LAIBACH annonçait hier le 29 août son futur album baptisé Wir Sind Das Volk par une chanson intitulée Ich will ein Deutscher sein. Oui, ça sent très, très fort le troll et le point Godwin. Et en effet, ça ne rate pas comme en témoigne la vidéo :
Il ne s'agit pas d'un clip à proprement parler mais d'un montage sur le tableau Epiphany II (Adoration of the Shepherds) de l'artiste autrichien Gottfried Helnwein. La vidéo examine les détails du tableau avant que l'on ne puisse voir l'ensemble : la partie droite du tableau représente une femme tenant un enfant, d'où le titre du tableau qui renvoie à la scène religieuse de "L'adoration des bergers", référence à un épisode de l'évangile attribué à Luc, tandis que la partie gauche du tableau, les hommes dont nous avons vu défiler les portraits, est une reproduction d'une célèbre photographie de propagande nazie représentant de jeunes SA en adoration devant Hitler... Ce tableau est le deuxième d'une série de trois "Epiphany" de Gottfried Helnwein, tous des détournements religieux d'imagerie nazie, suscitant un mélange bizarre entre la naïveté de l'iconographie religieuse et l'agressivité de l'imagerie totalitaire. On ne s'étonne guère que la démarche ait plu à LAIBACH ! La vidéo a été réalisée avec le monteur vidéo Lukas Miheljak, avec lequel le groupe a déjà travaillé entre autres pour le clip So Long, Farewell (vous savez, lui, là).
Le morceau, quant à lui, s'il n'a pas grand intérêt musical (ce n'est manifestement pas le but), s'accorde en effet très bien avec le tableau : le chant, qui n'est de toute évidence pas celui de Milan (Boris Benko ?) exprime avec une niaiserie surjouée son désir d'être allemand sur fond de chœurs et de piano... Ce n'est d'ailleurs pas la moindre des ironies de la part de LAIBACH si l'on se rappelle de la politique de germanisation forcée imposée à la Slovénie pendant la seconde guerre mondiale !
Quant à Wir Sind Das Volk, on sait déjà de l'album qu'il s'agira de la musique du projet Wir Sind Das Volk - Ein Musikal nach Texten von Heiner Müller, projet théâtral basé sur des textes du dramaturge est-allemand Heiner Müller dont on peut admirer la bande-annonce à l'atmosphère pesante :
Heiner Müller, à la fois communiste et critique du régime de la République Démocratique d'Allemagne ce qui lui valut les foudres de celui-ci, s'était investi dans le soulèvement ayant abouti à la chute du Mur de Berlin -le titre est évidemment une référence au slogan "Wir Sind Das Volk" ("Nous sommes le peuple") par lequel les manifestants en Allemagne de l'est s'opposaient à la bureaucratie qui prétendait agir au nom du peuple.
Comme l'explique la page dédiée à l'évènement sur le site du centre culturel Kino Šiška à Ljubljana, cette mise en scène est une initiative d'Anja Quickert, à la tête de la Société Internationale Heiner Müller (International Heiner Müller Gesellschaft), laquelle a invité LAIBACH à s'y joindre. Le groupe, quant à lui, dit avoir rencontré Heiner Müller en 1985, qui lui a dit connaître leur travail et l'aurait ensuite utilisé dans l'une de ses créations théâtrales (le groupe ne précise pas laquelle). Anja Quickert, elle, explique son projet par une réflexion sur les ambiguïtés politiques du mot "volk" ("peuple", donc, avec cependant une connotation historique plus ethnique qu'en français), utilisé suivant les époques comme invocation révolutionnaire ou comme instrument d'exclusion au service d'un fantasme d'homogénéité. Voilà qui tombe à pic pour LAIBACH qui s'y connaît autant en ambiguïtés qu'en mises en scène dérangeantes !
Pour finir, on notera que parmi les invités participant à Wir Sind Das Volk - Ein Musikal nach Texten von Heiner Müller se trouve entre autres familiers du NSK une certaine Mina Špiler !