À l’occasion de la sortie de leur nouvel album Holocene (prévu pour le 19 mai via Pelagic records, précommande), Loïc Rossetti -chanteur du groupe de post-metal progressif The Ocean- répond à nos questions sur l’album, le groupe en général, leurs collaborations, mais aussi à des questions plus personnelles sur son travail vocal et ses influences notamment. Un entretien fleuve (pardon pour le jeu de mot) qui nous permet de parler de choses très sérieuses comme la géologie et d'autres un peu plus légères comme les chats, les dinosaures et du black metal teinté de free jazz. Tous à bord, et bonne navigation !
© Photo de Geoffrey Walland
Commençons par parler de la composition de l’album Holocene. En géologie, l'Holocène correspond à l'ère qui voit l’apparition de l'être humain. Sachant que la dernière chanson du précédent album portait déjà sur cette période, qu'est-ce qui vous a motivé et attiré dans le fait d'en faire un album entier?
En fait, ce morceau on l'a appelé Holocene à l’époque parce qu’on avait déjà dans l'idée de faire un album qui allait disserter un peu sur la période Holocène. C’était l’occasion.
C'était donc complètement prémédité, il n’y avait pas d'enjeu soudain à clore une saga ? Parce que finalement, ça forme un ensemble gigantesque quand on prend en compte l’album Precambrian et les deux albums Phanerozoic I & II.
J'imagine que Robin (Staps : fondateur, compositeur, auteur, guitariste…, ndlr) avait bien cette idée en tête, de finir la boucle. Maintenant ça va peut-être nous permettre par la suite de faire des albums qui parlent d'autre chose !
Justement, maintenant que vous avez clôturé toute la boucle géologique, allez-vous continuer dans cette voie ? Sachant que vous aviez aussi déjà fait le double-album Heliocentric & Anthropocentric, qui étaient là encore fortement reliés aussi aux sciences. Est-ce que ces sujets vous passionnent toujours ou est-ce que vous pensez partir sur complètement autre chose ?
Non, je ne pense pas qu'on va partir sur complètement autre chose. On sera toujours influencés clairement par la philosophie ou des choses comme ça... C'est juste qu'en géologie je pense qu'on a fait le tour ! Il reste deux ou trois choses comme l'atmosphère, l'Univers, les planètes… On ne sait pas encore où on va aller.
Je pense que les étudiants métalleux en Université comptent sur vous pour continuer à explorer d'autres thèmes parce qu'il y en a beaucoup qui ont retenu les ères géologiques grâce à vous !
C'est assez fou, ouais ! J'ai rencontré plein de gens qui m’ont parlé de ça et qui me disaient : « On n'a jamais eu de prof d'Histoire capables de nous enseigner ça ! », mais tant mieux.
Depuis la pandémie vous avez beaucoup tourné, que ce soit en Europe ou en Amérique. Comment avez-vous réussi à trouver le temps de composer malgré tout ? Cela s'est-il fait au fur et à mesure pendant la tournée ou avez-vous profité des quelques breaks que vous avez eu entre chaque date ?
Au début de la pandémie Peter (Voigtmann, aux synthés, ndlr) a contacté Robin pour lui faire écouter l'album électronique qu'il avait plus ou moins composé... Robin l’a trouvé vraiment intéressant. Il s'est dit « Bon on va essayer d'en faire des morceaux, de l’Oceaniser un peu… ». Et puis c'est comme ça qu'il est parti ! Pendant cette période tous les concerts étaient repoussés, annulés, repoussés… Du coup on a eu du temps pour se plonger sur le disque. Et puis au final à la fin de la pandémie, c'est là que les concerts ont vraiment commencé à repartir. Heureusement tout le disque était déjà quasiment enregistré. Il nous restait l'ingénieur du son à trouver parce qu'on avait envie de travailler avec un nouvel ingé son. On avait travaillé avec Jens Bogren sur les précédents albums qui là était très occupé du fait que tous les groupes se soient mis à composer pendant le temps libre que leur a laissé la pandémie et l'absence de concert. Tous les ingénieurs du son étaient un peu bouclés. Nous voulions aussi quelque chose de différent parce que l'album venait un peu de l'électronique, on voulait une touche un peu plus chaude. On a donc demandé sept ou huit tests mix à différents ingés son. Ce qui s'est un peu retrouvé à être un cauchemar parce qu'avoir sept ou huit mix différents au final c'était presque plus compliqué que ce qu'on voulait au départ. Pour un mix, t'es là : « Ah j'aime bien la batterie, là ! », sur un autre « J'aime bien la guitare là ! », et puis sur l'autre « J'aime bien la voix comment il l'a traitée ! », donc ça a été un peu le calvaire jusqu’à ce qu’on ait trouvé le Suédois qui nous a mixé cet album, Karl Lidén !
