Empathy Test fêtait ses dix ans d'existence avec une tournée en Allemagne puis une au Royaume-Uni. Si les premières années du duo formé par Isaac Howlett et Adam Relf ont été tonitruantes, ces derniers temps ont été plus frustrants, surtout pour Howlett qui sortait en début d'année son premier morceau solo. Empathy Test, en quête d'un second souffle ? Nous avons profité du dernier concert de la tournée, à Londres (live report), pour aller tirer les vers du nez du chanteur britannique, expatrié en Autriche depuis plusieurs années, qui nous a surpris par sa spontanéité et sa générosité. Ici, pas de langue de bois quand il est question de parler, avec humour et recul, de ses inquiétudes mais aussi de son rapport à son pays d'origine ou aux réseaux sociaux avec une honnêteté aussi rafraîchissante que précieuse.
Nous tenions à nouveau à remercier Gary Levermore de Red Sand PR pour son aide inestimable au moment de rendre possible l'interview.
Tu viens de sortir ton premier titre solo car Empathy Test semble être dans une impasse créative. Est-ce qu'il t'arrive de te dire que cette tournée anniversaire des dix ans pourrait aussi être une tournée d'adieu ?
Oh mon dieu, les questions difficiles d'entrée ! Oui, c'est vrai qu'il y a un peu de ça. Malheureusement, il se passe beaucoup de choses en coulisse, d'un point de vue personnel et professionnel, entre Adam Relf et moi. Je suppose que c'est la situation classique où une personne, en l’occurrence moi, s'est un peu appropriée le projet alors que l'autre personne passe au second plan. Je suis du genre à mettre tous mes œufs dans le même panier et j'ai globalement construit ma vie autour d'Empathy Test. Adam est impliqué dans des tas de projets différents. Il ne tourne pas non plus avec nous et je pense que par conséquent le groupe a fini par devenir surtout moi et les musiciens qui m'accompagnent sur scène. Adam s'est un peu éloigné...
En effet, nous n'avons pas travaillé ensemble sur de nouveaux morceaux depuis l'album Monsters en 2020. J'ai écrit l'équivalent d'un album entier et ai envoyé toutes ces nouvelles chansons à Adam. Ça a pris un certain temps avant qu'il n'écoute mes démos et quand enfin il s'y est mis, rien ne s'est passé. Il a décidé qu'elles n'allaient pas dans la direction vers laquelle il souhaitait emmener le groupe, ce qui est assez difficile à entendre pour moi car ces chansons sont tout ce que j'ai à offrir. Qu'est ce que j'en fais, je les supprime ? Alors pour préserver ma propre santé mentale et rester actif, j'ai décidé de les sortir moi-même. Évidemment, je ne pouvais pas utiliser l'argent d'Empathy Test pour financer leur sortie, donc je le fais un morceau à la fois. Je prends un peu la température histoire de voir comment ça se passe... et en même temps, j'attends aussi de voir comment les choses vont évoluer du côté d'Empathy Test.
Tu ne te vois pas évoluer à la façon des Sisters of Mercy, à tourner pendant des décennies sans ne jamais ressortir d'album ?
Eh bien, s'il s'avère finalement qu'il n'y aura plus de nouvelle musique d'Empathy Test, je vais continuer à tourner sous un nom du genre "Isaac Howlett joue Empathy Test", jouant mes titres solos et les classiques d'Empathy Test. On joue déjà House of Cards en tant qu'Empathy Test. Je suppose que je vais continuer à sortir des morceaux de mon côté jusqu'à ce qu'il y ait plus de mes chansons dans le set que des morceaux d'Empathy Test et à ce moment-là je changerais le nom pour de bon...
De mon point de vue, j'ai évidemment passé énormément d'heures et ai travaillé très dur de mon côté pour faire grandir Empathy Test et je n'estime pas devoir perdre tout ça, dire que c'est fini et repartir de zéro avec un nouveau projet. J'espère progressivement pouvoir évoluer vers ce projet solo, sans rupture. Et les deux autres membres d'Empathy Test qui jouent en live semblent contents de jouer de la musique avec moi, quelle qu'elle soit ! Tout est assez incertain pour le moment mais nous verrons bien. Adam ne souhaite pas non plus se retirer et dire qu'il ne fait plus partie d'Empathy Test. Ça me va très bien de respecter sa position car ce serait le trahir, lui mais aussi les fans.
