SCARRED c'est deux albums sortis en 2009 (New Filth Order) et 2012 (Gaia-Medea). C'est aussi un des porte étendards de la communauté metal luxembourgeoise avec un death metal « groovy » et de très bonnes performances live. Leur son n'est pas sans rappeler des monstres comme GOJIRA, MESHUGGAH, voir MORBID ANGEL, saupoudré de riffs mélodiques à la NEVERMORE.
Après plusieurs années d'absence, à la suite d'un changement de line-up en 2016 et quatre ans de travail, le groupe revient avec un nouvel opus marquant son évolution. Avec cet album, SCARRED part explorer de nouvelles contrées en incluant des éléments encore plus mélodiques et atmosphériques, ou même psychédéliques, mais tout en restant ancré dans le death metal.
A l'occasion de la sortie de leur troisième album éponyme sous la bannière de la Klonosphère/ Season of Mist, Yann (lead vocal), Diogo (guitares et backing vocals), Bertrand (basse) et Laurent (batterie) ont accepté de répondre à nos questions sur leur nouvel album mais aussi sur leur vie de groupe.
Crédit photo: Lugdivine Unfer
Bonjour SCARRED et merci de nous accorder cette interview. Cela fait longtemps qu'on ne vous avait pas vu, depuis l'album Gaia/Medea en 2012. Pourquoi autant de temps d'absence ?
Bertrand : Bonjour ! Après la sortie de Gaia-Medea, Diogo, qui compose la majorité de la musique, est parti en Norvège pendant deux ans pour jouer avec SATYRICON, ce qui a rendu le travail d’écriture plus difficile. Quand il est revenu, on a pris la décision de changer de chanteur dans le but d’explorer de nouvelles sonorités et de faire évoluer notre musique. Cela a mis plus de temps que prévu car Yann nous offre des possibilités quasi illimitées en termes de chant. On a finalement décidé de stopper la scène pendant un certain temps pour se consacrer entièrement au nouvel album. Mais on a tout de même rejoué en France début 2020 avant que tout ne ferme.
Pourquoi avoir donné un nom « éponyme » à cet album particulièrement ?
Laurent : Niveau textes c’est de loin l’album le plus personnel qu’on ait fait à ce jour. Il est directement inspiré des évènements au sein et autour du groupe depuis la sortie du dernier album. Ça a été une période très difficile qui a laissé pas mal de marques pour certains d’entre nous, d’où l’envie de l’appeler SCARRED.
Cet album se lit comme un concept album, un voyage qui explore plusieurs « dimensions » musicales et mixte plusieurs styles (on passe aisément du death, au prog', au psychédélique, au symphonique, avec même des touches groovy etc..) , ce qui tranche relativement avec vos anciennes productions. Qui dit nouveau line up dit sûrement nouvelle façon de composer. Pouvez- vous nous en dire plus ?
Diogo : Effectivement notre manière de travailler a été très différente par rapport aux précédents albums. Avant on écrivait tout en salle de répète. Pour celui-là on a beaucoup travaillé en home studio avec une longue phase de préproduction. C’était nécessaire pour expérimenter avec notre nouveau chanteur et pour faire exactement l’album qu’on souhaitait faire. Ça nous a également permis d’intégrer de nouveaux éléments tels que des synthétiseurs, des cordes ou encore des cuivres, ce qui était plus difficile avec notre ancienne manière de travailler.
Quelque chose qui m'a (agréablement) surprise est la construction de l'album : vous n'avez pas hésité à y mélanger des morceaux purement instrumentaux. Pouvez-vous nous expliquer ce parti pris ?
