Voici la suite de notre entretien avec Etienne Bianchi, gourou hyperactif du groupe SHAÂRGHOT. Il y est question de concerts passés, de concerts (presque) présents et de concerts à venir. Parce que les concerts, ça nous manque. Se vautrer avec nostalgie dans nos souvenirs de pogos et se projeter en rêve dans les chaos à venir nous rappellerait presque cette douce odeur, mélange de machine à fumée, de sueur et de mauvaise bière payée trop chère. Ah, vivement !
Pour retrouver la première partie de l'interview, où il est question des divers projets de SHAÂRGHOT, c'est par là.
Avec tout ce qui s'est passé, au final, il n'y a pas eu énormément de dates de SHAÂRGHOT depuis le Hellfest. Peux-tu nous raconter ce souvenir ?
Je suis toujours un peu stressé avant un show parce que je me demande si tout va bien marcher au niveau des machines, mais sinon je n'étais pas spécialement plus stressé que d'habitude. On avait quand même une équipe vraiment béton. Et puis je pars toujours du principe que ça va pas être bien, qu'on aura quasiment personne... Comme ça, s'il y a un peu de monde, je ne suis pas déçu et si y'a 30 personnes ce n'est pas grave, je m'y étais préparé. Pendant les balances, il devait y avoir 100 personnes qui nous regardaient... Donc je savais qu'il y aurait plus de monde, mais je me disais qu'on n'aurait peut-être pas 3000 personnes. Et puis quand je suis revenu quelques minutes avant que ça commence, Bruno me dit "mec, ne regarde pas !"... Bah si, justement ! Et là, je voyais pas le bout de la foule ! Efectivement, je n'avais pas prévu ça du tout ! On m'a dit que la capacité de la Temple était de 10000 personnes, et on en avait 12000 ! Il y avait du monde au-delà de la Temple ! Mais qu'est ce qu'il s'est passé !? Forcément, j'ai eu un petit frisson au moment de commencer, genre "mais c'est quoi ce bordel ?", mais après c'était parti. Le truc qui m'a vraiment manqué par contre, c'est l'interaction avec les gens. On est loin du public et j'ai l'habitude d'aller les voir et me jeter sur eux... là, j'avais pas envie de me fracasser les cotes sur les barrières. Mis à part ce côté là, c'était vraiment cool, c'est un moment assez incroyable... Mais je préfère quand même les petites salles, on va pas se mentir. Entre 300 et 1000 personnes, c'est vraiment le meilleur truc !
J'imagine qu'après ça et avec la belle tournée Warm-Up qui se préparait vous deviez être super contents... Mais malheureusement, le confinement qui définit les artistes comme "non essentiels", ça doit empêcher d'avoir la grosse tête, non ? Comment l'as-tu vécu ?Haha ! Alors je vais te demander un truc très simple : t'es où là en fait ? T'es dans un appart à la con de 17m² où je vis depuis pas loin de dix ans. Donc jouer la rock star et habiter dans 17m², ça fait très vite relativiser ! La grosse tête, c'est pas prêt d'arriver ! Plus sérieusement, évidemment, je ne vais pas te dire "même pas mal, rien à foutre", ça a été un gros abattement pour tout le monde. On s'est retrouvés privés d'une grosse tournée à quelques semaines près... C'est particulièrement rageant. Forcément, il y a eu une petite période où on a tous un peu boudé dans notre coin... On a pleuré un coup et pris le temps de s'occuper de nous et de réfléchir. J'ai fait ça une semaine ou deux, mais je me suis vite ennuyé. Quand je m'ennuie, je me mets à créer. C'est à ce moment que j'ai fait le Compendium et que j'ai écrit ce court-métrage / clip. Dès la fin du confinement, j'ai appelé mon réalisateur pour lui présenter l'idée, il m'a dit "tu sais que ça va être la merde à réaliser ?", j'ai répondu "oui", il a dit "ok, on le fait" ! Une fois que tu t'es assis sur ton derrière et que t'as pleuré quelques minutes, t'as pas fait avancer le schmilblick, donc soit tu peux te laisser couler, soit tu peux trouver autre chose à faire.