Tu parles de trahison... Est-ce ce que tu as ressenti en sortant ton premier titre solo ? Ou était-ce un soulagement ?
C'est clairement un soulagement. J'ai travaillé pendant dix ans avec la même personne et nous sommes sur la même longueur d'onde musicalement, j'ai toujours aimé tout ce qu'il a fait de mes chansons. Il est extrêmement talentueux dans ce qu'il fait. Rien que le fait de faire écouter mes démos à quelqu'un d'autre était assez effrayant car j'ai toujours su que je pouvais faire confiance à Adam pour voir le potentiel dans ce que je fais.
C'était aussi effrayant de sortir cette chanson solo car je savais qu'elle serait jugée par rapport à Empathy Test. J'avais beaucoup de pression, j’espérais que les gens l'apprécieraient autant. Je pense que je m'en suis bien sorti. La chanson a bien marché, les gens ont bien réagi, ça fonctionne bien en live donc j'ai au moins un peu plus de confiance en ma propre capacité à sortir de la musique sans Adam. Je ne pense pas l'avoir trahi car je lui ai donné toutes les occasions de travailler avec moi sur ces nouvelles chansons. Je ne pense pas qu'il m'en veuille de sortir des choses en solo. Je pense qu'il ne veut juste pas que je sorte des morceaux en solo sous le nom d'Empathy Test.
Est-ce que le fait d'avoir travaillé seul pourrait t'aider à être plus ouvert à ses propositions ?
Oui, peut-être. Il m'a proposé de m'envoyer des démos pour que j'écrive des chansons à partir de ce qu'il a fait. C'est peut-être comme ça que le prochain album se fera, le temps nous le dira. Ça m'a aussi fait du bien de travailler seul car je suis aussi plus ouvert à la possibilité de travailler avec d'autres artistes désormais. Avant, je n'étais que la voix d'Empathy Test et je ne pouvais rien faire d'autre. Maintenant, les propositions de collaborations se succèdent, ce qui est très sympa. Je dois juste être un peu sélectif.
Quand nous t'avons vu à Paris il y a deux ans, tu étais seul sur scène. Tu semblais très à l'aise...
Oh non, pas du tout ! Je n'avais jamais été aussi nerveux sur scène depuis très longtemps. Je plaisantais pour essayer de me faciliter la tâche !
Est-ce que cette expérience t'a aussi aidé à te lancer seul ?
Oui, je pense, car non seulement j'étais seul sur scène mais j'ai aussi remixé les morceaux d'Empathy Test que je jouais. C'était un peu une expérience pour voir si je pouvais m'en sortir tout seul et ça m'a beaucoup aidé. Avec House of Cards, j'ai été aussi loin que possible tout seul et ai fini par demander à un producteur de faire les finitions.
Daniel Graves d'Aesthetic Perfection est un bon ami à toi. Partages-tu son point de vue sur les tournées ? Il dit qu'il déteste ça !
La grande différence entre Daniel et moi, c'est que j'adore être sur scène ! Apparemment, même s'il semble s'amuser quand il est en live, il déteste ça ! Alors que pour moi, être sur scène est même la raison principale pour laquelle je me suis mis à écrire des chansons. J'ai écris pour pouvoir être sur scène et les chanter ! Peut-être que ça fait de moi quelqu'un d'un peu superficiel, mais ça veut aussi dire que j'adore être en tournée, bien que ce soit effectivement stressant.
Daniel a néanmoins raison quand il dit que c'est devenu très difficile. En 2019, avant la pandémie, tout allait pour le mieux avec Empathy Test, on s'éclatait en tournée. Si je ne dis pas de bêtise, on avait tourné au Royaume-Uni avec VNV Nation puis en Allemagne avec Covenant avant de revenir faire une tournée au Royaume-Uni en tête d'affiche... et d'ensuite partir aux États-Unis avec Aesthetic Perfection. Nous étions sur une bonne trajectoire, on ne faisait que grandir. On gagnait de l'argent pour jouer et tout se passait super bien. Nous avions un album prêt à sortir... et bim ! La pandémie est arrivée et tout a été annulé. On a quand même sorti l'album, bien que certaines personnes nous l'avaient déconseillé. Et puis... plus rien.
