D'abord une très belle surprise, KLOAHK s'est imposé en seulement deux EPs comme un projet cohérent, passionnant et aux épaules solides. V E R S O 2 est sorti il y a quelques jours, et c'est un de nos gros coups de coeur de ce début d'année (chronique). Le rock industriel tout en douceur et rage contenue du multi-instrumentiste Paul Prevel s'est trouvé une identité forte dont l'artiste nous touche quelques mots. Pour en savoir plus son univers et ses projets en cours, ça se passe ci-dessous.
Avant de lancer KLOAHK, tu as joué dans plusieurs groupes. Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer en solo ? Quel a été le plus gros défi pour toi ?
KLOAHK est un aboutissement de projet qui a lui-même souvent été mis à l’arrêt sous différents noms. En parallèle des quelques groupes dans lesquels j’étais (TRICKSTERLAND, LOKI LONESTAR, FROG INVADERS…), je voulais monter mon groupe et faire quelque chose avec ma petite équipe à moi. La plupart du temps, je me rendais compte que ça ne me représentait pas. D’ailleurs, initialement, ça ne devait pas être moi le chanteur… Mais un jour, Étienne du groupe SHAÂRGHOT m’a secoué très fort (au sens propre) et m’a hurlé "Il faut que tu chantes !!!"… C’est ce qui a déclenché le déclic dans ce projet. En termes de défis, incarner la voix principale était vraiment quelque chose qui m’a demandé de l’exercice. J’ai essayé d’apprendre en catastrophe et à la fin ça a donné quelque chose qui me correspondait pleinement. C’était moi, quoi ! J’avais toutes les cartes en main et c’était ça qu’il me fallait. Cela dit, je tiens à évoluer dans cette voie. Voir un peu plus de personnes et en apprendre davantage. J’en connais un qui doit bien se marrer aujourd’hui en voyant ce qu’a engendré son conseil !
Tu as développé tout un univers visuel autour de KLOAHK. Peux-tu nous le présenter ?
Je voulais vraiment mettre en image un côté oublié pourtant pas si loin de notre réalité. Il me fallait quelque chose de limite obsolète ou abstrait. Je commençais à bidouiller des trucs avec une caméra et avec mon frère, qui m’aide énormément sur les images, et on sentait qu’il manquait quelque chose. Un cadre… une contrainte… un support. Mon frère m’a parlé d’un de ses projets vidéo et ça m’a immédiatement donné l’idée qu’il manquait. Le soir-même on avait publié des annonces pour récupérer toutes les télévisions cathodiques qu’on pouvait trouver, on a sorti des vieux cartons remplis de cassettes et on s’est procuré une caméra VHS des années 80. Ce visuel, c’est la contrainte qui fait ce que KLOAHK est. C’est ce dans quoi ce petit monde vit et c’est ce qui le rend si lointain et proche à la fois. Et quelque part, il y a un petit message… on a fait un clip vidéo et une identité à partir de ce que les gens jettent.
Qui est ce personnage maquillé et inquiétant que tu incarnes ? A-t-il une histoire ? Il semble effrayant alors que ton chant a quelque chose de presque rassurant.
Ce personnage c’est celui qui s’est auto nommé KLOAHK. C’est un personnage qui vit de l’autre côté des écrans. Il est l’incarnation des images qu’on regarde… Sauf que là, c’est elles qui nous regardent. Mais il demeure qui il est : une trace sur la bande magnétique d’une cassette qui n'est plus de notre époque, oubliée et remplacée par la nouvelle technologie. KLOAHK est un personnage du passé mais il vit bien dans notre présent. La bande magnétique étant abimée, il a perdu ses couleurs pour une peau blanche et ses yeux sont ceux d’un écran éteint depuis trop longtemps. S’il a décidé de s’appeler KLOAHK, c’est parce que c’est le premier bruit qu’il entend avant de revenir à l’image. Le "cloac" d’un clapet de magnétoscope. C’est un simple bruit qu’il a traduit comme étant un appel.
Qu'est-ce qui t'attire tant dans l'analogique, les cassettes, les magnétoscopes qui sont omniprésents dans ton projet ?
Ce sont des objets précieux qui ont vécu. Ce sont des choses qui me touchent et qui me plaisent visuellement. Leurs bruits, leurs sons, leurs grains… Et puis chercher des objets de ce type amène souvent à rencontrer des gens sympathiques. Je pense à telle personne pour cette télé et à une autre pour ce magnétophone. Parfois ils me racontent leurs histoires… il y a un côté chasse aux trésors qui me plait quand il s'agit d'en trouver davantage. Que ce soit l’objet en lui-même, ce qu’il contient, et la façon de se le procurer… tout m’attire dans ce domaine. Seulement voilà... c'est rare d'en trouver en état de marche... j'en suis déjà à ma troisième caméra VHS.