Ça a été une grosse surprise d'entendre du français sur le live Preboreal. Il me semble que c’est la première fois ! Qui a eu l'idée ?
Pas mal des textes de l'album viennent du philosophe, écrivain et cinéaste Guy Debord. Au moment de composer l'album, on s'est penchés sur ce qu'il écrivait et on s'est dits qu'on pourrait rajouter ces quelques lignes, qui sont en fait de Lautréamont, qui a beaucoup inspiré Debord. On voulait les mettre telles quelles et puis, forcément, le Français pour moi c'est un peu inné vu que c'est ma langue maternelle. Donc on l'a fait comme ça. Après, je pense qu'il y a encore du job à faire avant qu'on fasse tout un morceau chanté en français !
D’ailleurs, comme beaucoup de chanteurs, on se rend compte que la voix peut être différente selon qu’on chante en anglais ou en français. T'es-tu déjà posé la question de savoir si tu préférais ta voix en français ou en anglais ?
Oui je pense que je la préfère en anglais ! C'est aussi parce que l'anglais est plus facile à chanter que le français, j'imagine. Il y a un peu plus de voyelles longues. Même si pour les francophones ce n'est clairement pas facile de parler anglais avec un bon accent. Il y a vraiment des petites subtilités qu’il m'a fallu pas mal de temps à capter. Par exemple, il y a un genre de « i » qui pour nous en français sonne normal comme un « i », mais qui ne doit pas sonner « i »… Enfin, ça m'a pris du temps à changer ça... Les « r » aussi, les « s » qui sont un peu différents... C'était bien de travailler avec Robin qui m'a bien emmerdé pour ça. Maintenant je pense que ça va on y arrive quoi, il a fallu quatre albums !
Sea of Reeds est une des trois seules chansons qui ne porte pas du tout le nom d'une ère géologique. C'est curieux, on a l'impression qu'il y a toujours une envie de se rattacher à l'univers de la mer. Elle fait un peu « chant de légendes marines » qu'on peut entendre dans pas mal de folklores… Y a-t-il un besoin au sein de The Ocean - et au-delà du nom - de se rattacher à la mer dans chaque album ?
Ça, ce serait peut-être plus une question pour Robin mais j'imagine que c'est un petit clin d'œil, de toute façon, à l'océan. Les paroles à la fin c'est « J'ai divisé l'océan pour toi », ça vient un peu du texte de Moïse de la Bible. Il y avait aussi peut être un petit re-pick sur Heliocentric de l'époque avec un thème qui revient comme ça j'imagine… Je ne sais pas, j'ai jamais vraiment posé la question à Robin s’il avait toujours l'idée de rajouter un terme de l'océan dans tous ses projets, dans tous ses sons.
© Photo de Jaqueline Vanek
C'est la première fois aussi, il me semble, que vous invitez une chanteuse dans The Ocean : je n'ai pas le souvenir qu'il y ait eu beaucoup de collabs, à part bien sûr avec Jonas Renske de Katatonia sur Nascent.
