Vous jouez dans même pas une heure. Comment vous sentez-vous avant le concert ?
Remzi Kelleci : Ah, comme d'habitude, je suis super stressé. Je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours l'impression qu'il va se passer quelque chose, qu'on va avoir des galères des trucs comme ça... Après, ça peut être du bon stress à la limite, mais j'appréhende toujours. Même si après, une fois sur scène, je déconnecte complètement. J'entre comme dans un état d'hypnose, bien aidé par les bières qu'on se descend avant, je dois l'avouer ! C'est ce qui me permet de perdre ma timidité naturelle... Mais je te parlais d'imprévus, par exemple tu vois : aujourd'hui, il nous manque un guitariste ! Il est resté coincé en Inde à cause des inondations ! J'espère que le public sera indulgent.
Aurais-tu des anecdotes de galères dans le genre à partager ?
Christophe Mydryase : Plus que des galères !
Remzi Kelleci : Ah mais la dernière tournée américaine qu'on a faite, je ne pourrais même pas tout te décrire... C'est vraiment un miracle qu'on soit en vie ! Après avoir joué à Denver, on se retrouve avec un problème de bagnole vers Albuquerque. On arrive à réparer le truc, donc on continue avec notre épave... Une fois arrivés à Los Angeles, on perd une roue. Je sais pas où elle est passée, on l'a perdue ! On va voir des copains là-bas qui nous arrangent un petit truc, et après quelques kilomètres on tombe en panne. Y'a plus de batterie, plus de moteur, y'a plus rien ! On commande une espèce de remorque, qui en route rentre dans une autre voiture... Au final, on a trouvé une autre bagnole mais je n'avais plus de place, alors j'ai fait 3000 kilomètres enfermé dans le coffre, dans le noir. le groupe qui ouvrait pour nous a explosé parce que le chanteur a embrassé sur scène une choriste, qui a porté plainte pour viol... Bref, c'était un peu le bordel.
Dans la dernière interview que tu nous avais accordée, tu parlais de tes difficultés à monter un line-up. Ça va mieux aujourd'hui ?
Remzi Kelleci : Là ça va mieux, oui. Bon, on a toujours ce guitariste coincé en Inde... Sinon Yohann est le deuxième guitariste, Christophe qui est mon beau frère accompagne le projet depuis toujours, que ce soit sur scène ou en faisant des photos pour OBSZÖN GESCHÖPF, etc... Et de temps en temps un pote vient nous dépanner aussi.
Christophe Mydryase : En fait on se relaie entre nous. Par exemple moi je n'ai pas fait les Etats-Unis, mais j'ai fait la tournée en Europe. C'est sur demande, selon les besoins : j'ai su la semaine dernière que je jouerai ce soir ! Dans le genre galères, le gars coincé en Inde c'était aussi notre chauffeur normalement ! Du coup je dois conduire, mais ça m'emmerde j'avais prévu de picoler. Au pire on dormira sur le parking ce soir !
Remzi Kelleci : On n'a peut-être pas un line up fixé, figé, mais là on est bien. Je m'y sens bien, à l'aise, je suis confiant. Bon, j'ai un petit scoop : il est possible qu'on ait Raymond Watts de KMFDM qui nous rejoigne pour jouer de la basse, ça serait cool ! C'est sûr seulement à 80% pour le moment...
Depuis Highway Of Horrors, j'ai l'impression que tu mélanges un peu tous les genres auxquels tu as pu toucher par le passé, après t'être orienté de plus en plus vers le metal...
Remzi Kelleci : C'est simple en fait, c'est selon mes humeurs. Pour chaque période, j'ai mes inspirations du moment. Et donc ça peut aller du hip-hop des années 90, comme sur 'Symphony Of Decay' à l'italo-disco et l'eurodance de la fin des années 80 ! C'est le cas en ce moment, donc Vault Of Nightmares sonne un peu plus EBM aussi que Highway Of Horrors, mais ça se trouve dans quelques mois je vais sortir un truc totalement différent, on ne sait pas... Je n'avais pas spécialement l'idée de faire une synthèse de ma carrière, ce n'est jamais calculé ces choses-là. Si je ne le sens pas, je ne le fais pas.
