Après dix ans passés à peaufiner leur son, les membres de SPLIT BRAIN (death / thrash) ont enfin eu la possibilité de sortir un premier album, Discours Idylliques, prévu pour le 17 mai sur le label Juste Une Trace. Nous avons été rencontrer le groupe picard pour y tirer les vers du nez. Rémi (chant), Aco (batterie), Nico et Fred (tous les deux aux guitares) ont pris le temps de nous expliquer comment on peut mettre dix ans à sortir un album mais aussi de nous raconter un peu ce qu'on peut trouver dans ce disque.
Votre premier album sort fin mai, après trois EPs et surtout dix ans d'existence. Qu'est ce qui a pris autant de temps ?
Rémi : Déjà, on mettait beaucoup de temps entre chaque EP parce qu'on avait une méthode de travail et de composition assez lente. On était encore au lycée quand on a commencé SPLIT BRAIN et on faisait surtout ça le week-end. On a aussi eu quelques changements de line-up. On répétait chez les parents d'Aco, notre batteur, et pas forcément toutes les semaines... Du coup, comme on n'avait aucun impératif, on en était à environ deux compos par an sans se presser. C'était un hobby. Et puis il y avait un aspect pécunier, on aurait bien aimé sortir un album avant... (Là, Nico ricane mais personne ne relève, ndlr). On n'avait ni les moyens ni les contacts pour faire un album, c'est aussi pour ça qu'on a fait trois EPs.
Fred : On avait l'envie depuis longtemps de faire un album, comme je pense tout artiste dans la musique. Mais on avait toujours des contraintes, on se disait que ça prendrait trop de temps alors on sortait quatre ou cinq titres et c'est tout, ce qui nous permettait au moins de sortir quelque-chose sans attendre encore plus. Là, pour l'album, on a eu une opportunité...
Aco : Oui, on avait les moyens de l'appuyer. L'association Rock'n Oise nous a fait des clips vidéos live et les a diffusés sur YouTube, donc on avait un support vidéo de nous en train de jouer nos morceaux. Ça, pour appuyer une demande auprès d'un label ou d'organisateurs de festoche, c'est un peu plus parlant qu'une galette homemade où tu sais pas si tout est vraiment joué. Je comprends qu'ils soient plus séduits par une vidéo où on voit le groupe jouer correctement qu'un CD où c'est peut-être bien joué mais tu ne sais pas comment c'est joué, si le line-up a changé entre-temps, etc. Je pense que ça nous a beaucoup aidé quand on s'est proposés à Juste Une Trace avec notre projet d'album. On a aussi gagné en visibilité, ce qui a été utile pour d'autres démarches.
Du coup, j'imagine que vous avez eu le temps de bien faire mûrir ce projet. Êtes-vous sereins à quelques jours de la sortie ?
Aco : En fait, à notre niveau, tout est fait à part la promotion qui est en cours.
Fred : Aujourd'hui, on est sereins. On ne l'a pas toujours été ! Ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'on a su fin août à peu près qu'on allait enregistrer cet album. On avait quatre mois pour se préparer parce qu'en décembre on allait au studio 180, alors qu'on n'avait que deux morceaux vraiment prêts pour un album ! Il fallait en faire d'autres !
Aco : Oui, on s'est retrouvés avec quatre mois pour composer sept morceaux... ça a été sport, mais on a profité de l'occasion pour revoir toute notre méthode de travail parce que notre rythme de deux morceaux en un an ne collait pas du tout avec les délais qu'on avait !
Fred : Sachant qu'en plus, il ne fallait pas juste savoir jouer pour enregistrer, il fallait savoir jouer en live tous ensemble. Le deal c'était d'enregistrer tout l'album ensemble, en direct, sauf le chant qui a été mis à part. Du coup, il fallait non seulement composer les morceaux mais en plus les maîtriser pour pouvoir les jouer et les enregistrer.
Nico : C'était le challenge ces quatre mois ! Je pense d'ailleurs qu'on a fait peur à Juste Une Trace parce qu'au début on n'avait pas grand chose à proposer !
Fred: Oui, c'est un peu un concours de circonstances qui fait qu'on peut enfin sortir cet album. On en avait l'intention, on en avait même un peu discuté avec Batt, qui fait nos artworks, mais en lui disant que c'était bon, qu'il avait le temps... Et un mois après je le rappelle pour dire que finalement, il n'a pas le temps !
Cet artwork très BD donne d'ailleurs l'impression que vous avez un thème narratif. Est-ce le cas ?
Rémi : Oui, on a une sorte de fil rouge depuis l'EP Orpheline, voire un peu avant, aussi bien au niveau des paroles que d'un point de vue visuel. J'y parle de l'état de notre société, le monde dans lequel on vit, les relations qu'on peut avoir entre personnes... Sur Orpheline, j'évoquais pas mal le passage à l'âge adulte par exemple. Il y a clairement un fil rouge qui va avec le visuel, qui est peut-être plus abstrait que les paroles mais qui permet de donner envie aux gens de se projeter et d'imaginer des choses peut-être, pour mettre des images sur les textes.
Aco : Si on continue à faire les mêmes erreurs que celles qu'on est en train de faire, on va vite se retrouver dans l'univers que l'on voit sur la pochette de l'album...
On retrouve d'ailleurs dans l'artwork un côté à la fois rentre-dedans, avec ces ruines, et plus aérien. Comme dans votre musique où, malgré le côté assez direct, on retient une certaine mélancolie. Était-ce intentionnel ?
Rémi : Ce n'est pas forcément quelque-chose que j'ai cherché, mais c'est un constat que j'ai fait après coup, effectivement. C'est assez mélancolique. Dans la vie, on est pourtant plutôt optimistes, on profite de ce qu'on peut faire mais il y a toujours des regrets, des constats qui nous attristent. C'est vrai qu'on final, ce qui ressort, c'est cette mélancolie, ces constats d'erreurs, des choses que l'on continue à faire.