Il y en a eu : il y a eu un morceau dans Anthropocentric où une fille chante un morceau trip-hop justement qui fait penser un peu… ou qui irait bien avec Holocene ! C'est un morceau qu’on pourrait facilement rejouer, qu'on n'a jamais joué d'ailleurs parce que c'était une meuf qui l’a chanté, mais où il y a aussi beaucoup de synthétiseurs qui se marieraient bien avec les morceaux d’Holocene. Mais ouais, c'était le premier morceau qu'on a fait avec Karine Park, chanteuse du groupe Årabrot, qui a une voix incroyable, un univers incroyable. Ils sont signés chez Pelagic Records (label de Robin Staps, fondateur de The Ocean, ndlr) donc la collaboration fut plus simple. En plus, on avait tourné ensemble en 2019 avec Herod et Årabrot, c'est là qu’on avait noué des liens et qu'on s'est dits : « C'est le moment d'essayer Karin ! ».
Oui ça donne carrément un petit côté Portishead je trouve. Un peu dans la dystopie, dans la décadence : c'est assez intéressant !
Justement c'est marrant parce qu'il y a un morceau qu’on avait bossé avec Robin et on n’arrivait pas à trouver de voix intéressante. On lui a donc envoyé ce morceau sans lui donner de direction. On lui a dit : « Fais ce dont t'as envie » et puis au final on a été surpris, en bien! Donc c'est cool quand ça se passe comme ça!
Dans l'album en général on sent qu'il y a une vraie réflexion sur l'impact de l'Homme sur la Terre, et sur les sciences en général, particulièrement dans Parabiosis. Que penses-tu de toutes ces questions et comment as-tu pu les mettre en exergue de ton côté ?
J'y pense beaucoup à toutes ces choses, tous ces thèmes dont on parle dans le disque. Bon, après, pour les représenter quand tu chantes, c'est toujours un peu... je dirais compliqué. Ce qui m'intéresse quand je chante c'est de trouver une ligne vocale qui me plaît, une mélodie où je me sens bien ou un truc où je vais m'envoler un peu... Ensuite Robin s'occupe des textes et puis on essaie de travailler ça tous ensemble. Mais ils me parlent énormément parce que je trouve que ces thèmes sont d'actualité. Parabiosis, on est en plein dedans ! Le boom de l'intelligence artificielle en ce moment est assez ahurissant ! Il y aussi le problème du climat dont on a déjà parlé sur les anciens albums... Je pense que Robin sait toujours comment composer des morceaux qui sont adaptés à ce qu'on vit actuellement.
Pour terminer sur les chansons de cet album en particulier, dans le clip de Parabiosis vous présentez des versions âgées de vous-même. Qui en a eu l'idée ? Comment avez-vous trouvé leurs designs ?
C'est Drew, bassiste de Shy, Low (aussi signés chez Pelagic et avec qui on a justement tourné), qui a travaillé avec nous et qui en a eu l'idée car il est aussi réalisateur de clips. Quand on est partis en tournée aux États-Unis, il nous a suivis sur la moitié de celle-ci. C'est là qu'on a réussi à trouver un peu de temps pour faire des shoots, et c'est là qu'il a eu cette… très bonne idée ! Il y a une suite à Parabiosis avec le clip de Subatlantic. C'est un programme d'ordinateur qui nous a vieillis. Je ne sais pas exactement comment ni ce qui lui est passé par la tête… mais c'était une bonne idée !
Pour l'instant à ma connaissance vous avez seulement le festival ArcTanGent comme date à venir... Ce qui est déjà énorme car c'est un gros festival. Il y aura encore plein de gens de Pelagic pour ce que j'ai pu voir du line up…
Exactement et il y a aussi le Brutal Assaut en République Tchèque. Il y en a encore deux ou trois qui vont arriver… (nous avons appris entre temps que The Ocean sera également à l’affiche du Rockstadt Extreme Fest en Roumanie du 2 au 6 Août 2023, ndlr).
Avez-vous déjà short listé des morceaux d’Holocene que vous avez envie de présenter ou ce n'est pas encore fait ?
