dû vous voir 7 ou 8 fois sur la tournée suivant la sortie de Spin the Pig, et ce sans quitter la région parisienne. Est-ce qu'il vous arrive de vous lasser ?
Nous lasser de jouer, non, jamais. Si on fait ça c'est pour la scène, pour ces moments où la mayonnaise prend entre le groupe et le public. Elle ne prend pas toujours, ça peut même être assez frustrant, quand "ça ne marche pas", mais paradoxalement ça donne peut-être encore plus envie d'y retourner… Décrit comme ça ça ressemble presque à un mécanisme d'addiction, tiens. Mais oui, en y pensant, la scène c'est un genre de drogue dure. Sans les effets négatifs. A part quelques fractures occasionnelles et un nombre considérable de gueules de bois, certes, mais on s'habitue.
Et d'avoir peur de lasser les gens ?
C'est certainement de la pensée magique totalement égo-centrée, mais j'ai la certitude absolue (et irrationnelle) que tant qu'on a envie d'aller en découdre avec le public, alors c'est que le public a envie d'en découdre avec nous. Jusqu'ici ça s'est révélé plutôt vrai. Je me dis aussi - un peu plus rationnellement ? - qu'on est tellement bordéliques que c'est forcément différent à chaque fois, même quand on joue les même morceaux dans le même ordre…
La première fois que j'ai vu Punish, c'était en 2005. A l'époque, dans ma tête, c'était un truc de fou, un peu dangereux et sulfureux, dont on va parler aux copains en en rajoutant un peu mais où on n'inviterait pas la famille. Aujourd'hui, Punish m'apparait plus comme une valeur sûre, stable, une sorte de rituel rassurant, et au final un truc quasi familial. C'est nous qui vieillissons, ou c'est vous ? Comment perçois-tu votre image aujourd'hui par rapport à il y a 15/20 ans ?
Ça fait longtemps qu'on est un groupe familial, pas dès le début mais assez vite des gamins traînaient leurs parents nous voir, et vice versa. C'est juste devenu de plus en plus fréquent, mais je suppose que c'est mathématiquement logique, comme progression… Mais est-ce qu'on a vieilli ? Évolué, oui, autant nous que le public, ça c'est sûr. A cinquante balais je ne ressens plus forcément la compulsion irrépressible de finir tous les concerts à poil, par exemple. Ce qui était naturel il y a vingt ans, on était comme on était sur scène dans l'urgence, parce qu'on le sentait comme ça, et le public y réagissait directement, il y avait comme… Une catharsis mutuelle ? Mais ça n'était jamais calculé pour choquer, il y avait une grande sincérité dans mes roulades à poil. Est-ce qu'on s'est assagis ? Probablement, si on se concentre sur le "sulfureux", mais je crois que l'intensité s'est déplacée ailleurs, la communion avec le public passe moins par la transgression et plus par la musique. Il y a vingt ans on jouait quand même très très mal, et je chantais la plupart du temps comme une grosse merde, toute l'énergie passait dans cette espèce de comportement obscène et dangereux que les gens attendaient - et reproduisaient. Petit à petit elle a migré vers une forme de rituel un peu plus… Construite ? Solide ? Stable ? Musicalement, y a pas photo. Est-ce que je le regrette ? Non. On faisait ce qu'on avait envie de faire comme on avait envie, on continue. Ce serait parfaitement grotesque d'essayer maintenant d'être ce qu'on était il y a vingt ans. Et probablement suicidairement dangereux pour la santé, vu comment on carburait.
Pour conclure, je dois t'avouer que je pique pas mal d'idées de films de ton côté. Jesus Shows you the Way to the Highway, par exemple, était assez incroyable...
Ah, je vois que je ne suis pas le seul à aimer, ça me rassure ha ha ! Ma chérie n'a tenu que la moitié, elle était limite en colère contre le réal. Et pourtant on a en général à peu près les même goûts, mais là, c'était trop pour elle. Lecteurs, sachez le : Jesus Shows You The Way To The Highway n'est probablement pas fait pour vous !
As-tu découvert récemment d'autres pépites ?
Oui, grâce à Drive In Movie Channel, qui ne passe à peu près que d'invraisemblables séries Z apocalyptiquement ni faites ni à faire. J'ai une fascination malsaine pour ces films tellement ratés qu'ils forcent l'admiration. Mais plus sérieusement, dans les coups de cœur "culte" récents (enfin, découverts récemment) : Mad God de Phil Tipett, le roi de l'animation image par image (certains esprits se rencontrent, on vous en disait nous aussi du bien il y a quelques semaines, ndlr), pour lequel les qualificatifs "apocalyptique" et "cauchemardesque" sont un peu légers ; et Murder A La Mod, le très étonnant (et très méconnu) premier film de Brian De Palma, quand il se prenait pour Godard en plus marrant.