As-tu espoir que cette tournée Warm-Up se refasse avec vous l'an prochain ?
Tu sais, ce qui faisait le buzz en 2019 ne fait plus forcément le buzz en 2022... On a eu la Warm-Up parce qu'on venait de blinder la Temple et de sortir un album mais toutes les cartes sont rebattues donc a priori non... Il n'y a pas de nouvelle Warm-Up prévue pour SHAÂRGHOT, mais à voir. On va bosser à fond et peut-être que ça viendra, peut-être pas. Ce n'est pas pour ça qu'on va s'arrêter de jouer !
Est-ce que tu ne crains pas que quand les concerts vont reprendre, on ne sache plus "y faire" ? Qu'on ait perdu l'habitude physiquement d'un show aussi mouvementé, que tout le monde soit sur les rotules au bout de deux morceaux et que l'ambiance soit morte ?
C'est pas grave, ça donnera l'impression de jouer en Allemagne, haha ! Non, mais c'est vrai : on est habitués à un public français qui bouge énormément, mais ce n'est pas le cas dans tous les pays. On a eu des étrangers venus nous voir en France, ils nous ont dit "non mais c'est pas vrai, vous êtes des sauvages, vous sautez partout, c'est quoi ce bordel ?". Pour nous c'est la norme ! Donc si on a des concerts tout mous, ça sera comme jouer à l'étranger !
Et sinon, est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal d'autant travailler l'aspect scénique, d'y mettre autant d'énergie et de moyens... Pour au final jouer dans le noir et la fumée ? On y voit rien !
Haha ! On nous a fait la remarque plusieurs fois et c'est vrai qu'on n'a pas d'ingénieur lumière pour nous suivre... Mais on va essayer de régler ce problème là. Je me souviens d'une fois au Petit Bain où la ventilo était en panne... donc il y avait pas mal de fumée, ouais ! Il va falloir qu'on pense à apporter des lumières pré-programmées en plus histoire de pouvoir nous accompagner. On a trois pars led verts devant pour pas être totalement à poil et il faut qu'on ait une ambiance dark, mais on ne peut pas se permettre non plus d'avoir un mec qui ne nous connaît pas et nous met des néons rouges ou un blackout complet pendant tout le show, ce qui est arrivé ! C'est pour ça qu'on a toujours nos pars verts : au moins on a le minimum et notre ambiance lumineuse qui est là, mais avec les salles qu'on commence à faire ce n'est plus suffisant. Faudrait qu'on ajoute quelques lumières d'appoint, quelques strobs, je ne sais pas, on va se pencher dessus prochainement.
SHAÂRGHOT est un groupe qui repose beaucoup sur ses concerts... Mais vous avez un EP et un album en cours. Est-ce que ce sont des choses que vous envisageriez de sortir même si les concerts ne reprennent pas ?
L'EP, on le sortira avant la fin de l'année normalement même sans reprise de concerts. Ca commence à faire un petit moment qu'on n'a pas donné de contenu et il serait temps de donner quelque chose aux gens... Par contre, l'album ne sortira que quand on pourra avoir des dates, parce que merde, quoi !
Comment choisi-tu les morceaux que vous jouez ? En fonction d'une narration et d'une mise en scène, ou purement d'efficacité ?
A l'heure actuelle, je n'ai pas la possibilité de réfléchir à cet aspect narratif pour le mettre en place comme je le voudrais, faute de moyens. J'aimerais bien tout scénariser de A à Z mais ça demanderait encore plus de monde, de performers, de costumes... Donc je réfléchis surtout en terme d'efficacité, comment amener les gens le plus rapidement possible dans l'univers pour se prendre une grosse mornifle.