Non, honnêtement on a eu besoin de faire un break. Après la tournée avec Karnivool on n’a presque pas arrêté depuis le mois d'août, en fait. Comme je te dis il y a eu la pandémie, tous ces shows qui s'étaient annulés… Et puis tout d'un coup il y a tout qui s'est libéré, il a fallu tout rattraper. On ne pouvait pas vraiment dire non pour tourner avec Karnivool ou avec Katatonia parce que ce sont des opportunités incroyables ! Mais je dois te dire que l'on était vraiment tous fatigués à la fin de la tournée avec Karnivool. On avait tous eu besoin d'une pause et maintenant on peut se concentrer sur la sortie de l'album. On n’a pas du tout parlé encore de la setlist mais on ne va peut-être pas jouer les morceaux du nouvel album sur les festivals. On les fera sur la tournée au mois de septembre-octobre qu'on est en train d'essayer de monter en ce moment.
Et éventuellement avec Karine Park ?
Qu'elle vienne en tournée avec nous ? Pour un morceau ? Ah je ne pense pas honnêtement… Mais si ça match en termes de dates, ouais ! À fond, clairement !
Comme avec Lost in Kiev… C'était super sympa de te voir sur Prison Of Mind à Colmar !
Ouais à fond ! Si ça match pour une date, il n'y a pas de problème ! Après, la prendre en tournée pour une chanson c'est compliqué. Mais si on se retrouve ensemble, ce qui pourrait arriver dans le futur, qui sait…
Quand je vous ai découverts on voyait partout « The Ocean Collective » et j'ai l'impression que le mot « Collective » est complètement en train de disparaître des affiches, etc… Est-ce dû a un changement de philosophie du groupe ? J'ai l'impression qu'il y a moins de turn-over.
Honnêtement ce n'est pas moi qui gère les affiches mais c'est marrant parce que quand j'ai rejoint le groupe c'était encore le « collectif ». Ensuite il y a eu un line up un peu stable avec les Suisses qui étaient à l'époque sur deux ou trois ans, quatre ans même entre 2009-2013. C'est devenu « The Ocean », ils ont enlevé le « Collective » et après ils l'ont remis... Puis maintenant c'est vrai que le dernier line-up est stable depuis 2016, presque. Les derniers sont arrivés en 2016 et c'est assez stable depuis ce moment. C'est aussi peut-être un acte commercial, en fait si tu Googles juste « The Ocean » t'auras plus de trucs sur les dauphins ou sur les requins que sur le groupe. Si tu rajoutes « Collective » ça tape tout de suite dans le truc ! Alors je ne sais pas ce qui est le mieux.
Vous avez plusieurs nationalités au sein du groupe : l'Allemagne est fortement représentée, la Suède, la Suisse. Ressentez-vous ce multiculturalisme dans le groupe ? Est-ce qu'il y a eu des chocs culturels parfois entre vous ?
Non, parce que je pense qu'on est tous Européens ! On est quand même plus ou moins les mêmes, quoi. C'est marrant, on m'a déjà posé la même question. C'est pas comme si un mec était arrivé d'Inde et nous avait influencé avec de la musique indienne ou des rythmes un peu différents. Je pense que les Européens font quand même plus ou moins la même chose entre la Suède, l'Allemagne ou la Suisse.
On a déjà un petit peu parlé de l'influence de la science dans votre musique. Des membres ont-ils un bagage scientifique dans le groupe où est-ce un intérêt par curiosité?
Oui, Robin a clairement un bagage scientifique. Il est géologue justement ! Il a aussi un master en philosophie donc ce sont des thèmes qui lui tiennent à cœur, qui sont propres à lui. C'est pour ça que c'est lui qui écrit les paroles, c'est son projet, son bébé, c'est lui qui l'a fait ! Je pense qu'il le défend bien.
Il me semble que sur la composition de l'album précédent, vous aviez fait des allers-retours entre Robin Staps qui composait les instrus, toi qui posais une mélodie vocale et Robin qui écrivait les paroles sur celle-ci pour finir. Avez-vous gardé un peu le même schéma sur Holocene ?
Oui, on fait toujours comme ça en fait : il m'envoie un morceau, j'essaie de bosser sur une ligne de voix qui est assez cool. Je lui renvoie la ligne de voix et c'est là qu'on commence à écrire le texte, puis on essaye que tout ça marche. Ce n'est pas toujours facile de partir d’une mélodie et de mettre les mots dessus. Surtout quand on emploie des mots un peu techniques qui ne sont pas forcément toujours évidents à chanter. Mais bon, ça marche pas mal.