Donc même si tu dis qu'il s'agit peut-être de ton dernier album, tu ne voulais pas faire une sorte de passage en revue de tout ce que tu as fait par le passé ?
Remzi Kelleci : C'est vrai que pour les 15 ans du groupe, je voulais quand même un peu faire le point. Je voulais sortir un bel objet pour marquer le coup. Du coup on a fait un coffret avec plein de trucs jamais sortis. C'est peut-être plus dans cette démarche de ressortir quelques vieux morceaux qu'on peut y voir une synthèse, forcément ! Bon, ça a plus ou moins eu du succès visiblement...
Malgré les évolutions du son d'OBZÖN GESCHÖPF, ton style reste identifiable immédiatement. Quels sont les ingrédients qui font ta musique ?
Remzi Kelleci : Le truc c'est que je ne vois pas vraiment de définition propre pour le son d'OBSZÖN GESCHÖPF. Et pourtant, c'est vrai que tout le monde me dit à chaque fois qu'on peut reconnaître OBSZÖN entre mille, même quand je change parfois radicalement de style, que ce soit à mon époque metal, dark-electro, EBM, etc... Je pense que c'est peut-être lié à l'histoire du groupe en fait, que j'aime voir comme une bande-son de film d'horreur. Le film d'horreur que j'aurais toujours voulu réaliser tu sais, ces trucs très années 70-80. Je n'aime pas trop tout ce qui sort maintenant, l'ambiance, la qualité de l'image... Même ROB ZOMBIE que j'ai beaucoup samplé sur l'album Tomb Of The Dead, à part La Maison des 1000 Morts et un petit peu The Devil's Rejects, je n'ai pas plus accroché que ça. Je n'ai pas retrouvé le grain qu'il y avait dans les années 80.
Christophe Mydryase : C'est difficile de retrouver la même ambiance. Il y a plein de choses que l'on perd sans les bandes-son qu'ils avaient à l'époque.
Remzi Kelleci : Bon, je n'ai pas encore vu The Lords Of Salem, mais on ne m'en a dit que du mal...
Christiphe Mydryase : Ah, je le regardais encore la semaine dernière ! C'est une grosse référence à Polanski, Rosemary's Baby, La Locataire, et aux films des années 70. Et puis la bande-son de JOHN 5 est vraiment pas mal.
Quand tu dis années 70 / 80, tu es plutôt giallo, slasher, ou délires gores rigolos ?
Remzi Kelleci : Tous ! Justement, si je continue à produire des disques je compte faire un EP qui s'appellera Master Of Giallo. C'est un défi que je me suis donné, faire comme une espèce de bande originale de films de cette époque. Fabio Frizzi, le compositeur qui a beaucoup travaillé avec Lucio Fulci fait partie de mes dieux ! Dans mon optique, l'EP serait un mélange entre du Fabio Frizzi, Claudio Simonetti de GOBLINS et JOHN CARPENTER. Tu vois, ces sons électroniques... D'ailleurs j'essaye de me choper tous les vieux sons des années 80, les émulations, tout ces trucs là, mais ce n'est pas si facile à trouver. Bon, je connais les PERTURBATOR et compagnie, mais c'est pas encore ça. Quand t'entends le disque de JOHN CARPENTER tu te rends compte que le mec c'est un magicien. Et Simonetti c'est LE gars des BO des années 80 !
As-tu déjà prévu d'autres EP dans ce genre, très orientés cinéma ?
