C'est après son concert parisien à La Cantada, dans la nuit du 31 octobre au premier novembre, que DNA, l'homme derrière Polichinel, nous a accordé une longue interview. Il revient pour nous sur l'actualité de Polichinel et la radicalisation de son projet atypique, entre electro-indus baroque et hip-hop aux textes chuchotés, mais aussi sur le passé et l'avenir. Artiste complet, il évoque aussi son livre en cours d'écriture, le film sur lequel il travaille, et bien sûr, ses marionnettes, toujours présentes.
Tu avais déjà accordé une interview à Verdammnis il y'a trois ans et demi, à l'époque de la sortie de 'Face B - Le Secret', ton deuxième album. Depuis, tu en as sorti cinq, peux-tu nous parler de l'évolution de Polichinel ?
Polichinel a beaucoup évolué, tout simplement car la vie évolue. Il y'a eu une rupture dans ma vie après la sortie de 'Le Secret', quelque chose de personnel très important et plutôt grave. A l'époque j'avais un groupe de cinq musiciens, et ça aussi a changé : je me suis encore plus isolé qu'avant pour écrire 'L'Asymétrie du Dramaturge', mon troisième album que je trouve médiocre. Je l'ai fait par nécessité, j'avais besoin d'écrire quelque chose pour exorciser 'Le Secret' et ce qui allait avec. Ensuite, avec 'Archétype d'Une Roulette Russe', j'ai pu travailler avec l'écrivain Arno Mothra avec qui j'avais déjà collaboré dans le passé. C'est l'album dont je suis aujourd'hui le plus fier d'ailleurs, c'est un de mes plus aboutis. Il y'a ensuite eu 'Le Syndrome de Cotard', un album dont je suis content mais qui a été très dangereux pour moi, mais aussi pour d'autres gens qui se reconnaîtront si ils lisent l'interview. Dangereux physiquement, mais aussi pour l'intégrité psychologique, ça a été très mal pour certaines personnes qui se sont trop accaparées cet album-là. Sans rentrer dans les détails, il y'a eu de gros problèmes qui m'ont énormément affecté. 'Le Syndrome de Cotard' marque la fin de mon Premier Acte, c'est un album que j'écoute très rarement, je n'en ai joué qu'un seul morceau ce soir, 'Cocards et Cocaïne', le seul morceau qui ne parle pas du syndrome de Cotard, justement. Suite à cet album, j'ai craqué et annoncé que je ne ferai plus jamais de musique et ne me consacrerai plus qu'à mes marionnettes, la danse et au mime. Je n'ai rien fait pendant six mois, et puis, pour passer de l'Acte 1 à l'Acte 2 j'ai écrit l'album 'Vésanie', un album passerelle entre les deux actes. J'y ai défini un modèle pour mes albums futurs : pas trop long, dix morceaux, et suite à ça j'ai décidé d?enchaîner avec l'Acte 2 qui commence ce mois-ci avec la sortie des 'Spirales de l'Antise'. Dans un an, à la même date, sortira 'Le Serpent Acéphale', et de nouveau un an après, toujours à la même date, sortira le dernier album de l'Acte 2, 'Apocalypse en Ré Mineur'.
Tu nous parlais déjà de diviser ton travail en Actes il y'a trois ans, avais-tu déjà prévu cette division dès le début ?
A l'époque de 'Confiture & Vitriol', mon premier album, je ne savais pas du tout que j'allais faire plusieurs Actes. C'est en écrivant 'L'Asymétrie du Dramaturge' que j'ai réalisé que mes premiers albums correspondaient à une partie... J'ai l'image d'un cercueil quand je pense à cet Acte, un cercueil dans lequel je jette tout dedans et une fois qu'il est plein je le referme pour en ouvrir un second et y mettre d'autres choses qui remplissent ma tête...
As-tu des objectifs pour cet Acte II ?