Au fil de toute la saga vous avez eu un vrai changement de style finalement : Precambrian est très brut, très métal, très indus, et puis finalement après on passe par Phanerozoic avec toute l'explosion du vivant organisé, etc… et maintenant à l’arrivée de l’humanité avec Holocene, on est carrément plus électro. Cette trame musicale avait-elle déjà été mûrie ? Ou est-ce que ça s’est fait un peu au hasard des évolutions, des envies musicales du groupe ?
Comme j'ai dit tout vient de cet album électronique que Peter a envoyé, rien n'était prévu. On devait sortir Phanerozoic II en avril à l'époque mais il a été repoussé au mois d'octobre à cause du début de la pandémie ! Et puis c'est là que Peter est arrivé entre deux avec ce projet, et on s'est dits : « Bah tiens, c'est marrant ce truc... On va essayer d'en faire quelque chose ! ». Forcément, ça n'allait pas être un album metal parce que c'est Peter qui a composé et que la base est électro.
Envisage t-il quelque chose de durable avec son side-project SHRVL ?
J'imagine qu'il aimerait s'il trouve du temps ! Il a encore un super studio (on y a d'ailleurs enregistré les batteries). Il a vraiment une super structure dans le nord de l'Allemagne où il est ingénieur du son. Et puis il est assez casanier il n'aime pas trop tourner, il aime bien son confort, sa vie : il vit dans une ferme dans la nature… donc ouais !
Après la date à Colmar, nous avions parlé de notre admiration commune pour Tool et Nine Inch Nails. Quand on regarde l'évolution de ces deux groupes, ils sont aussi partis d'un son très indus ou assez crade, que ce soit sur Downward Spiral pour NIN ou sur Undertow pour Tool... et quand on écoute ce qu'ils ont fait récemment, c'est exactement le même cheminement ! On va sur du plus clair, plus électro…
Ouais, j'imagine que c'est une évolution qui est un peu normale. Au niveau de la voix, je veux dire, tu ne peux pas crier à 50-60 ans comme tu pouvais crier à 20-25 ans. Ce n'est humainement pas possible parce que la voix se fatigue. J'imagine qu'il y a une tendance à se calmer, quand tu deviens vieux ou un peu plus âgé, que je vois déjà maintenant chez nous. Après, j'imagine que pour un groupe comme Slipknot c'est différent… enfin, je crois qu'il font déjà quelques morceaux un peu plus cools…
À propos de vos tournées, as-tu un meilleur souvenir à me raconter ?
Ah, il y en a eu tellement… Pour moi, ce serait peut être les pays exotiques… La première tournée qu'on a fait en Chine. Ça a été assez incroyable, le choc !
Quel est le pays qui vous a le mieux accueilli ?
Là où on a pu trouver le plus facilement des endroits où dormir, c'était aux États-Unis je pense. C'est marrant, les Américains, c'est les mecs les plus avenants de la planète en fait ! Ils sont très… très « Welcome » quoi ! Alors par contre, l'Angleterre, si tu cherches un endroit où dormir, tu peux oublier ! Pour eux, c'est genre impossible ! En France on est toujours bien accueillis. Ouais, je te dirais que là où on a été le mieux accueillis, ça doit être aux États-Unis je pense.
Vous avez fait un certain nombre de festivals jusque là. Vous étiez au Motocultor en août dernier, il y a eu le Hellfest en 2019 aussi… Quel a été votre meilleur festival pour l'instant ?
Le Hellfest ça restera un des tops, hein ! On adorerait y rejouer bientôt, j'espère ! Qu'est-ce qu’il y a eu sinon ? Le Roskilde ! Le Roskilde au Danemark, c'est un super festival, vraiment ! Une super ambiance, ils ont un village d'artistes qui est vraiment cool ! L'accueil est super, les gens sont sympas, tout le monde est souriant, tout le monde fait la fête, c'est assez cool ! Un des meilleurs festivals où j'ai été, je dois dire ! Mais il y en a tellement, en fait, qui sont aussi bien !
