Bleu Reine a le chic pour mettre en scène la venue au monde de son premier album. La première fois que nous avions entendu parler de La Saison Fantôme, c'était début 2022 lors d'une série de concerts aux Déchargeurs, monument historique dont on dit qu'il avait servi de caveau à Nicolas Flamel... C'est finalement presque deux ans après que l'on retrouve l'artiste, de nouveau dans un sous-sol parisien culte, Le Klub (dont les épais murs ont aussi assisté à toutes sortes d'alchimies). On peut enfin fêter la sortie du disque pour de bon. Le lieu était tenu secret, l'entrée gratuite sur invitation, et il y avait même une distribution de chocolats à l'entrée (si vous en aviez un de couleur bleue, vous gagniez un tee-shirt) !
Léa Lotz, l'âme qui soupire sa mélancolie dans Bleu Reine, sait mettre son public à l'aise. Dans une atmosphère bienveillante (forcément, on a eu du chocolat), elle se présente seule avec sa guitare le temps d'un petit set acoustique, sous un spot bleu, évidemment. Plutôt que de nous jouer uniquement La Saison Fantôme, qui sera diffusé plus tard dans la soirée, elle parcourt sa carrière faite de spleen intimiste et de chagrins poétiques. Chaque titre est introduit par des anecdotes drôles et touchantes, des réflexions philosophiques confuses sur les films d'action avec Nicolas Cage et les premiers bisous gluants de quand on est ados. On rit de bon cœur à ces échanges, qui servent aussi bien à évacuer un peu de nervosité qu'à instaurer une ambiance chaleureuse... mais aussi à prendre un peu de recul pudique entre deux testes très personnels.
Parfois, Léa Lotz est accompagné d'un groupe. Ce n'est pas le cas ce soir mais ça ne manque pas spécialement : la configuration solo sied parfaitement à l'intimisme de la soirée. Les spectres qui hantent Bleu Reine se lamentent tout de même de façon plus concrète quand Léa Jacta Est la rejoint sur scène pour ajouter la touche hors du monde et mystérieuse de son thérémine. De ces chansons, entre folk et shoegaze, on retient cette élégance éthérée, cette sobriété désarmante dans l'expression des émotions, cette grâce dans la simplicité, ces clairs-obscurs constants où la lumière traverse le désespoir, ou l'inverse. Fruit de trois ans de vie, La Saison Fantôme peut enfin commencer et ça s'annonce très beau.