J'aimerais bien plus d'exposition. Au bout de sept albums, je pense avoir montré que Polichinel était là, que je n'allais pas partir comme un voleur. Je pense avoir fait mes preuves niveau cibilité, ça fait dix ans que je tiens la boutique seul. Donc avoir un distributeur pour sortir mes CD, j'aimerais bien. Mais j'ai l'impression qu'en France c'est mort, il y'a rien à faire, trop peu de gens sont fiers d'écouter quelque chose d'avant-garde, de noir ou de bizarre en général. Mais mon Acte II sera le meilleur, aujourd'hui c'est évident. Il faut que ça soit maintenant, sinon Polichinel sera à vie un projet artistique dans l'ombre. C'est maintenant, ou pas du tout. Je suis très rarement fier de moi, vraiment, mais même si y'avait pas grand monde ce soir à Paris, je suis content d'avoir joué une heure et demi, d'avoir pu jouer mes morceaux. Je suis pas mieux qu'un autre, je n'ai aucune estime de moi, et je suis tout simplement content que les gens puissent voir qu'un mec qui s'appelle DNA, Jean-Michel ou Arthur, peu importe on s'en fout, puisse avoir une idée, la mettre sur papier, l'enregistrer, la sortir, faire une petite tournée et représenter son projet tout seul. Si ça peut en motiver certains, tant mieux, si ça en émerveille d'autres tant mieux aussi et si ça en fait chier d'autres c'est encore mieux !
Donc la transformation de Polichinel en quelque chose de plus violent et plus cru après des débuts plus oniriques n'avait pas été prévue dès le début ?
Effectivement le son est plus dur maintenant. Il n'y a plus le coté romantique un peu fleur bleue qu'avait certains morceaux des premiers albums. Cet aspect a été complètement occulté et effacé suite à la rupture dont je te parlais après 'Le Secret'. La musique de Polichinel reflète désormais ce qui m'anime moi...Et c'est très dur à dire comme ça, mais ce qui m'anime moi maintenant, c'est la haine, c'est la violence, c'est l'indifférence. C'est toutes mes pathologies mentales, ma schizophrénie. C'est comme ça parce qu'actuellement c'est moi-même. A l'époque des deux premiers albums, j'étais aussi sincère, mais j'ai changé. Je parle de violence, de haine et d'individualisme parce que c'est ce que la vie me donne. Rien d'autre. Si j'avais une vie pleine de bonnes choses, j'en parlerais. La vie ne me donne que de la merde, j'essaye d'en faire de l'or, c'est déjà pas mal !
Et dans cette musique plus violente, où tu parles peut-être plus de toi, ta marionnette Polichinel a-t-elle encore sa place ?
Tout le travail de marionnettes qu'il y'a sur Polichinel a encore sa place. Je dirais même que sa place est plus importante aujourd'hui. Mais en commençant à écrire le Second Acte j'ai décidé que mes marionnettes, la danse et le mime ne devaient pas entrer en compte dans ma musique comme ça avait été le cas sur le Premier Acte. Incorporer toute ma sensibilité présente dans ces arts à ma musique a été une erreur. Actuellement, Polichinel c'est de la musique, des mots et un film en préparation, et c'est tout. Mes marionnettes font partie d'une autre entité, qui s'appelle toujours Polichinel. Je compose actuellement un album exclusivement instrumental qui sera dédié à mon nouveau spectacle, 'Le Poème de Maxine' qui sera prêt l'an prochain. Le spectacle sera tout public, les petits pourront venir le voir, ce qui n'était pas le cas avant! Ce sera onirique et muet, et j'aurai de nouvelles marionnettes. On retrouvera toujours Maxine, la réplique miniature de Polichinel, toute blanche, avec ses grands cheveux blancs... Mais il y'aura aussi Capucine, qui a les yeux fermés et un bandeau rouge sur sa très grande tête, et un autre personnage dont je parle énormément sur mon dernier album : Kuzak. C'est la déclinaison de DNA, sa partie schizophrène.
As tu déjà une idée de l'orientation que prendrait le Troisième Acte ?
Non, pas du tout. Je me pose la question parce que c'est sûr qu'il y'en aura un...Sauf si je meurs entre-temps, ce qui est possible... Mais si je suis encore debout, je le ferai. Quand, je ne sais pas, et pour faire quoi, je ne sais pas non plus. J'ai bien une petite idée, ça pourrait être une grande pièce de âtre avec de nouveau des musiciens, un peu à la Rocky Horror Picture Show retranscrit dans l'univers de Polichinel, bien sûr : pas question que j'arrache ma chemise et qu'il y'ait plein de poils sur mon torse! C'est plus l'esprit d'avoir un gros spectacle vivant dans de grandes salles, regroupant plusieurs artistes que je connais. Il y'aurait des clowns, de la jonglerie, de l'expression corporelle... C'est un début d'idée mais quand j'y pense ça me fait extrêmement peur car ça représente un travail titanesque. Ce n'est pas du tout au goût du jour actuellement, j'ai bien trop à faire avec mon deuxième Acte.