Et est-ce qu'il y en a un que vous rêveriez de faire ou de refaire ?
Il y a le Hellfest ! Il y a tous ces gros festivals… On n'a jamais fait le Download, on aimerait bien ! Vers Glastonbury, ça doit être cool de faire ça. Ou bien en Suisse ! J'aurais bien aimé peut-être jouer au Montreux Jazz ou le Paléo Festival. En tant qu’artiste Suisse, je dirais ça. Peut-être un Allemand te dirait le Rock Am Ring, le Rock in Park, ce sont aussi des grosses machines. En même temps, à ces gros festivals, il y a tellement de groupes et tellement de choses qui se passent qu'il vaut peut-être mieux jouer dans des plus petits festivals où on s'occupe presque mieux de toi. Ce n'est pas qu'on s'occupe mal de toi au Hellfest, ce n'est pas ce que je veux dire ! Mais il y a plus de rapports humains, tu partages des choses entre humains... Au Hellfest, il y a tellement de gens, de hiérarchie...
Vous jouez à l'ArcTanGent cet été. Est-ce qu'il y a un groupe à l'affiche que vous aimeriez bien aller voir sur place ?
Je crois qu’on joue le soir de Swans, c'est possible… Donc je vais aller voir Swans, c'est sûr ! Et je vais mettre des boules Quies, parce que c'est très, très fort ! Je n'ai pas vraiment regardé l'affiche encore, je ne sais plus quel jour on joue, je crois que c'est le vendredi.
C'est effectivement le vendredi oui, avec Swans, Enslaved, Heilung, LLNN…
Heilung, justement, j'ai vu une vidéo ! Je ne connais pas le groupe du tout… Ça a l'air d'être assez incroyable ! Il y a Converge aussi, j'ai vu qu'ils jouaient, et Playgrounded aussi… Ouais ils ont une belle affiche cette année !
Parlons maintenant de ta technique vocale. Comment choisis-tu quelle partie d'un morceau sera en chant clair ?
Honnêtement, je n'ai pas vraiment d'idée au départ. J'ai l'impression qu'en général, je chante un peu plus sur les couplets et je crie sur les refrains... Mais bon, chaque morceau est un peu différent. Sur le dernier album, on sent clairement que le cri a un petit peu moins sa place. Donc c'est pour ça que je le mets un peu plus de côté.
L'un des contrastes les plus réussis, je trouve, c'est sur The Great Dying. Partir sur un premier couplet en scream, puis enchainer tout en douceur, je trouve que c'est une super idée !
C'est vrai que The Great Dying a été fait différemment. Honnêtement, c'est le plus compliqué à chanter en live pour moi ! Quand il est placé dans la setlist, si c'est plutôt à la fin du concert, alors que j'ai la voix qui se fatigue... Il n'y a pas de miracle, le fait de jouer tous les jours, ça use... nous, on a parfois fait douze ou treize concerts d'affilée sans day off ! Tu te fatigues et puis t'arrives à cette partie, après une heure de concert, où il faut vraiment avoir une voix superbe, et elle est un peu rocailleuse…
Tu bascules parfois en voix de tête du coup ?
Non, non, elle n'est pas en voix de tête, plutôt en voix pleine, elle est un peu forcée. Mais c'est un chouette morceau, je l'adore !
D'ailleurs, quel est ton chanteur ou ta chanteuse préférée ?
Comme je pense qu'on en avait discuté, c'est Maynard James Keenan de Tool ! C'est mon chanteur préféré ! Sinon, il y a Duplantier de Gojira !
Et bien justement ! Je trouve qu'il y a une sonorité un petit peu Gojira sur le morceau Subatlantic...
Ah oui exactement ! Il y a un riff qui est un petit peu comme ça… C'est vrai, c'est vrai ! Mais lui, Joe Duplantier, c'est un excellent crieur par exemple !
Mais c'est pareil : il s'est mis à la voix claire sur le titre Amazonia !
