La tournée The Black Procession a réuni les groupes Machine Head, Hatebreed et Bleeding Through le 6 février dernier au Zénith de Paris . Il s'agissait de la première tournée en tête d'affiche de Machine Head depuis la sortie de leur dernier album-studio The Blackening (2007) et aussi de la dernière avant que le groupe ne retourne en studio d'enregistrement pour composer son successeur. Rencontre avec Adam Duce, bassiste du groupe.
Tourner fait indéniablement partie de Machine Head et vous réalisez en ce moment même votre première tête d'affiche depuis longtemps. Comment te sens-tu par rapport à cela ?
Adam Duce : Fatigué ! (rires) On joue une heure 45 comparé aux 45 minutes qu'on fait habituellement lorsqu'on est l'une des premières parties. Mais c'est aussi agréable parce qu'on peut jouer des titres qu'on a pas joués depuis longtemps. Quand tu ouvres pour un groupe, tu essayes plutôt de t'améliorer scéniquement et techniquement, tu essayes d'exploiter au maximum la situation. Étant donné que le public est majoritairement composé de personnes qui ne t'ont jamais vus auparavant, tu fais ton possible pour attirer leur attention et leur intérêt afin qu'ils reviennent te voir la prochaine fois. Et, c'est ce qui semble être en train d'arriver pour notre cas grâce aux divers ouvertures qu'on a eues l'opportunité de faire ces dernières années avec Metallica notamment.
Tourner c'est aussi une routine où tu passes des heures à attendre. Mais une fois sur scène, vous explosez complètement. D'où vient ce dynamisme ?
Adam Duce : De la musique ! ... Et des fans aussi. En fait, c'est une combinaison des deux. Tu oublies tout une fois sur scène. Tu te focalises sur le feeling uniquement. Tu ne réfléchis pas, tu ne fais que ressentir l'énergie que la musique impulse à l'intérieur de toi, puis tu la communiques aux autres. Notre passion de la musique est la clé.
Concernant vos albums, vous insistez souvent sur le fait de ne pas vouloir faire deux fois le même. C'est pourquoi vous changez constamment de style. A quoi peut-on s'attendre pour le successeur de The Blackening ?
Adam Duce : On a quelques idées, mais qui sont encore très floues. Rien de précis ni de concret n'a été fait pour le moment. On va retourner au studio d'enregistrement et commencer à écrire après cette tournée. Il faut qu'on discute et qu'on décide ensemble de ce qu'on veut et ne veut pas faire, de ce qu'on aimerait et n'aimerait pas faire, et voir comment tout ça va prendre forme. On a aucune chanson à présenter pour l'instant, on a quelques idées de chansons, quelques riffs, que de simples bases encore très vagues. Donc, je ne peux pas te dire de quelle manière il se différenciera de The Blackening. Pour tout t'avouer, on s'est vus, on a parlé et échangé des idées une seule fois avec les autres (rires).
D'ailleurs, The Blackening a reçu d'excellentes critiques. Ressens-tu une certaine pression ?
Adam Duce : hum... (rires) Et voilà encore la pression ! Il n'y aucune pression, sincèrement. Dès le premier album Burn My Eyes, on a essayé de nous mettre la pression. A cette époque, on était beaucoup plus jeunes et beaucoup moins expérimentés mais on était assez intelligents pour deviner ce que l'industrie de la musique exigeait et attendait de nous. On a essayé de manipuler tout ça au lieu de faire de la musique que nous aimons, pour ce qu'elle est et nous apporte, on s'est attirés pas mal d'ennuis à écouter toutes ces merdes.
Vous n'écoutez pas les critiques ?
Adam Duce : Non. Mais c'est toujours sympa de lire des articles aussi élogieux que celui-ci (il me montre un article posé sur la table) qui dit que The Blackening est l'album de l'année et de la décennie. Mais je ne ressens personnellement aucune pression et je pense qu'aucun des membres ne ressent de pression. Notre passé y joue beaucoup comme je t'ai expliqué. Ce qu'on fait et fait de mieux est de créer de la musique qui nous rend heureux, fiers et qu'on pense qui botte le cul. C'est notre formule, notre guide spirituel et artistique. Ça a toujours été comme ça et ce le sera toujours. On est pas prêts de changer sur ce point-là. Ce qu'on recherche à obtenir avec le musique fonctionne très bien donc on a pas à se soucier de ce que les autres disent.
Donc vous ne réfléchissez pas vos albums, vous composez ce que vous ressentez. Mais si un autre ne ressent pas la même chose, qu'est-ce qui arrive ?
Adam Duce : D'une certaine manière, je pense que ça rend les choses peut-être plus faciles et certainement plus intéressantes. Ça dépend de plusieurs choses en fait étant donné que différents facteurs rentrent en ligne de compte (il s'arrête net). Tu entends ça ? (Machine Head est scandé dans le Zénith) Mandah : Oui bien sûr. Et qu'est-ce que ça te fait ? Adam Duce : C'est génial de voir que tu déclenches des réactions passionnelles comme celle-là. Hum... Donc oui, ça arrive souvent qu'on ne soit pas d'accords mais on fait en sorte de s'en sortir rapidement, et que ça plaise à tous. On fait des compromis. Mais la vie est faite de compromis, on en fait souvent dans n'importe quel niveau que ce soit. Ça fait longtemps qu'on bosse ensemble, qu'on forme un groupe, une unité, mais on est aussi des individus à part entière donc forcément il nous arrive d'avoir des points de vue complètement différents et ... (il s'arrête de nouveau, Rob Flynn et Dave McClain rentrent dans la loge). Désolé, j'ai perdu le fil de la conversation. Mandah : Idem (rires).