Le fait de te retrouver seul sur scène est-il aussi une façon de te démarquer de ce que tu faisais il y'a quelques années y compris ton projet Une Feuille Noire, dont le ton était plus proche des débuts de Polichinel ?
L'intention n'est pas de me démarquer de ce que je faisais avant... Tu évoques Une Feuille Noire... Je ne sais pas si des "anciennes Feuilles Noires" vont lire ça, mais même si j'ai horreur de penser à l'avenir (je préfère largement le passé), je ne sais pas si j'arriverai avec Polichinel à prendre autant de plaisir sur scène que j'en ai pris avec Une Feuille Noire... Je n'ai pas les mots pour qualifier ce que ce projet m'a apporté de bénéfique, quand ce groupe s'est arrêté ça m'a vraiment brisé le c?ur. J'essaye d'y penser au minimum. Pour répondre à ta question et fermer la parense, le fait d'être tout seul sur scène est pour moi une continuité logique. Je fais tout seul : j'écris, je compose, je chante, j'enregistre, je mixe... Il n'y a que le mastering que je ne fais pas moi-même. Et ça me semblait logique d'envisager le Spirale Tour seul, tout comme je ferai les deux prochains albums seul, sans un featuring de guitare ou de voix. Il peut y avoir de petits partages au niveau des textes avec des gens dont j'apprécie l'écriture, notamment Vilain Méchant Loup avec qui j'ai écrit 'Exit' sur le dernier album. Être seul sur scène avec mon micro et mes machines découle de cette volonté de tout faire seul... Et la vie m'a aussi appris que, et je citerai cette phrase que j'aime tant, l'Enfer c'est les autres. Et que si je prêche la misanthropie, bien que ça ne m'empêche pas de discuter avec des gens comme par exemple une demoiselle qui a fait 600 bornes pour venir à ce concert, ça me parait logique de continuer seul. Même si j'ai eu un super bon line-up avec Polichinel, et je salue TOUS ceux qui ont tourné avec moi, ça m'a appris que c'est énormément de travail et de préparation. Et tu ne peux pas compter sur tout le monde de la même façon, il y'a tout le temps quelqu'un qui va être à la traîne, qui va ralentir les autres et me ralentir moi. J'ai tellement Polichinel dans la peau, dans le c?ur, dans la tête que je ne peux plus supporter d'être ralenti. Cette décision je l'ai prise après 'Le Secret', malheureusement ça s'est mal terminé et je suis très peu en contact avec mes anciens line-up... Je ne suis pas très facile à cerner, on va dire que c'est 90% de ma faute. Mais ça a été clair : j'ai commencé tout seul, je terminerai tout seul.
Tu as récemment dit renier tes premiers albums, que tu vas supprimer de deezer, spotify et compagnie... souhaites tu revenir là-dessus ?