Là, on a réussi à monter deux tournées en deux ans mais tout a changé, tout est plus cher et plus compliqué. Des salles ont fermé, les ingénieurs sons locaux ont changé de métier... Je dois avouer que ma forme était aussi au plus bas. Je ne fais pas de sport, mes exercices physiques sont les concerts et les voyages qui y sont associés ! Alors sans ça, j'ai perdu la main peut-être pour la première fois de ma vie et ça a été bien plus dur que je ne l'aurais pensé de m'y remettre.
La tournée que nous venons de faire en Allemagne était super, c'était un nouveau palier pour nous. Par rapport à la dernière fois, nous avons vendu une centaine de places de plus dans chaque ville. Mais cette tournée au Royaume-Uni a été très difficile et nous avons moins venu de places qu'avant... Je pense que le marché britannique a souffert à la fois de la pandémie et du Brexit. Le tourisme a chuté, le nombre de groupes qui viennent d'Europe pour y jouer a baissé, le nombre de groupes qui vont jouer en Europe a aussi baissé... On l'a vu sur certaines dates clés comme Manchester où nous avions manifestement moins de monde que l'an dernier. Forcément, plus on s'élève et plus dure sera la chute, surtout après avoir tourné en Allemagne qui est vraiment le meilleur endroit pour les concerts. En arrivant au Royaume-Uni, j'avais des attentes moins hautes, ce qui a aidé, mais c'est beaucoup plus dur.
Je ne devrais pas dire ça je suppose, mais alors ne reviens pas en France...
Nous avions fait une mini tournée en France. Je crois qu'il y avait eu trois dates et ça avait été très dur. Les distances à parcourir chaque jour étaient vraiment longues. Cela dit, je trouvais que ce n'était pas si mal pour une première venue en France en terme de places vendues car il faut bien commencer quelque part ! Je crois qu'à Paris il y avait quelque chose comme 120 personnes. Je pensais que ça serait suffisant pour nous faire revenir, mais apparemment non. On a travaillé avec deux tourneurs. L'un d'eux ne voulait pas nous faire revenir et l'autre nous proposait uniquement des concerts non payés avec une entrée à prix libre... Des gens nous ont demandé de revenir pour la tournée anniversaire mais on n'a pas trouvé de solution. Il faut toujours trouvé le bon équilibre entre essayer de toucher un nouveau public et rentrer dans nos frais...
Ce soir est le dernier concert de cette tournée. Comment te sens-tu quand tout s'arrête ?
Pour être honnête, je ne suis pas mécontent ! On est tous en train de tomber malade. Ma voix est fatiguée. C'est un soulagement que ça soit la fin. Il nous reste à revenir en Europe et conduire une vingtaine d'heures à travers l'Allemagne et l'Autriche... Je pense que le show de ce soir va être vraiment super parce que Londres est toujours le plus gros concert d'une tournée au Royaume-Uni. Nous aurons beaucoup d'amis et de la famille dans la salle et je serais probablement triste quand tout sera terminé... Mais on n'a pas été chez nous depuis trois semaines et ça commence à faire long, j'ai hâte de retrouver mes chats !
Ah, tes chats ! On se demandait si c'était pertinent de te demander comment ils vont !
Ils vont bien sauf le plus vieux, Xerxes, qui a un cancer. On lui a trouvé une tumeur de quatre centimètres. J'ai vraiment cru qu'il allait mourir pendant la tournée mais, allez savoir comment, il est toujours là. Il est super fort ! Je suis content de pouvoir le revoir à mon retour.
Revenir au Royaume-Uni doit être spécial pour toi. Est-ce que la vie ici te manque ? Ou est-ce que c'est comme revoir ses parents : c'est sympa cinq minutes et ensuite on se souvient pourquoi on est partis ?
C'est un peu ça ! Quand tu es au Royaume-Uni, tu fais avec, tu as l'habitude. Tout est sale et cassé, la plupart des maisons sont humides, sombres et froides, les salles de concert aussi ! C'est un lieu très ancien où tout est vieux et tombe en ruine ! J'y étais habitué. Mais après avoir vécu en Autriche depuis quelques temps... Tu sais, là-bas, ils ont carrément des trains qui sont propres et assez abordables pour que les gens puissent en profiter ! Ici, c'est tellement cher que plus personne ne prend le train. Ça me rendait fou de voir le monde sur les routes pendant la tournée, il y a tellement de voitures... Des centaines de personnes attendent à chaque feu rouge ! C'est fou, il y a trop de monde !