Laurent : On a essayé de construire l’album comme un voyage à travers différents univers sonores tout en racontant l’histoire d’une transformation. Chaque chanson correspond à un chapitre de l’histoire et à un moment de nos vies et est placée dans l’ordre chronologique des évènements. Les chansons instrumentales de retrouvent à des moments clé de l’album et marquent généralement le début ou la fin d’un chapitre. Elles représentent le voyage vers l’inconnu, la solitude et la contemplation. D’un point de vue musical, on a voulu donner plus de relief à cet album (contrairement aux albums précédents qui sont très denses et tout le temps à fond) et laisser respirer l’auditeur entre deux grosses claques pour qu’il fasse le même voyage que nous, avec ses hauts et ses bas, jusqu’à la fin en apothéose.
Vous avez choisi d'enregistrer une bonne partie de l'album en «home studio». Pouvez-vous nous expliquer ce choix ? Comment vous êtes-vous organisés ?
Yann : Etant donné que pas mal de temps s’était écoulé depuis le dernier album, on a voulu revenir en force et sans faire de compromis. Du coup on a fait toute la préproduction et l’enregistrement guitares et basse nous-mêmes pour ne pas avoir à s’imposer de limite de temps ou de budget. On a enregistré en partie chez Laurent, le batteur, et chez moi, en se relayant à la console d’enregistrement. Ça a mis du temps mais ça nous a permis de faire exactement ce qu’on voulait. Par contre on n’a jamais bossé aussi dur pour produire un album !
Vous avez choisi de collaborer pour les parties chant/batterie avec Patrick Damiani au Tidalwave studio avec qui vous aviez déjà collaboré pour votre premier album (ndlr : New Filth Order, 2009). Pourquoi ce choix ? Une façon de boucler la boucle ? De « revenir aux sources » ? Comment cela s'est-il passé ?
Laurent : Avec Patrick on est sûr d’avoir la monnaie de sa pièce. C’est un ami (on lui a même donné un coup de main pour construire son nouveau studio quand il a dû déménager) et un excellent musicien avec plus de 20 ans d’expérience comme ingénieur son. Il arrive toujours à sortir le meilleur de nous et à nous remettre dans le droit chemin quand on commence à s’égarer en studio (ce qui peut arriver quand on enchaine les heures d’enregistrement et qu’on est perfectionniste) sans jamais perdre sa bonne humeur ou bâcler pour finir. Cela s’est donc de nouveau très bien passé et on le remercie pour son excellent travail, notamment sur le mixage dont il s’est également chargé.
Un petit mot sur la pochette que j'aime beaucoup personnellement. Qui en est l'auteur ? Comment en êtes-vous arrivés à cette symbolique, ces couleurs ? Que signifie-t-elle pour vous ?
Diogo : La pochette a été réalisée par Drazen Medakovic, un ami d’enfance dessinateur et peintre qui s’était déjà occupé de l’album Gaia-Medea (ndrl: www.drazenillus.com). Il a un talent fou, donc on lui a simplement donné la maquette et les textes, raconté notre histoire et on l’a laissé faire. Il a tapé dans le mille du premier coup. La pochette résume parfaitement les sonorités très variées et l’ambiance musicale de l’album par ses couleurs et le contenu lyrique par sa symbolique. L’image représente un homme qui se purge de ses démons au cours d’une cérémonie shamanique. Ou plus simplement : il s’agit d’un homme qui se prend la tête jusqu’à en vomir des arcs-en-ciel, ce qui résume bien l’histoire récente du groupe et la production de cet album !
On vous a vu tourner, quand cela était encore possible, avec de grands noms (ndlr : LAMB OF GOD, MASTODON, PSYCROPTIC et autres fest' internationaux), pouvez-vous nous donnez vos coup(s) de cœur « amicaux »/musicaux et surtout, pourquoi ?
Bertrand : CARACH ANGREN à coup sûr. On les a rencontrés lors de l’enregistrement de notre premier album car eux aussi enregistraient à l’époque au Tidalwave studio. On s’est tout de suite entendus et on s’est invités réciproquement sur des concerts ou retrouvés sur des festivals depuis. La fête après la sortie de notre premier album où ils ont ouvert le bal était épique ! Diogo a même fait une tournée aux Etats-Unis avec eux en remplacement de leur guitariste. Leurs albums sont incroyables, de véritables petits films d’horreur mis en musique !