Tout à fait... Alors déjà, j'ai HORREUR de ce mot qui annonce direct la mort de l'artiste, mais je vais sortir une "compil", un coffret plutôt, dans lequel 'Confiture & Vitriol', 'Le Secret' et 'L'Asymétrie du Dramaturge', dont certains morceaux sont appréciés de gens qui suivent Polichinel, seront réunis. Juste cinq morceaux de chaque, et l'édition sera "de luxe" : un joli coffret, de belles photos, un beau livret, probablement un ou deux goodies dedans, peut-être une belle clé USB Polichinel avec des surprises dessus. J'y travaille avec mon ami Jeff Ferrand du studio Woodbox, avec qui j'espère continuer à travailler. J'ai écrit mon premier livre, sous le nom de DNA Noir, il s'appelle 'Apologie d'une Décadence' qui est aussi le titre du second acte, d'un morceau, et du film sur lequel je travaille. Ça représente mon éthique, ma marque de fabrique, ce que j'ai envie d'amener. Comme je suis un mec droit dans ses baskets, si je fais l'apologie de la décadence, je me dois de d'abord l'appliquer à moi-même. Donc enterrer ce qui ne représente plus Polichinel : ces trois premiers disques. Je ne jouerai plus jamais un morceau de ces albums là, ils ne représentent plus rien de ma musique actuelle. Ils seront donc supprimés du net dès la sortie des 'Spirales de l'Antise'. Quand j'envoie des mails aux programmateurs pour un concert, je leur envoie des liens deezer et j'en ai marre que la première chose qui commence sur ma page soit 'Le Manège Enchanté' ou 'Embrasse-Moi': j'en peux plus ! S'il vous plait, les auditeurs de Polichinel : jouez d'autres morceaux, pitié plus ces trois albums là, je-n'en-peux-plus ! D'ailleurs, j'en profite pour en placer une pour le Connexion Café à Toulouse : allez-vous faire foutre! Tu peux pas m'envoyer un mail pour me dire que c'est interdit d'envoyer un lien deezer! Tu te prends pour qui? Donc le Toulouse Live machin café où tu passes tes pauvres matches de foot, fuck off!
Tu as évoqué un film sur lequel tu travailles. Veux-tu développer ?
Son titre est donc 'Apologie d'Une Décadence', c'est un long-métrage... On était d'abord partis pour faire un snuff en 35mm, on avait une connaissance qui avait un gros stock de pellicule pour ne pas se ruiner avec... Puis on a pensé à une espèce de série de cinq épisodes d'une demi-heure... Et finalement on s'est rabattus sur un long-métrage d' 1h30-2h et qui, pour des raisons techniques, budgétaires et climatiques (j'insiste là-dessus !) sera tourné en numérique. La pellicule est particulièrement fragile, et je n'ai pas de camion frigorifique ou ne fais pas partie d'Europa Corp, j'ai pas les moyens de tourner avec. Ça m'embête, mais on n'a pas le choix. On va le faire plus "à la mode" avec du matos actuel. J'y travaille depuis un an, pour trouver des lieux, des accessoires, des chevaux... Je fais beaucoup de castings, on bosse les dialogues aussi. Et bien que le film soit mon idée, que je sois l'auteur du scénario et que je le réalise, je ne peux pas le faire sans ceux qui m'aident dessus : Lilou Tournesol qui m'aide depuis le début et Isham qui a le second rôle (voire le premier !) dans le film qui m'aide énormément pour l'organisation, les costumes, la technique... On le prépare à trois, et c'est l'adaptation de mon livre. Je te le dis en exclu : il y'aura une BO qui sortira également, avec des instrumentales écrites spécialement pour. J'espère qu'il sortira en DVD, ça dépendra du budget, et il y'aura des projections de prévues. C'est la pure adaptation de mon bouquin, qui m'a pris beaucoup de temps à écrire. J'avais pas au début l'idée d'en faire un film. Au fur et à mesure, j'ai donc réécrit des passages du livre : une partie qui devait se passer sur Saturne aurait été compliquée à tourner, j'ai pas les moyens de payer une fusée ! J'ai préféré avoir l'adaptation la plus fidèle possible, mais y'aura quand même des effets spéciaux, des flingues, de la violence !
Peux-tu nous parler plus en détails du sujet du livre ?
Ce sera un tiers autobiographique, un tiers scientifique et un tiers philosophique. Il y sera question d'une sorte de saltimbanque anarchiste qui ne croit en rien, Jade, un rêveur avec la tête dans les nuages, les mains dans la merde et un QI de 160. Il vit en marge de la société, a une vie de manouche et traîne avec son ami Isham. Un banal deal de quelques grammes de cocaïne va dérouler une spirale autour de Jade. Il y sera question de société secrète, de nihilisme, de déclinaison physique, d'ultra-violence sans comparaison, de philosophie noire, de Freud, de pessimisme, du Syndrome de Cotard, de poésie onirique, de rêve subconscient, des mystères de l'ADN, de décadence et de la capitulation du "Moi". Jade se rendra-t-il compte d'où émane le danger qui le torture ? Mes auteurs de référence sont Cioran, Nietzsche, Freud, George Bataille, Gorgias, Poppy Z. Brite et Arno Mothra. Si tu veux dans la foulée ceux qui me font vomir, même si ils sont trop nombreux, tu peux citer Beigbeder et Dantec. Ces deux types se disent hardcore ? Ils n'ont pas froid aux yeux. Si j'avais leur compte en banque en ayant écrit que de la merde comme eux, j'aurais déjà repeint les murs de Paris en noir.