Malgré cette mélancolie, il y a un côté très fédérateur, aussi bien dans les rythmiques que dans le chant assez conquérant...
Nico : Peut-être que c'est pour appuyer sur la lueur d'espoir qui se cache au fond de tout ça. On est dans la merde mais on peut s'en sortir ! Mais on n'est pas moralisateurs, on n'impose pas de solution.
Rémi : Non, on ne connaît pas les clés, malheureusement, on peut juste essayer de donner des pistes !
Ce fil rouge narratif, est-ce la raison du choix du chant en français, de manière à le rendre plus explicite ?
Rémi : Il y a clairement de ça. Notre public aujourd'hui est complètement francophone donc chanter en anglais n'aurait pas forcément été plus approprié pour passer un message. Par le passé, on avait du français et de l'anglais mais on a eu quelques retours un peu moins positif sur le chant en anglais, notamment au niveau de l'accent... c'est vrai que je n'ai pas un accent extraordinaire ! Du coup, ça nous a tous convaincu de passer au français. Pourquoi faire de l'anglais au final, alors qu'on n'y voyait plus aucun avantage ?
Nico : Et puis le rythme de la langue française va très bien avec notre musique, je trouve. Le français se chante différemment...
Aco : Oui, purement au niveau de la voix, tu n'as pas le même timbre parce que tu n'as pas la même façon de chanter. Ce n'est pas la même musicalité et on a nettement préféré en français, on trouvait ça plus beau. On dit souvent que c'est difficile de chanter en français dans le metal... C'est pour ça aussi qu'on a pas mal de choses scandées, le français se scande très bien.
Rémi : Et puis moi j'en ai marre des gens qui me disent toujours qu'ils comprennent rien à ma musique et me demandent ce qu'on raconte ! Là, je peux leur dire "bah écoute, c'est ça que je raconte" ! Je me dis que pour des gens qui ne connaissent rien au metal, ça peut aider : ils feront passer les grosses guitares et la batterie au second plan pour peut-être se concentrer sur les paroles et juger aussi là-dessus et trouver ça cool !
Je rêve où tu viens de dire que ton but c'est donc que ta musique soit cool... pour ceux qui ne connaissent rien au metal ?
Nico : Bah ouais, les gens qui s'y connaissent, ils savent qu'on fait de la merde ! Prochaine question !
Revenons sur le personnage de l'artwork...
Aco : Tu parles duquel du coup ? Celui en noir ou celui qui flotte au-dessus ?
Ah, tu vois, pour moi c'était peut-être deux facettes du même ! Alors qui sont ces deux personnages sur la pochette et qu'on retrouve aussi dans le clip ?
Aco : Alors l'humaine en bas, c'est celle qu'on appelle entre nous "l'Orpheline", qui était le titre de l'ancien EP et d'un morceau. On a souhaité faire évoluer ce personnage dans Discours Idylliques. De petite fille, elle est devenue cette jeune adulte. On parlait tout à l'heure de lueur d'espoir et ça s'est matérialisé avec ce personnage qu'entre nous on appelle "divinité". Peu importe qu'elle soit religieuse, psychique, dans sa tête uniquement, là on laisse vraiment chacun interpréter la chose comme il le veut vu qu'entre nous on n'a déjà pas le même ressenti sur cette entité ! L'idée était donc d'avoir l'évolution de l'Orpheline et une divinité qui va l'amener dans le clip de Discours Idyllique à suivre son petit périple.
Parlons du clip alors. Il a été réalisé par l'auteur de vos artworks. Avez-vous la volonté de continuer à ancrer SPLIT BRAIN dans cet univers visuel cohérent à l'avenir ?
Aco : Oui, on va continuer sur cette lancée et faire évoluer tout ça. On ne sait pas encore comment, mais on le fera, ça dépendra de la musique qu'on fera.
Fred : Oui, aujourd'hui, on en est à ce stade là. Musicalement, visuellement... Je pense qu'on va garder ce personnage aussi. Le reste, ça sera la surprise !
J'ai vu que vous créditiez le groupe MONOLYTH en remerciements, ils sont du même coin que vous. Il y a un filon chez vous ?
Rémi : Oui, ça s'appelle les Dijoux ! Nico est le frère de Julien, qui joue dans MONOLYTH. Sinon, même si je ne connais pas toutes les régions de France, c'est vrai que dans l'Oise on a la chance d'avoir pas mal de groupes de metal très talentueux. Il y a beaucoup de musiciens metal qui tournent à leur niveau et font vivre la musique en Picardie, qui au final vivote plus qu'autre chose. Mais beaucoup d'acteurs essayent de la faire vivre au maximum !
Avez-vous des projets à court terme dont vous voulez parler ?
Rémi : Oui, on joue aux Zicophonies le 18 mai à Clermont, avec LE BAL DES ENRAGES en tête d'affiche.
Nico : Et deux semaines après on joue à Nogent-sur-Oise dans une sorte de fête de la bière locale !
Aco : Voilà. Et même si on n'y joue pas, on organise depuis dix ans le Black Pearl Metal Fest avec le bar le Black Pearl, à Laigneville, toujours dans l'Oise. On a une belle petite programmation sur deux jours, les 24 et 25 mai. On y fait jouer chaque année entre huit et dix groupes et c'est notre petit bébé à nous, notre petit festoche gratuit.
Très bien, merci. En début d'interview, Nico, laisse-moi deviner : tu as rigolé parce que "pécunier", ça fait "pet-cul-niais" ?
Nico : Haha ! Et encore, tu dois pas nous supporter toute la journée !
Crédit photo : Lykh'Arts