Est-ce qu'on s'attendait à revoir 3TEETH aussi rapidement sur le sol français, même pas un an après leur concert en première partie de MINISTRY (report) ? Pas forcément. Et en tête d'affiche aux Etoiles ? Encore moins : leur date dans cette même salle au printemps 2018 n'avait pas forcément laissé un souvenir impérissable : pas de première partie (merci Live Nation pour sa générosité, hein) et pas vraiment de public non plus. Entre temps, le groupe de metal industriel californien a continué son ascension, sorti un troisième album et jouera au prochain Hellfest. Cette fois, ils ont droit à une première partie et non des moindres : le duo techno-indus MOAAN EXIS, que l'on aime beaucoup ici, montait à la capitale pour faire transpirer un public qui, cette fois, répondait présent.
MOAAN EXIS
On a eu l'occasion de voir MOAAN EXIS à plusieurs reprises ces dernières années, ce qui nous permet de mesurer l'évolution du projet de Mathieu Caudron. L'époque où il se produisait dans le noir, devant un écran et derrière ses machines semble désormais bien loin. Sur l'excellent Postmodern Therapy (chronique) sorti l'an dernier, il se risquait au chant et doit maintenant assumer un rôle de frontman. On en avait eu un aperçu en première partie de SHAÂRGHOT, mais c'est un nouveau show que le duo venait proposer au public ce soir-là.
Venu avec son matériel lumière, MOAAN EXIS peut proposer un visuel enfin à la hauteur de la puissance de sa musique. Des rayons nous fracassent la rétine alors que Xavier Guionie hache menu nos tympans avec sa frappe de malade. Mathieu Caudron, lui, gambade dans tous les sens, possédé par une énergie infernale que seules les dimensions restreintes de la scène semblent pouvoir contenir. "Des hommes musclés !" aclame quelqu'un dans la foule, comme à chaque date. On rigole bien, les muscles luisent et imposent le thème de la soirée : ce soir, aux Etoiles, c'est biscottos et sueur.
On avait peur que MOAAN EXIS vienne à Paris pour jouer devant un public épars. Il n'en est rien : la salle est déjà bien remplie, mais surtout ça réagit dans la fosse. La nouvelle formule de MOAAN EXIS fonctionne particulièrement bien en live et il est difficile de résister à ces beats agressifs, la techno tribale et mystique se transformant en pure rage. Le concert ne durait qu'une demi heure, ce qui est cruellement trop court et surtout ne laissait pas de place aux respirations (bien que les parties plus atmosphériques de Witness, baignée dans la même couleur rouge que dans son superbe clip, en étai un aperçu), ni aux anciens titres uniquement instrumentaux : on a eu droit à trente minutes de pure furie et un nouveau titre (Necessary Violence). Un choix pertinent quand il s'agit d'accrocher un public qui n'était pas forcément familier du travail de MOAAN EXIS mais qui, évidemment, n'était pas représentatif de toute l'étendue de l'univers du duo.
Le show était énorme et intense. Date après date, on a vu MOAAN EXIS se transformer et, petit à petit, trouver sa place sur scène et devenir un rouleau compresseur impressionnant. Ils reviennent à Paris en mai, pour un show qu'on espère plus long. Vivement !
Setlist :
01. Witness
02. Imminent
03. Momentum
04. Overwatching Chaos
05. Postmodern Therapy
06. Street Rage
07. Necessary Violence
3TEETH
On ne va pas se mentir : l'histoire d'amour entre 3TEETH et la France a mis du temps à démarrer. Le succès que rencontre le groupe outre-Atlantique et au Royaume-Uni ne semblait pas encore se transposer chez nous. Il y avait eu cette date en mai 2018 dans une salle pas franchement comble, puis cette première partie de MINISTRY, souvenir mitigé face à un public encore une fois peu présent (on était en juillet, Paris était vide et le Hellfest encore trop proche), avec des lumières que ne contrôlait pas le groupe et une scène empêchant toute proximité avec les quelques fans présents. Pourtant, cette fois, la salle est bien remplie et l'excitation a eu le temps de monter lors du show de MOAAN EXIS.
Le groupe arrive sur scène, dans l'obscurité et la fumée, au son d'Hyperstition, introduction du récent Metawar (chronique). La scène est basse, la proximité avec le public idéale, l'ambiance intimiste créant dès les premiers instants une énergie spéciale. Alexis Mincolla dissimule sa tête sous un masque, mais ça ne l'empêche pas de remarquer qu'il y a vachement plus de monde que la dernière fois, quand ils avaient joué "devant quarante personnes", ce dont il nous remercie en toussant un bon coup sur le premier rang. 3TEETH venait d'avoir sa date à Milan annulée à cause de l'épidémie de Coronavirus, ils n'allaient pas se priver d'en rigoler un peu ce soir, ni de partager quelques germes.
La sauce prend immédiatement, alors que les titres de Metawar fonctionnent bien mieux en live que sur l'album, gagnant une lourdeur nouvelle qui faisait défaut au rendu studio, peut-être un chouïa trop propre. Mincolla tombe le masque dès le deuxième titre, révélant son improbable crête-mulet décoloré sortie tout droit d'un nanar des années 80. Tout le personnage est improbable, d'ailleurs, avec ses grands gants, ses bras couverts de suie, ses biceps de macho (on vous avait dit que c'était thématique muscles) et sa gestuelle à mi-chemin entre la mante-religieuse, le reptile et le culturiste. D'ailleurs, ses postures ont inspiré quelques memes qu'on vous partage pour le plaisir.
On pouvait trouver les fois précédentes qu'il manquait à 3TEETH un petit quelque chose pour s'imposer en live, un peu de show qui, sans basculer dans le grand spectacle donnerait à l'univers plus de présence. On l'a enfin eu : visuellement, cette fois, c'est un régal. Les lumières stroboscopiques sont toujours de la partie, mais le groupe a enfin le contrôle sur les projecteurs et peut installer son univers fait principalement de rouge et de noir, nous plongeant dans ce monde dystopique et science-fictionnel mis en avant par les différents clips et artworks. Le masque reptilien de Lex sur President X est la petite touche qui permet de conclure sur un rappel amusant, fidèle au ton satirique du groupe. Le metal industriel pachydermique de 3TEETH a beau ne pas être des plus variés, on ne s'en lasse pas. Des morceaux comme Degrade, Slavegod ou Pit of Fire, à la fois lourds et sauvages, sont d'une efficacité redoutable en live.
Cette fois, on peut dire que ça y est. Le public était là, on en a pris plein les yeux et plein les oreilles, il y avait des muscles, de la sueur et du gros boum-boum : 3TEETH a enfin eu droit à une belle date chez nous. On devrait les revoir bientôt : pour eux, la machine est lancée depuis déjà un moment, et avec de nouveaux morceaux inédits qui sortent très bientôt et un passage au Hellfest (où l'on espère que le public leur réservera un accueil chaleureux), la hype ne devrait pas s'essouffler tout de suite.
Setlist :
01. Hyperstition
02. Affluenza
03. EXXXIT
04. American Landfill
05. Time Slave
06. ALTÆR
07. Sell Your Face 2.0
08. Degrade
09. Slavegod
10. Chasm
11. Insubstantia
12. Pit of Fire
13. Atrophy
14. Tabula Umbra
15. Master of Decay
16. President X