Et d'où t'est venue l'envie de l'écrire ?
Ça doit faire dix ans que j'ai le projet, je savais comment commencer et comment construire mon histoire. J'ai attendu et ma vie m'a offert le scénario parfait, malheureusement et heureusement à la fois. Le Syndrome de Cotard, je m'endors et je me réveille tous les jours avec. Ma vie personnelle sur un seul point, et sur lequel je resterai muet jusqu'à ma mort, s'est améliorée. Et c'est ce qui me tient en vie. Pour le reste, depuis l'album 'Le Secret', ma vie se dégrade de manière apocalyptique : socialement, physiquement, financièrement, professionnellement, familialement et amicalement. C'est une chute libre depuis des années. Et mon pays me saoule, mais d'une force ! J'ai beau me battre rien n'y fait. J'ai plus 20 ans, j'en ai marre, vraiment marre. Entre mes albums, les marionnettes, la danse, le âtre, l'envie et le besoin d'écrire, de saigner ma vie sur papier est montée. Jusqu'au moment où tout a éclaté, le 9 janvier 2013, j'ai été victime d'une agression physique, c'est loin d'être la première. Mais cette agression s'est retournée contre l'agresseur, et ça s'est retourné contre moi. Il y'a eu plus de dommages collatéraux que prévu... Le soir quand je suis rentré, 'Vésanie' n'était pas sorti. J'ai écrit deux chapitres. Ce livre il sort maintenant car c'est le mektoub, le destin. C'est comme ça, c'était le moment. Je l'ai écrit chez moi principalement, mais aussi un peu en train, à Nantes et en pleine nature. Il y'aura sûrement un second livre, je n'en dis pas beaucoup plus pour le moment mais si il voit le jour il s'appellera 'Kuzak', ou 'Kuzak : les Origines' ou 'La Naissance', un truc dans le genre. Mais ce n?est pas fait.
Tu insistes sur ta volonté de travailler seul sur Polichinel, mais 'Archétype d'Une Roulette Russe' était un album qui accompagnait le livre d'Arno Mothra du même titre. As-tu l'intention de travailler à nouveau avec d'autres artistes de cette manière ?
J'ai récemment découvert un artiste, VML, pour Vilain Méchant Loup, dont je parlais tout à l'heure. Il m'avait contacté suite à une petite annonce que j'avais passée pour dire aux gens qui écrivent des vers ou de la poésie de me les envoyer, pour éventuellement en faire des chansons. J'ai reçu quelques réponses, certaines pas forcément intéressantes pour Polichinel, j'ai aussi reçu un texte d'une personne de Toulouse qui m'avait envoyé un texte très bien écrit, très triste et poignant mais trop personnel pour que je puisse me l'approprier. Et puis, il y'a eu les textes de VML qui ont eu le même effet sur moi que ceux d'Arno Mothra. C'est un auteur qui commence à faire parler de lui. J'ai aussi l'intention de travailler un texte ou deux avec un auteur du nom de Maud Elyr. Mais sinon non, je n'ai pas la volonté de travailler avec quelqu'un d'autre... Si Arno Mothra me le proposait, j'accepterais sans hésiter par contre ! Tout à l'heure quand je disais que je n'envisageais pas autrement ma musique que seul, je parlais d'aujourd'hui. A terme, je ne serais pas contre retrouver un bon line-up, avec un mec aux machines, un clavier, un bassiste et même un backer pour doubler certains vers, comme dans les concerts hip-hop... Mais pour le moment, je continue seul.
Même au sein d'un éventuel side-project ?