Comment se passe la « vie en tournée » pour vous ? Pouvez-vous nous raconter une anecdote de vie/ de scène ?
Diogo : C’est très intense. On fait tout à 200%, aussi bien le show live que ce qui vient après. Quand on rentre à la maison après une tournée il faut minimum deux semaines pour s’en remettre. Une tournée particulièrement riche en émotions a été celle qu’on a fait à Tokyo pour la sortie Japonaise de Gaia-Medea en 2016. On a débarqué le week-end d’Halloween. C’était comme une Comic Con gigantesque avec des milliers de personnes déguisées dans les rues pendant 4 jours. On a fait la fête toutes les nuits et la journée on transportait le matériel de salle de concert en salle de concert par le métro (30 kilos de matos dans chaque main) avant de jouer le soir. Il y a plusieurs anecdotes assez croustillantes au sujet de cette tournée mais : what happens on tour stays on tour !
Comment vos deux nouveaux membres se sont-ils intégrés ?
Laurent : Sans problème. Vincent est un crème, il est incroyablement humble et gentil pour un mec qui a autant de talent. On attend toujours de le voir se fâcher un jour ! Vu qu’il a son groupe FRACTAL UNIVERSE à gérer (une tuerie !), il laisse Diogo en charge de la composition, donc pas de conflit artistique non plus. Yann était déjà un ami avant qu’il rejoigne le groupe et on avait tourné ensemble par le passé, donc là aussi au niveau humain il n’y a pas eu de souci. Musicalement parlant on a mis un peu de temps à l’intégrer vu qu’il sait à peur près tout faire avec sa voix (trop de possibilités !), mais au bout du compte je considère cela comme quelque chose de positif.
Ces derniers mois ont été catastrophiques pour l'industrie culturelle et musicale, comment l'avez-vous vécu en tant que groupe préparant la sortie de leur nouvel album ? Quelles pourraient être selon vous les alternatives pour continuer à « se produire », promouvoir sa musique et développer son groupe en cas de non reprise des concerts pendant un bon moment?
Yann : On aurait aimé sortir l’album en 2020, donc ça a été un peu frustrant au début, mais on a vite compris que c’était également une opportunité pour encore mieux préparer la sortie. On a produit énormément de contenu vidéo (un clip par chanson), on a fait une reprise de Björk et une version acoustique d’une de nos chansons du Gaia-Medea qui est à voir sur Youtube, on prépare un live show avec un son et lumières comme on n’en a jamais fait avant, on a entamé le prochain album… Je pense qu’on a réussi à tirer le maximum de ce qu’on pouvait de la situation pour revenir encore plus fort quand tout se sera normalisé. En attendant, la vidéo semble être le meilleur moyen à ce jour pour continuer à proposer du contenu, que ce soit les clips, le live-streaming, la diffusion de concerts enregistrés…pleins de choses auxquelles on n’avait pas assez touché avant et qui maintenant sont au programme du groupe.
Et enfin, pour finir sur une note plus positive et décontractée, quel(s) morceau(x) tourne(nt) en boucle dans vos oreilles en ce moment ?
Diogo : Je trouve que le dernier MANSON a une vibe assez particulière qui me plaît bien.
Laurent : Le dernier BOWIE, surtout depuis la date anniversaire de sa mort.
Yann : When a Shadow is Forced into the Light par SWALLOW THE SUN
Bertrand : A Clear and Present Rager par NUCLEAR POWER TRIO
(ndlr : Vincent n’était pas disponible pour cette interview, il bosse sur le prochain album de FRACTAL UNIVERSE)
Merci beaucoup pour votre temps et au plaisir de se recroiser sur une date !
Merci à toi et à tes lecteurs. A bientôt près de chez vous on espère !