Parlons un peu de ton deuxième EP. Avec les sons de cassettes qui reviennent tout le long, il y a une vraie cohérence qui se crée sur la durée, et Once Upon a Story se démarque tout particulièrement en conclusion...
Once Upon a Story est effectivement très particulière pour moi. Je l’ai composée avec mon frère sur l’épaule au détour d’un mois entier à écouter NINE INCH NAILS. J’imagine que ça se ressent un petit peu. Elle crie au feu et tease un peu ce qu’il va se passer pour la suite, à savoir le V E R S O 3 sur lequel je suis en ce moment où je compte cultiver ce côté bruitiste et déstructuré que présente ce dernier morceau.
Sur le premier morceau, tu chantes en français, et sans que ça soit scandé, distordu, ou crié, ce qui est assez rare dans ce type de musique. Qu'est-ce qui t'a poussé à t'y risquer ? As-tu des influences dans la chanson française grand public ?
Pour être totalement franc, je l’avais initialement écrite en anglais ! Mais il y avait cette envie de tenter le français… On voulait prendre un petit risque et s’aventurer sur quelque chose que je n’ai jamais expérimenté. On m’a souvent dit d’essayer le français, et j'ai plutôt été contre cette idée. Quand j’étais en train de peaufiner les petits réglages de fin de cette musique je me suis dit que c’était peut-être sur celle-ci qu’il fallait tenter le coup. J'avais effectivement très peur de la façon dont elle pouvait être prise par un auditeur, mais plus je l'entendais et plus je me sentais prêt à la défendre. En termes d'influences, c'est compliqué... pendant longtemps j'ai été un peu hermétique à la langue française. Sauf rares cas... Puis mon frère a un peu ouvert mes chakras avec des trucs qu'il écoute et qu'il fait en termes de son !
V E R S O 2 sonne plus mélancolique, plus "doux". Il n'y a pas de titre agressif comme Freaky Boy. Est-ce le visage que tu souhaites conserver à l'avenir pour KLOAHK ?
Il y a un contraste important que je veux instaurer, c’est le rapport d’une voix douce ponctuellement forte sur une instrumentation qui peut partir dans le bruitisme ou accompagner la voix avec une nappe sonore plus harmonieuse. J’ai très envie de jouer sur ce côté sonore bipolaire ! Ce qui peut en faire quelque chose de plus doux mais pas nécessairement plus tendre. Ici les émotions sont axées sur autre chose. Surtout que c’est un EP de confinement, l’agressivité est plus étouffée et claustro mais elle est bien présente. Étant donné que le V E R S O 1 était un peu une sélection de titres composés sur une longue période, un changement dans l'approche du son devait forcément se ressentir. Je compte bien néanmoins retourner sur des choses avec un rythme plus soutenu à l'avenir.
Et d'ailleurs, on parle du verso de quoi ?
À vrai dire, le "verso" vient de "verset". Ce V E R S O 2 n'est pas une face cachée du 1 mais sa continuité. Initialement cette histoire de continuité et de format court était pour expérimenter des choses et me trouver un peu dans le son que je veux faire. Je ne voulais rien graver dans le marbre. Puis, peu à peu, ça a pris beaucoup de sens pour moi et pour l'histoire que KLOAHK raconte sur la personne qu'il est dans le V E R SO 1 puis de son état d'esprit dans le V E R S O 2.
Penses-tu continuer avec ces formats courts, ou envisages-tu un jour de sortir un album plus long ?
Tant qu’il y aura des VERSO, ce sera court. J'aimerais beaucoup pouvoir sortir un album mais je crois que je prends goût à ces petits formats. J'aime bien cette idée à condition que le délai de sortie entre deux EP se retrouve réduit.
Travailles-tu sur d'autres projets en parallèle dont tu pourrais nous parler ?
Au-delà des remixes en cours qui ont été publics, depuis quelques temps je travaille la composition avec SHAÂRGHOT sur quelques titres de sa prochaine galette ! Je trouve ça assez dingue qu'on me laisse, moi, faire des trucs avec un groupe comme celui-là... on m’a d’ailleurs laissé glisser ma voix sur un morceau. Sinon je ne suis que sur KLOAHK en ce moment. Depuis la crise sanitaire je me suis vraiment enfermé pour préparer la sortie du V E R S O 2 (trop longue à mon goût) pour ne pas tarder et enchaîner correctement sur le V E R S O 3 et ainsi ne pas mettre autant de temps entre les deux premiers.
Merci ! Est-ce qu'il y a un truc dont tu aimerais parler et qu'on a oublié ?
Non, juste merci infiniment à verdammnis d'être là et merci de m'avoir donné la parole… Ah…et… euh… si je peux en profiter pour faire une annonce : s’il y a des lecteurs qui veulent se débarrasser de leur matériel audio vintage… JE SUIS LÀ !!!