Je travaille sur un projet qui s'appelle My Little Anarchy, car j'aime depuis longtemps la culture hip-hop et j'aimerais avoir mon projet plus rap. J'aimerais faire mon "street album" de 15 à 20 morceaux, où je chanterais maximum un ou deux morceaux et composerai les instrus. Les autres chanteurs viendraient tous de la scène hip-hop, des vrais rappeurs, pas des mecs qui chuchotent comme moi, et de la scène hardcore metal histoire d'avoir des coreux qui viennent travailler avec quelques rappeurs sur des beats de Polichinel. Comme il s'agit d'un side-project, je le mets un peu après tout le reste et je n'y travaille que quand j'ai du temps. Ça serait l'occasion de partager les sons de différents artistes, et ça verra le jour quand ça verra le jour.
Est-ce que le fait d'être inclassable musicalement n'est pas une difficulté supplémentaire pour trouver des dates et faire parler de Polichinel, avec en plus cette orientation hip-hop qui vient s'ajouter ?
Les milieux rap et gothiques sont en effet tous les deux très typés. Mais c'est pas vraiment un souci, je suis quelqu'un qui aime le conflit. Je n'ai pas choisi d'être inclassable, je ne me dis pas quand je compose "tiens, faut que je fasse de l'inclassable". Après, effectivement, j'avais fait beaucoup de concerts pour les trois premiers albums et on se rendait compte que quand on jouait avec des artistes un peu rock ou trip-hop j'étais trop "dark"... Et par contre, quand j'ai joué avec des groupes comme les Arsch Dolls et leur show super gore sur scène, je me demandais de quoi j'avais l'air avec mon spectacle de marionnettes après eux ! Ils sont super sympa les mecs, mais ils m'ont totalement ruiné mon show avec leur sang et tout ! Ou après Katzenjammer Kabarett, on n'était pas "assez dark", pas assez batcave ou death-rock. Ou bien je n'ai rien à faire sur scène quand je joue à un festival hip-hop comme il y'a deux semaines, ou trop hip-hop pour faire des scènes slam... Le plus énervant avec cette histoire c'est le besoin des gens de coller une étiquette sur ce qu'ils voient et entendent. Mais je ne me pose pas la question plus que ça.
Tu aimes sampler des extraits de films, comme par exemple Martyrs de Pascal Laugier. Peux-tu nous parler des films qui t'ont marqué ?
Malheureusement, je ne vais pas pouvoir beaucoup te parler de cinéma. En général, les films que j'aime bien et qui m'inspirent pour mon propre film sont 'Notre Jour Viendra' de Gavras, avec Vincent Cassel, 'Ken Park' de Loach, 'Baise-Moi' de Despentes, 'Seul Contre Tous' de Gaspard Noé... Des films dont la violence m'a marqué. Sinon le dernier film que j'ai vu était 'La Nuit d'Orphée' de Cocteau, que j'aime beaucoup. Mais je ne peux pas plus t'en parler parce que je vois peu de films en ce moment, parce que je travaille moi-même sur un film. C'est comme pour la musique : quand je compose un disque, j'essaye d'écouter le minimum de musique sinon ça m'embrouille, j'ai des notes qui n'ont rien à foutre là qui viennent parasiter le morceau que je joue ! Il faut quand même que j'en regarde un peu pour me donner des idées, voir comment d'autres font telle ou telle chose mais j'essaye de ne pas trop en voir en ce moment. Je regarde pas mal de séries sinon, comme Breaking Bad qui m'a retourné ou Walking Dead, dont j'ai aussi lu les BD, bien que je sois loin d'être fan de morts-vivants à outrance que l'on voit tout le temps à toutes les sauces. Mais il y'a dans cette série une qualité de tournage et d'ambiance qui me parle. Quelque part, ça me remet dans la normalité de suivre ces séries-là, vu le nombre de gens qui s'y intéressent.
Et musicalement, tes influences ont-elles changé autant que ta musique ? Tu nous parlais d'IAMX il y'a trois ans...