Vous filmez tous vos concerts, vous avez beaucoup d'images. Comptez-vous sortir un DVD ?
Adam Duce : Oui on a beaucoup d'images comme tu peux le voir (il me montre la caméra du doigt). On va probablement sortir un DVD cette année ou du moins avant la sortie de notre prochain album. Sa sortie dépendra du temps que ça prendra pour monter tous ces plans et images. Mais oui, ça fait partie de nos projets à venir.
Quelle est, selon toi, la plus grande force de Machine Head ?
Adam Duce : (longue attente) Il y a un flow naturel, une certaine aura qui va de soit dans nos chansons que je ne perçois pas chez les autres groupes. Je ne veux pas mettre tout le monde dans le même sac mais je pense que nous, on se concentre davantage sur ce qu'on ressent comparé à "oh putain ! ce riff est génial !" ou "ça, ça doit être placé ici, et ça là" tu vois ? On fait davantage confiance à nos sentiments. On a un rapport particulier avec la musique, libérateur pas calculateur. Notre plus grande force est donc la manière dont nous percevons la musique.
Et votre plus grande faiblesse ?
Adam Duce : Sans doute notre obstination à en faire qu'à notre tête, à vouloir faire primer notre particularité individuelle par rapport à un autre membre. On s'entend tous très bien mais on est également tous très têtus et je pense que c'est la plus grande faiblesse du groupe.
De Burn My Eyes à The Blackening, comment as-tu évolué personnellement. En tant qu'adulte, de quelle manière perçois-tu ton évolution ?
Adam Duce : C'est une très bonne question. Comment je perçois mon évolution en tant qu'adulte ? Je suis toujours cette voix à l'intérieur de moi, j'écoute mon c?ur, mes sentiments. Ce qui est bien, selon moi, est toujours dicté par ce que dit cette voix. C'est ce que je faisais quand j'étais gosse. Elle est ma plus grande directive. Tu sais, j'ai grandi dans un environnement pas très sain, je ne dis pas que personne ne fait face à ce genre de problèmes étant jeune mais ç'a été très dur. Quand j'ai eu 11 ans, j'ai été placé dans une Reform School (une institution pénale pour adolescents), les années suivantes j'en ai fait plusieurs consécutivement, puis une cure de désintoxication, j'en passe et des meilleurs. De mes 11 à 18 ans, je n'ai pas habité avec mes parents. Je n'avais aucune personne de confiance dans mon entourage, personne pour me dire ce que je devais faire, qui je devais être et ce qu'était la vie. Chaque chose que je devais faire face était analysée par cette voix. Parce que les sentiments sont authentiques et ne mentent jamais. A partir de cette interaction intime, tu sais ce qui est bon pour toi donc tu suis ses dires, ça marche de la même manière que les street smarts (intelligence naturelle qui vous aide à vous en sortir même dans les situations difficiles). En tant qu'adulte, je suis toujours cette même règle parce que personne ne me connaît ou sait ce qui est bon pour moi aussi bien que moi-même. De la même manière que personne ne te connaît ou sait ce qui est bon pour toi aussi bien que toi-même. La voix à l'intérieur de toi va toujours te mener dans la meilleure des directions possibles alors que ce qu'il te dit lui (il pointe du doigt Erick qui prend des photos) sera un putain de ramassis, ou alors tu analyses ses dires et tu vois si ça correspond à tes envies.
Es-tu fier de ce que tu as accompli ?
Adam Duce : Oui, je suis fier de ce que j'ai accompli sur le plan professionnel avec le groupe et sur le point personnel également. La plupart des gosses avec lesquels j'ai grandi et évolué, de mes 15 à 18 ans, ne s'en sont pas sortis. Sur les 18 enfants, seuls 2 ont réussi, 2 dont moi et j'en suis extrêmement fier.
Et qu'est-ce qui maintient la colère que vous exprimez en musique ?
Adam Duce : On aime continuer à défier la norme et l'opinion publique. On aime toujours exprimer ce qu'on pense être bien. Ça fait fait indéniablement partie de nous. Je ne crois pas qu'il y ait une pénurie de rage qui émane de cette période sombre de mes 11 à 18 ans. Cette putain de période a été une très grande source d'inspiration et de haine, et je pense que ça le sera pour une très longue période encore. Ça fait toujours un bien fou de pouvoir jouer tous les soirs et extérioriser cette tension (rires). Et, le Metal va de paire.
Cette époque t'influence donc toujours.
Adam Duce : Hum... Je pense que chacun d'entre nous prend un peu de ça avec lui. Les choses qui t'arrivent et auxquels tu dois faire face font qui tu es aujourd'hui. Quelle que soit cette chose, elle détermine la façon dont tu réagis aux autres choses. Je pense que oui, je dois certainement puiser mon inspiration dans mon enfance mais aussi dans les années qui ont suivies, de mes expériences et de ce que j'ai dû faire affronter tout au long de ma vie. Tu assembles tout ces aspects et tu obtiens qui tu es à cet instant précis.
Oui je vois. Je te remercie.
Adam Duce : De rien, c'est moi qui te remercie. Amuse-toi au concert.