Ouais ! Mais je pense que c'est l'évolution. Ça va être leur évolution à eux aussi, à mon avis. Ça ne veut pas dire qu'ils vont abandonner le métal, mais ce n'est pas un mal, je veux dire ! Tu as d'autres choses à dire dans ta vie… C'est marrant, parce que je me disais que des fois, les fans ont envie d'avoir deux fois le même album, tu sais… Il y a quatre ans d'espace après un album et ils sont déçus que le nouveau ne sonne pas comme celui d'avant ! Parfois, ils ont besoin d'un peu de temps aussi pour l'écouter et pour s'adapter. En tout cas moi, en tant qu’artiste, je n'aime pas trop faire deux fois la même chose. Surtout dans le créatif ! D'autant plus qu'on joue des morceaux tous les jours, donc on les rejoue, encore et encore... alors au moment de créer, tu as envie de changer !
Justement, as-tu déjà essayé d'autres registres vocaux ? Par exemple vraiment du growl ou du lyrique ?
Je pense que le growl c'est pas mon truc, en fait. Je ne sais pas comment ils font ça ! J'imagine que c'est un travail, comme tout. Je ne veux pas faire du lyrique, ça me parle moins…
As-tu une « routine beauté de la voix » ? Comment l'entretiens-tu, justement ?
Je pense que je ne suis pas vraiment le meilleur mec à qui demander ça. Je suis quand même un peu rock'n'roll ! Mais je me chauffe quand même la voix, ouais ! L'idéal c'est de se chauffer une demi-heure avant les concerts. Après le concert, j'essaye de ne pas parler pendant un petit moment. Si tu veux tenir sur le long terme… Mais après, t'as quand même envie que ce soit marrant, quoi ! Il ne faut pas oublier le facteur funny… Si tu dois enlever l'alcool et tout...
Il faut se remonter le moral : vous êtes souvent loin de vos familles ! Je crois que d'ailleurs vous avez aussi passé Noël loin de chez vous cette année à cause de ça...
Ouais, c'est la première fois cette année que je n'ai pas passé Noël avec ma maman ! Ça m'a fait bizarre ! Mais c'était marrant de faire l'expérience une fois. En plus on était à Punta Arenas, tout au bout du Chili ! C'était assez incroyable ! C'était magique, vraiment... woah !
Il commence à y avoir pas mal de projets solo qui fleurissent : que ce soit Fern pour Paul Seidel (batteur), ou SHRVL pour Peter Voigtmann… Est-ce que toi, par hasard, tu aurais aussi un projet solo qui te trotte dans la tête ?
Oui j'ai des morceaux ! J'en ai même pas mal que j'ai enregistrés, déjà avant de rejoindre The Ocean. Je n'ai toujours pas trouvé les personnes avec qui travailler, ni trouvé le temps pour m'y mettre. Mais un jour ça arrivera, c'est sûr !
Comment t'es-tu retrouvé dans The Ocean ? Parce qu’avant, il y avait eu d'autres chanteurs...
C'est eux qui m'ont trouvé via l'ingénieur du son de l'époque : leur ingénieur de tournée, qui avait un studio à La Chaux-de-Fonds qui s'appelait Studio Mécanique. On avait enregistré une démo là-bas. Et puis le jour où Mike, le précédent chanteur, a décidé de quitter le groupe, il m'a envoyé un message : « Tiens, le groupe cherche un chanteur, tu devrais essayer ! ». Il m'a mis en contact avec Robin qui m'a envoyé trois morceaux dont Firmament. Et puis voilà, je lui ai renvoyé et il m'a fait : « Bon, bah, welcome ! ».
Comment s'est faite la collaboration avec Lost in Kiev ? Ils t'ont rencontré via Pelagic ?
Complètement, ouais ! C'est Max (Ingrand, guitare et synthé, ndlr) qui a demandé à Robin parce qu’il aimait bien ma voix. Ils sont fans aussi de nos séances. Et puis il m'a demandé mon contact, il m'a envoyé le morceau. C'était pendant la pandémie et le morceau m'a tout de suite plu quand je l'ai écouté ! J’étais là : « Ah ouais ! C'est un super morceau ! Très facile à chanter, très easy mélodiquement... ». J'ai fait tout de suite un essai, ça m'a plu et j'ai dit « Allez ! Yes ! On y va ! ».