Ça fait bizarre de revenir après être parti parce que je vois tout avec un regard neuf. Je vis à Lintz, qui est une petite ville, et ça me fait un choc de revenir à Londres ou Manchester : je m'y sens stressé et claustrophobe. Mais j'adore toujours autant le sens de l'humour ici ! Je crois toujours que l'humour britannique est très spécial et que nous avons cette capacité à rire de nous et à pousser les blagues aussi loin que possibles, même après qu'elles aient cessé d'être drôles !
Tu es très actif sur les réseaux sociaux. Y prends-tu toujours du plaisir ou est-ce que ça te donne l'impression d'un boulot obligatoire pour rester dans le quotidien des gens ? Quelle énergie tout cela te demande-t-il ?
C'est sûrement la chose la plus exigeante. Je suis un peu dépassé désormais par la quantité de sites différents sur lesquels je dois être présent. Je déteste toujours autant TikTok. A chaque fois que je l'ouvre, je déteste comment ce truc te balance du contenu que tu n'as jamais demandé à voir. Tu l'ouvres et tu te retrouves à voir ces vidéos sorties de nulle part... J'essaye encore d'y trouver mes marques. Je suppose que chaque réseau social exige une voix et un type de contenu différent. J'essaye toujours de trouver le meilleur moyen d'utiliser TikTok. J'avais les pages d'Empathy Test et maintenant j'ai aussi mes pages persos que je dois mettre en avant pour promouvoir ma musique solo...
Je suis plus à l'aise avec Facebook mais les choses évoluent et le public y est aussi beaucoup plus âgé. J'ai remarqué sur cette tournée que l'age moyen de notre public était vraiment assez haut. On est très inclusif et je n'ai bien sûr aucun problème avec le fait que des gens plus vieux viennent à nos concerts... mais ça n'est pas vraiment viable sur le long terme ! On a besoin aussi d'attirer des jeunes mais je ne sais même pas s'ils vont encore aux concerts ! Est-ce qu'ils vont juste voir des youtubeurs ou des stars de TikTok ? Je me souviens d'un concert en Amérique où un artiste britannique jouait dans la salle de l'autre côté de la rue et je n'avais jamais entendu parler de cette personne. Il y avait une file d'attente jusqu'au bout du pâté de maison alors que nous, on devait avoir 50 personnes à tout casser ! Ouais, il va vraiment falloir que je me mette à TikTok...
Je suis un peu accro aux réseaux sociaux. C'est un problème parce que je ne peux jamais vraiment en décrocher, j'en ai besoin pour mon boulot. C'est très épuisant émotionnellement pour quelqu'un comme moi qui est hypersensible aux commentaires des gens. Si quelqu'un me dit un truc méchant et débile, je vais me dire "ouais, c'est méchant et débile"... puis, une heure plus tard, je serais encore là, à ressasser ce qu'il m'a dit. Je repense à l'injustice de ces remarques et ça tourne en boucle dans ma tête... Pourquoi est-ce que je perds autant d'énergie là-dessus ? Je ne peux pas m'en empêcher... C'est assez difficile car on doit utiliser ces trucs pour notre travail mais ça a aussi un impact émotionnel sur nous.
Et comment définis-tu une frontière entre tout ce que tu partages et ce que tu gardes pour toi ? Tu es assez spontané et parles beaucoup de tes doutes, de ce qui te rend heureux... N'as-tu parfois pas peur que des gens dépassent une certaine limite et deviennes trop amicaux ou intrusifs ?