J'étais peut-être un peu utopique en parlant de faire un concert avec IAMX ! Déjà ce mec sait même pas que j'existe, et surtout je n'écoute plus du tout ce qu'il fait depuis 'L'Asymétrie du Dramaturge', ça fait aussi partie de ma rupture avec avant. J'écoute plein d'autres choses, mais les artistes qui m'ont vraiment marqué cette année sont principalement des rappeurs français comme Niro, Zessau, Kaaris... J'ai aussi samplé rapy 2093 sur le nouvel album, un beatmaker que j'aime énormément et ne sait pas non plus que j'existe) ! Il m'influence énormément sur la musique, sa façon de faire, les claviers qu'il utilise, ses grosses caisses, etc... Je n'écoute par contre que très peu de rap américain, seulement quand j'ai bu une bouteille de vodka avant, c'est bien pour danser mais j'comprends pas un mot ! Je trouve qu'il y'a plein de nouveaux artistes qui sortent des clichés depuis quelques temps, qui ne mâchent pas leurs mots et ont des textes hyper violents sans sortir des "va niquer ta mère" à la fin de chaque phrase. Je trouve que la scène hip-hop est vivante en France, et il y?a en plus le risque d?utiliser la langue française. Rien qu'à partir du moment où tu prends le risque de faire de la musique, soit tu fais de la pop, et dans ce cas je te donnerai pas de noms pour descendre des gens qui auraient juste besoin de prendre un bescherelle et faire une partie de scrabble, soit tu prends le risque de faire autre chose. Du rap, du metal, de "l'inclassable"... Les scènes metal ou rap sont des scènes avec énormément d'artistes, et donc tirer son épingle du jeu est particulièrement difficile, c'est très courageux de se lancer dedans, ça représente énormément de travail. Je suis extrêmement sensible à cette énergie.
Tu sors entre un et deux albums par an. Est-ce que le fait de ne pas sortir tes disques sur support physique te permet d'être aussi productif, une fois libéré de contraintes matérielles, et donc aussi d'évoluer plus vite ?
Ne pas sortir les albums en physique ne m'aide pas à évoluer plus vite. Si je pouvais tous les sortir physiquement, je le ferais. C'est uniquement une raison financière, presser un disque vaut super cher, la SACEM m'allume et il faut les payer avant le pressage... Et je ne suis pas sûr de vendre mes disques, la prise de risque est trop importante. Je suis le premier que ça saoule, j'adorerais que 'Archétype d'Une Roulette Russe' soit sur vinyle, mais je serais obligé de me couper un bras pour financer ça. Là par exemple, mon nouvel album est fini, il est au studio, et si j'avais l'argent je le donnerais direct pour qu'il parte se faire presser... Mais là, le studio doit attendre que j'apporte les sous, etc... Le disque sera donc partout sur le net, ce qui me permet d'avoir une certaine visibilité. Donc ça n'influe pas sur ma productivité, et en plus ça m'embête de ne pas les sortir en physique. Je suis en autoprod, je ne suis pas sur une grande major, donc ça attendra... Par contre, ce qui est sûr, c'est que le nouveau, 'Les Spirales de l'Antise' sortira un jour ou l'autre ! Mais sinon oui, enchaîner les albums fait forcément évoluer ma musique plus rapidement, que ce soit la façon de poser les mots ou de composer. Produire beaucoup t'amène à te remettre en question plus souvent, plus longtemps et donc à rebondir plus vite. Mais la première raison de ma cadence aussi effrénée est que sinon je m'emmerde ! Y'a pas un jour où je ne fais rien, même pendant mon break musical ça ne m'empêchait pas de jouer un peu de piano, de danser, de jongler. Il ne peut pas se passer une journée sans que je produise, ce n?est pas possible. Là dès que je rentre chez moi, je replonge dans mon livre.
Très bien. On arrive à plus d'une heure d'interview, c'est pas mal ! Veux-tu ajouter quelque chose pour finir ?
Ah ouais, c'est pas mal une heure ! Merci à toi et à Verdammnis, ce site au nom imprononçable, c'est vraiment cool de vous intéresser à Polichinel, peu de gens font cette démarche, et ça aide à porter le projet plus en haut. Sinon, non, on a parlé d'un peu de tout. Merci à tous les gens qui soutiennent Polichinel, et rendez-vous au Spirale Tour, à Rennes le 15 novembre, Bordeaux le 16, Angers le 29, St Macaire-en-Mauge le 30 et j'insiste sur cette date parce que je pense jouer deux heures ou deux heures et demi, j'aurai un ami jongleur qui viendra faire une perf' ce soir-là. Je joue ensuite le 7 décembre à Montaigu et je termine la tournée à Lille le 20 décembre. Mon livre ne va pas tarder à sortir, et je ferai sûrement un teaser de mon spectacle de marionnette et de mon film très prochainement. Voilà !