Mais ils avaient déjà une idée de mélodie pour la voix ? Ils t'ont déjà envoyé une maquette avec du chant ou avez-vous fait comme avec The Ocean ?
Non, pas du tout ils m'ont juste envoyé le morceau et puis il m'a dit qu'il fallait peut-être un peu pousser la voix au milieu… Sans vraiment donner de mélodie ou de direction. J'ai écrit les paroles après la mélodie. Même si je m'occupe du texte, je vais d'abord travailler sur une mélodie puis essayer de mettre les mots dessus.
Est-ce que vous avez d'autres dates prévues avec eux éventuellement ?
En même temps que Lost in Kiev ? Non, malheureusement pas… Par contre ils jouent à Paris le 27 Mai je crois, pour le Post in Paris, et ils m'ont demandé de venir. Je pense que je vais y aller pour faire juste ce morceau là !
Pour finir sur un registre plus léger : si vous deviez inviter un dinosaure à rejoindre le groupe, ce serait quelle espèce ? Et à quel poste ?
Alors je ne me rappelle plus des noms, mais ce serait un de ces dinosaure qui ressemble à une espèce d'hippopotame avec une espèce de crête comme ça, tu sais….
Un stégosaure peut-être ? Avec les plaques ?
Peut-être un stégosaure qui ferait du xylophone ! Qui taperait sur des machins en bois ! C'est énorme ! Ce serait assez cool !
Et maintenant, quelques questions à choix rapide. Vin ou bière ?
Clairement vin ! J'habite en Suisse dans une région viticole en fait, dans le Valais, avec beaucoup de vin mais à petite échelle parce que c’est tout petit. Je suis très branché vin, plus que bière ! Je n'aime pas la bière, en fait.
Avant, pendant ou après les shows ?
Avant, pendant et après ! (Rires)
Eurodance ou Euro2024 ?
Plutôt Eurodance peut être ! Et puis le sport, c’est un peu fini, je crois…
Faux cils ou énergie fossile ?
Plutôt faux cils.
On revient sur la géologie : quartz ou basalte ?
Quartz pour les énergies !
Ammonite ou amanite ?
Plutôt amanite tue-mouches !
Chats ou chiens ?
Clairement chats ! Il y en a un qui est en train de dormir quelque part… Je ne sais pas trop où il est. J'en ai trois en tout, ça fait beaucoup !
Et enfin notre dernière partie : on va te faire voir une vidéo à la manière de « xxxx reacts to… » : est-ce que tu connais Imperial Triumphant ?
Écoute, le nom me dit quelque chose, clairement !
Il me semble que vous aviez des cuivres sur votre premier album... Il y a du cor dans un des morceaux, de mémoire.
Ouais, ce n'est pas sur le premier album, il y en avait dans Heliocentric, sur la fin d'Origin of God. Il y a une explosion de trompettes, de saxophones, et tout ça… Mais ouais, c'était clairement l'idée d'utiliser des cuivres sur ce disque parce que ça a une couleur très spéciale, les cuivres. C'est très solennel, très martial, très différent des cordes !
Eh bien du coup je t'invite à regarder quelques instants le clip, c'est un groupe new-yorkais.
Intro au piano, ok… Après un peu de cuivres, parce qu'on aime toujours les cuivres ! J'ai déjà entendu ce morceau en plus ! Je pense que je l'ai peut-être vu dans un film ou quelque chose, non ? (changement radical de style après deux minutes, ndlr). Trop bien ! Moi ça me parle, c'est vraiment cool ! On dirait du free jazz, avec la clarinette et la trompette... ah, c'est cool !
Leur batteur est très bon, le batteur de Meshuggah a déclaré dans une interview qu'il aimerait pouvoir jouer comme celui d'Imperial Triumphant ! (cf cette interview sur Metal Injection).
Ah ouais, c'est un bon batteur ! Avec les masques et tout, c’est quand même pas facile en plus ! Portez un masque en live c'est… (il soupire, ndlr). Et puis les masques sont cools en plus ! Ils sont vraiment bien ! J'irai checker tout ça !