Depuis plus de vingt ans, le groupe suédois COVENANT mène la danse sur la scène EBM/synthpop. Les dernières années ont pourtant été semées d?embûches pour le groupe qui a notamment changé de line-up. Ils reviennent néanmoins avec un nouvel album, 'Leaving Babylon', et une tournée durant laquelle ils se sont arrêtés à Paris ainsi qu?à Nantes. L?occasion pour nous de bavarder avec Eskil Simonsson sur les projets du groupe. Nous avons également pu nous entretenir avec Helena Österlund, poétesse suédoise invitée sur l?album.
Quel est le concept de 'Leaving Babylon' ? Est-ce la description d'une reconstruction du monde sur ses propres ruines ?
Eskil : Oui, c'est une bonne interprétation. Ce concept contient en fait plusieurs niveaux de lecture. C'est aussi un voyage intérieur qui raconte notre propre réveil au sein du groupe. Nous avons vécu certains changements (départ de Daniel Myer, ndlr) et nous en sommes ressortis plus forts. Notre monde est en danger et doit être sauvé ' de nous-mêmes ! En essayant de devenir meilleurs, nous pouvons transcender les préjugés et les vieilles morales dont nous sommes emplis. Et nos vies continuent : des c'urs se brisent, des enfants naissent, nos parents disparaissent. La musique me permet d'exprimer toutes ces choses à la fois et de contempler l'infinie tristesse de nos vies. Mais aussi la beauté !
À ce propos, les chansons du nouvel album parlent beaucoup de destruction et de reconstruction. Finalement, est-ce un album optimiste ou craignez-vous pour l'avenir de nos sociétés ?
Eskil : Nous sommes les enfants de l'ère atomique, nés avec la crainte d'une guerre nucléaire. Lorsque nous n'étions que des gosses, jamais nous n'aurions imaginé vivre plus de quarante ans, et encore moins faire la fête chaque soir comme si c'était le dernier. Je crois que ce monde n'a jamais été aussi prometteur. Aujourd'hui, les gens ont une conscience aiguë de l'environnement qui les entoure.
Cet album est-il le pendant de 'Modern Ruin' ?
Eskil : « Leaving Babylon » est en effet le dernier volet de notre « Trilogie des Ruines », démarrée avec « Skyshaper » puis « Modern Ruin ». Je crois que nous avons exploré ce que nous voulions sur ce thème. Nous allons à présent laisser Babylon derrière nous et j'ai hâte d'avancer sur de nouveaux projets. Pour commencer, nous allons entièrement démonter notre studio pour fabriquer un tout nouvel espace de création, et nous allons nous efforcer de travailler différemment, explorer des chemins encore jamais empruntés. Quelque chose d'inédit est sur le point d'éclore et je suis très excité à cette idée !
L'évolution vers un monde surinformé et surconnecté est un thème récurrent du dernier album. Es-tu toi-même un addict de la technologie ?
Eskil : C'est sûr, on aime autant les ordinateurs que les instruments organiques. On a plein de synthés et autres instruments qu'on collectionne depuis des années. La musique assistée par ordinateur est une expérience totalement différente d'une création musicale organique. Mais ces deux styles se complètent parfaitement. Nous mettons un point d'honneur à travailler le plus possible manuellement. Nous utilisons l'ordinateur uniquement pour simplifier des tâches fastidieuses comme la production ou l'enregistrement. Plus largement, l'invention d'Internet et ses dérivés comme Wikipédia sont des choses formidables et des outils sans limite ! Mais cela signifie qu'il faut parvenir à les dompter pour être maître de soi, car il y a toujours des gens plus malins qui peuvent vous contrôler via ces mêmes outils.
Dans l'édition limitée de l'album figure un long poème d'Helena Österlund. Peux-tu nous en dire plus sur cette collaboration ?
Eskil : Je lui laisse le plaisir de répondre à cette question. Helena : En fait, mes poèmes ont plutôt tendance à être très longs et traitent de sujets variés. Mais quand Eskil m'a demandé si je voulais travailler avec lui, je me suis tout de suite dit qu'il fallait créer quelque chose de différent de mes travaux habituels. J'envie secrètement les compositeurs de chansons, car ils peuvent écrire très peu de phrases et les répéter ensuite à leur gré, sans pour autant que cela devienne ennuyeux. Une chanson n'est pas faite pour être lue, mais écoutée. Elle prend tout son sens lorsque quelqu'un, par la seule magie de sa voix, se met à la chanter et renforce ainsi la musique et les paroles.
Comment s'est déroulé le processus de création ?
Helena : À vrai dire, j'ai eu l'idée de la structure du texte en faisant mes exercices de relaxation avec un disque. Ces paroles qui se répètent encore et encore et qui font bouger mon corps, ça me fascine ! J'ai senti cette paix intérieure et j'ai voulu la retranscrire à travers mon propre texte. J'ai donc enregistré « Jag är Fullständigt Tung » et l'ai envoyé à Eskil, qui m'a alors fait parvenir des pistes sonores pour accompagner ces paroles. Et l'incroyable s'est produit : cette chanson avait soudain un sens, une histoire. C'est une expérience incroyable.
A la lecture du titre de l'album 'Leaving Babylon', on pense tout de suite au récit de la Tour de Babel et de la séparation des langues.
Eskil : Merci ! Cela me rassure, car c'était exactement l'effet escompté.
Justement, vous faites de la musique depuis vingt ans maintenant, et toujours en anglais. Avec 'Leaving Babylon', c'est la première fois que votre langue maternelle apparaît dans votre musique à travers le poème d'Helena. Pensez-vous composer en suédois ?
Eskil : Oh, mais c'est tellement dur le suédois ! Non, nous n'avons pas prévu d'écrire dans notre langue pour le moment. En plus de cela, utiliser une autre langue comme l'anglais nous permet de nous transcender, d'aller plus loin que notre petite personne et d'endosser de nouveaux rôles.
Le groupe a récemment changé de line-up, Andreas Catjar remplaçant Daniel Myer. Peux-tu nous le présenter ?
Eskil : Andreas est un vieil ami de Helsingborg, la ville dont nous sommes originaires. Il se trouve qu'il avait un studio juste à côte du nôtre. Andreas joue de tout un tas d'instruments. Il fait même de la guitare pendant les lives ! On l'entend notamment dans la chanson « I Walk Slow ».
Oui, c'est d'ailleurs la toute première fois que vous utilisez la guitare. Vous prévoyez de continuer dans cette direction ?
Eskil : Absolument ! Pour moi, la guitare ouvre la porte de toutes nouvelles possibilités acoustiques. Nous allons assurément réitérer l'expérience et de nouveaux instruments vont aussi faire leur entrée.
Maintenant que la tournée a démarré, quelles sont les nouvelles chansons que vous appréciez jouer en live ?
Eskil : Eh bien, à Paris, nous avons joué « Leaving Babylon », « Ignorance and Bliss », « Prime Movers », « I Walk Slow », « Thy Kingdom Come » et notre single « Last Dance ». Cela fait déjà pas mal, mais les gens nous sollicitent toujours pour jouer les nouvelles chansons, comme par exemple « For Our Time ». Il y a vraiment une très bonne réception du nouvel album par le public.
Pour finir, avez-vous définitivement retiré 'Like Tears in the Rain' de votre setlist ?
Eskil : Non, du tout. J'aime beaucoup cette chanson et nous la rejouerons sans aucun doute.