Nous nous éloignons un peu de la musique le temps d'une triste nouvelle : le producteur et réalisateur Roger Corman, auteur d’œuvres cultes comme The Trip, La Course à la Mort de l'An 2000, La Petite Boutique des Horreurs ou encore L'horrible cas du docteur X est mort le 9 mai à l'age vénérable de 98 ans. Surnommé "le Roi de la Série B", son nom a été attaché à une quantité impressionnante de films plus ou moins recommandables, de la SF des années 50 (La Femme Guêpe, L'Attaque des Crabes Géants...) à quelques nanars des années 2000 et 2010 (Sharktopus et des suites / remake de La Course à la Mort de l'an 2000). Malgré cette étiquette pouvant sembler réductrice, Corman était aussi un découvreur de talent qui a lancé certains des plus grands noms du cinéma (Scorsese, Coppola, Nicholson, De Niro, Bogdanovitch, Joe Dante...) : au-delà des amateurs de choses déviantes, c'est donc tout cet art qui est en deuil.
Surtout, nous nous souviendrons de lui pour ce que nous considérons ici comme l'apogée d'une impressionnante carrière et son apport au cinéma fantastique et gothique dans les années 60. Ses productions avec l'American International Pictures et tout particulièrement sa série d'adaptations de Poe avec Vincent Price en vedette ont alors été une réponse américaine aux choses qui se faisaient en Angleterre du côté de la Hammer par exemple. Gravitaient alors autour de ces films une série de légendes des recoins les plus obscurs du cinéma (Peter Lorre, Boris Karloff, Basil Rathbone...) mais aussi des jeunes loups qui y faisaient leurs premières armes (un certain Richard Matheson à l'écriture du scénario, Jack Nicholson tout pimpant ou encore Francis Ford Coppola comme assistant : on a vu pires destins).
Pour saluer cet incroyable parcours, on ne peut que vous recommander de vous (re)plonger dans l'ambiance brumeuse de décors cachés par des tonnes de fumée pour masquer le manque de moyens et d'acteurs cabotinant avec un second degré délicieux : La Malédiction d'Arkham, L'Empire de la Terreur, The Comedy of Terror réalisé par Tourneur mais que Corman produit et qui réunit tout ce joli monde pour la dernière fois, ou encore l'OVNI gothique qu'est L'Halluciné (ou Le Château de la Terreur), film improvisé en un temps record pour continuer à profiter de décors utilisés sur un film précédent. Jack Nicholson y tient son premier rôle principal... et, pour tenir les délais, le scénario a été réparti par Corman entre divers assistants (dont Coppola et Nicholson) pour tourner plus vite, chacun réécrivant ses parties juste suffisamment pour que le résultat n'ait aucun sens mais y gagne un parfum onirique particulier !