Certains titres du premier album ont totalement disparu de vos setlists, penses-tu y revenir ou tu es passé à autre chose ?
Ce n'est pas exclu que ces morceaux puissent revenir... Il y a beaucoup de choses dans le premier album qui passent bien sur CD mais pas aussi bien que je le voulais en live. Ca demanderait un peu de travail pour que ça sonne plus gros, que ça envoie plus d'énergie... Il nous faut encore du temps, quoi ! Certains morceaux sont laissés de côté, mais ce n'est pas parce que je m'en suis lassé, c'est surtout que je sens une trop grosse différence entre ce qu'on fait maintenant et ce premier album où tout était fait avec des bouts de ficelle. Il faudrait que je me penche dessus et les remixe pour les ré-adapter au live. Je pense notamment le faire prochainement pour Uman iz Jaws, qu'on joue toujours mais je sens un petite faiblesse sur ce morceau, un petit truc qui ne porte pas assez. Je pense qu'on peut améliorer ça !
Vous ne vous êtes jamais posés la question d'un live en streaming, avec une mise en avant plus prononcée de votre visuel par exemple ?
Alors je me suis sincèrement posé la question. J'en ai regardé plusieurs, autant de groupes amateurs que de grands groupes, et ça m'a assez rapidement laissé indifférent. C'est cool pour quelques morceaux, mais sur un show entier, ça ne me parle pas. Je voudrais bien en faire un, mais très vite j'ai su qu'il faudrait que ça soit un vrai bon gros truc fait dans de très bonnes conditions pour que ça soit intéressant à faire et à regarder. Sinon, c'est non. J'ai déjà suffisamment de boulot comme ça avec tout ce que je prévois... Mais ouais, avoir toute une équipe et faire un super live multicam vraiment chiadé et une grosse déco, là carrément !
Et c'est là qu'intervient le Hellfest From Home. Tu peux nous raconter comment ça s'est fait ?
On était restés en contact avec le Hellfest depuis la Warm-Up avortée, donc on avait un peu entendu parler de cette affaire... On a joué des coudes pour essayer d'être casé là-dessus, même si a priori on n'était pas forcément prévus. C'est sur que ça m'a fait revoir ma position du mec qui disait "non, je ne ferai pas de streaming", haha ! Donc on tourne ça là-bas, avec une déco spéciale... Mais je n'ai pas le droit d'en dire plus, vous verrez bien le résultat !
Aimerais-tu ajouter quelque chose pour conclure, un message pour les gens qui attendent votre retour sur scène ?
Alors d'habitude, je n'ai pas grand chose à dire, je préfère écouter... Mais pour une fois, j'aimerais quand même dire un grand putain de merci à tout le monde parce que j'ai été très surpris par l'engouement autour de notre dernier crowdfunding. On a récupéré trois fois plus d'argent que sur le précédent clip. Ca a été une vague de soutien assez incroyable de la part de notre public pour pouvoir faire ce truc là. Je ne sais pas si c'est lié à la période, si c'est suite au Hellfest, à la frustration de l'annulation de la Warm-Up... Il paraît que les métalleux sont du genre généreux, et en plus il n'y avait plus rien à acheter ! En l'espace d'une semaine on avait atteint notre objectif et ça continuait à grimper donc on a proposé de montrer le cul de Bruno si on atteignait 10000 euros, ou moi en string dans la piscine... Mais ça continuait de monter ! Je ne savais plus quoi proposer ! Les gens sont fous, ils ne s'arrêtaient plus ! Je suis très touché par le soutien de tous ces gens. On a pu faire bosser pas mal d'artisans, de costumiers, d'accessoiristes qu'on a pu rémunérer, et ça c'est un bonheur. On ne les a pas forcément payés le prix qu'ils méritent, mais c'est déjà super de se dire qu'il y avait un billet pour tout le monde.