J'essaye de garder ma vie personnelle et familiale séparée tout en parlant de mes sentiments envers ma musique et ce que je mets dans les chansons. J'essaye de maintenir une certaine distance. C'est parfois difficile quand la famille est aussi sur les réseaux sociaux, vient aux concerts et fait ami-ami avec les fans ! C'est parfois un peu étrange et difficile à gérer quand par exemple ma mère vient au concert à Londres et que certains fans veulent la rencontrer car ils la voient comme une extension de moi. Elle, elle est contente de faire ça, mais à moi ça me semble un peu trop notamment parce qu'autant je fais attention à ce que je dis sur les réseaux sociaux, autant ma famille ne le fait pas forcément. Ils n'ont pas les mêmes raisons de retenir certaines choses. Ça a été assez dur à gérer pour moi. Mais notre niveau de popularité n'est pas non plus délirant. J'imagine que ça doit être bien plus compliqué pour les gens plus célèbres...
Et comment vis-tu le fait d'avoir constamment l'avis des gens ? Est-ce une chose que tu attends de leur part, ou aimerais-tu parfois ne pas toujours entendre les retours de tout le monde et garder certaines choses un peu "à toi" ?
C'est globalement impossible pour moi car je lis chaque commentaire. C'est compliqué parce que tout ce qui fait fonctionner les réseaux sociaux est justement l'engagement. Daniel Graves est très fort à ça, d'ailleurs. Il arrive à créer des discussions et des débats et a dû supporter des commentaires très négatifs. Je crois qu'il s'est fait une carapace et il peut désormais balancer une bombe, s'en éloigner et seulement revenir occasionnellement s'en mêler. Je dois travailler un peu plus dur là-dessus pour amener les gens à interagir. Je dois donc leur répondre. Mais nos fans sont très sympa. Je n'ai des commentaires négatifs que très occasionnellement... mais ils semblent tellement plus forts que tout le reste, on n'entend qu'eux ! Tu peux avoir cent messages positifs et un mauvais et c'est celui auquel tu ne pourras pas t'empêcher de repenser.
Tu peux alors en faire un tee-shirt, comme avec la phrase "Real gothics are disgusted" !
Exactement !
Ta musique est un équilibre subtil entre la danse et les larmes. Quand tu dois chanter en live, te replonges-tu facilement dans l'humeur des chansons ? Y a-t-il des soirées plus difficiles que d'autres, quand tu es plus triste que d'humeur dansante ? Ou est-ce que tu as toujours envie de danser ?
Je ne revis pas vraiment les émotions des chansons pour être honnête, ce qui est peut-être surprenant pour certains car on me dit souvent qu'il y a beaucoup d'émotion dans ma voix... J'imagine que c'est juste une performance pour moi, une interprétation. J'essaye de les chanter de manière à retranscrire les émotions mais je ne suis pas non plus complètement dedans. C'est peut-être pour ça que nos concerts dégagent une énergie assez stimulante. Je fais des blagues entre les morceaux et j'essaye de m'amuser, ce qui est peut-être inattendu pour ceux qui nous voient pour la première fois. Il y en a qui doivent s'attendre à ce que je sois super malheureux !
Je me souviens à nos débuts, après un de nos premiers concerts, quelqu'un m'a envoyé un mail pour se plaindre que je parlais au public et que j'allais même jusqu'à le remercier ! Apparemment, ils auraient voulu que je reste distant, que je n'ai pas d'échange avec le public parce que j'aurais dû être cet artiste torturé qu'ils avaient imaginé en écoutant les chansons. Alors qu'en fait, plus le temps passe, plus je m'amuse avec le public ! J'imagine que cette personne a abandonné depuis le temps ! Je n'ai jamais eu d'autres plaintes à ce sujet. Je n'aime vraiment pas quand je vais voir un concert et que le groupe ne parle pas au public. Tu as envie qu'ils échangent ! Je pense que c'est ce qui fait un bon concert : les meilleurs sont ceux où le public et les artistes se nourrissent les uns des autres. Si l'on ne brise pas ce mur qui nous sépare, le public ne peut pas s'impliquer dans le show de la même manière.
C'est assez bizarre comme parfois on a envie que nos artistes souffrent !
Oui, et j'ai souffert ! J'ai souffert. Et puis après, j'en ai fait une chanson. Et après, je pars en tournée pour m'amuser, voilà. J'espère que les gens ne sont pas déçus ou repoussés par ça ! Mis à part ce mail, je ne me souviens pas que des gens s'en soient plaints. D'habitude, ils disent qu'ils ont passé un bon moment ou que je les ai faits rire entre les chansons... Je ne pense pas que Robert Smith soit si torturé, il est juste timide et très humble !