Remzi Kelleci : En fait, je me suis même projeté jusqu'en 2020, c'est te dire si j'ai tout prévu ! Si ça continue à marcher, je sors l'EP Master Of Giallo, et après j’enchaînerai avec un EP sur Jack l’Éventreur, contenant six morceaux, pour chacun de ses meurtres. Même si il n'a officiellement commis "que" cinq meurtres,il y en a un sixième qui n'est jamais rentré dans l'histoire et qui est aussi de lui. Après tout ça, j'aimerais bien essayer de faire un EP sur un hôtel un peu diabolique, genre Psychose et les trucs comme ça. Et enfin, sortir un disque sur un camp de vacances, comme dans les films genre Vendredi 13. Je ne pense plus faire vraiment d'albums, mais plutôt des mini albums, des formats plus courts et efficaces, comme on pouvait trouver dans les années 80 avec des groupes de thrash, où tu avais 7 ou 8 morceaux, ça faisait 40 minutes mais ça décollait à fond. Ces EP seront vraiment très axés sur le cinéma, plus encore que mes albums.
Et ces EP, envisages-tu aussi de les sortir physiquement ?
Remzi Kelleci : Je ne vois pas une autre façon de faire. Si je dois arrêter de sortir mes disques physiquement, j'arrêterais. Sortir un truc en digital, pour moi, c'est comme si je lançais mon argent dans le vide parce que je ne vois pas l'objet, j'ai l'impression qu'il n'y a rien si je n'ai pas le support. Genre "t'as fait quoi ? - bah, j'ai fait un truc sur inernet". Tu vois ce que je veux dire ? Bon, je suis très old-school dans ma tête, je ne sais même pas me servir de mon téléphone portable ! Mais plus sérieusement, je vois pas à quoi ça sert, à part faire plaisir aux gens gratos... Et puis je suis quelqu'un de très collectionneur, j'aime bien avoir ma bibliothèque avec mes objets dedans, et je ne conçois pas ça autrement. Je ne vois pas l'intérêt de prendre du plaisir à écouter un truc en ligne. Tu le fais pour faire des recherches, découvrir de nouvelles choses, c'est génial... Mais si t'aimes vraiment tu achètes le disque et comme ça tu peux dire "hey regardez, je l'ai" !
Donc on retrouvera toujours ces artworks très travaillés ?
Remzi Kelleci : Si je peux le faire, je le ferai oui ! Au départ je travaillais avec un artiste autrichien depuis Erection Body Mutilated, mais là pour le coffret j'ai demandé à un américain. C'est lui qui fait toutes les pochettes de groupes de death genre SIX FEET UNDER, MORTICIA, OBITUARY et tout ça. C'est le meilleur. Bon, il est cher mais t'as la qualité ! Et puis je compte faire un tee-shirt inspiré du morceau Rue Morgue Creature. Il sera un peu comme Les Contes de la Crypte, avec moi dans le rôle du Gardien, habillé en chirurgien, avec mes outils pour opérer et une tête de fille aux yeux ouverts, et plein de sang !
Si comme tu le dis parfois tu devais t'arrêter là, pour telle ou telle raison, qu'est ce que tu retiendrais de ta carrière ?
Remzi Kelleci : Je serais frustré. On a pas mal bu, mais c'est passé tellement vite ! Franchement, je regardais quelque part je me suis retourné et voilà, 15 ans étaient passés. Je ne comprends pas. Je me dis à la fois qu'on a fait pas mal de choses, mais en même temps c'est quasiment toute ma vie. C'est la moitié de ma vie. Et je n'ai aucun regrets, même si j'ai fait des mauvais choix, notamment les personnes qui m'accompagnaient. Au niveau des musiciens comme des labels, j'ai été trop naïf à mes débuts. Mais je ne regrette pas, je le referais même ! Si j'avais la santé bien sûr ! Je continue parce que j'ai toujours considéré OBSZÖN GESCHÖPF comme mon travail, même si je mixe parfois dans des soirées et tout, ce groupe est mon vrai travail, je suis auto-entrepreneur. Et c'est ma vie. Je préfère manger des cailloux mais vivre cette vie qu'être riche et malheureux.
Quelque chose à ajouter ?
Remzi Kelleci : Il faut vivre la musique, continuer à soutenir les groupes et les associations. Là tu vois c'est génial, on joue dans un coin paumé et pourtant des gens se sont déplacés pour nous voir et ça c'est génial, ça fait super plaisir !