En début d'année, CARPENTER BRUT sortait Leather Terror (chronique), un album plus sombre et agressif que les précédents et qui promettait quelques belles suées en live. Le patron de la synthwave avait deux autres arguments de poids dans ses valises : SIERRA et HORSKH en première partie, ça a sacrément fière allure et rien que d'imaginer une salle de la dimension du Zénith transformée en club cyberpunk rétro-futuriste par tout ce très beau monde, on en avait des fourmis un peu partout.
SIERRA
En 2016, Annelise Morel lançait son projet SIERRA. Six ans plus tard, dont deux de pandémie (qui ne comptent pas vraiment), la voilà sur l'immense scène du Zénith face à une foule déjà imposante. Il y a sûrement de quoi avoir un peu les chocottes, on en tremblerait même pour elle. La jeune artiste nous rassure en une poignée de secondes en attaquant : des grosses basses, un tempo assez lent, une mélodie simple mais qui se vrille un passage dans nos tympans pour ne plus les quitter et quelques spoken words glacés, SIERRA cogne très fort avec son entrée en matière. On connaissait sa musique aux influences synthwave, dark wave, EBM et EBSM, mais en live ça prend une toute autre ampleur : il y a tout d'abord elle, la musicienne, qui incarne ses compositions avec conviction et énergie, mais aussi ses lumières à la fois élégantes, sobres et efficaces qui instaurent immédiatement une ambiance cyberpunk réussie. Techniquement, c'est parfait : SIERRA a d'ailleurs le son le plus propre de la soirée, ample, précis, massif. Le set monte en intensité, la réponse du public fait chaud au cœur (on ne peut déjà plus circuler dans la fosse) et des titres comme Gone ou Last Breath, son dernier single en date, sont des cartons immédiats. On pouvait craindre qu'une personne seule ait du mal à transmettre autant sur une scène si large, avec une musique qui ne facilite pas forcément l’interaction avec le public... Tu parles ! SIERRA habite son show avec assurance et son univers prend une toute autre dimension en concert, notamment grâce à un show lumière impressionnant et chirurgical. On est au Zénith depuis une grosse demi heure et les nuques sont déjà courbaturées. Ça c'est de l'entrée en matière !
HORSKH
Avec HORSKH, pas d'inquiétude, pas de surprise : on connaît déjà, on sait que c'est une valeur sûre. La vraie surprise, c'est finalement leur présence à l'affiche, annoncée il y a tout juste quelques jours en remplacement d'ULVER. Tout de suite, c'est une autre ambiance que le projet de Kristoffer Rygg et son évolution synthpop... En revanche, pas de problème de cohérence après SIERRA : on retrouve le même genre d'ambiances, avec un bon gros supplément de violence. Le groupe, récemment devenu un trio, attaque comme la tradition l'exige sur Strayed Away : pas de timidité ni de fausse modestie, autant massacrer immédiatement tout le monde sous un rouleau-compresseur. Le set se déroule à toute allure en enchaînant les titres les plus efficaces (Mud in my Wheels, Engaged and Confused, Common Crimes et compagnie). Première partie oblige, le temps de jeu est assez court et on n'aura pas droit aux parenthèses instrumentales déglinguées qui nous font d'habitude souffler, sauf en toute fin de set. Pour le reste, eh bien, la routine, quoi : ça strob, l'énergie est monumentale, le chanteur Bastien a enfin assez de place pour cavaler tout son saoul (il leur faut de l'espace à ces bêtes-là !) et communiquer à chaque personne sa rage et son envie d'en découdre et on apprécie le bonus d'épaisseur et d'agressivité apportée par la guitare supplémentaire. On a beau les avoir vus deux mille fois, c'est toujours la grosse claque mais cette soirée avait une saveur particulière : voir du gros indus énervé qui mord fort sur une scène de cette dimension faisait sincèrement plaisir. L'occasion est rare, et vu la réaction du public on peut espérer que HORSKH aura à l'avenir plein de nouveaux grands espaces pour gambader comme des furieux et tout casser.
CARPENTER BRUT
Déjà une décennie que le projet de darksynth electro-rigolo CARPENTER BRUT vient nous chatouiller les oreilles à grand renfort de basses saturées et d'envolées électroniques sataniques. Que de chemin parcouru pour le français qui enchaîne désormais tournées américaine et européenne dans les plus grande salles, rameutant un public toujours plus éclectiques, bien que majoritairement métalleux.
C'est sur Everybody des BACKSTREET BOYS que l'arrivée imminente des musiciens sur scène est annoncée, histoire de décontracter l'atmosphère avant de nous plonger dans les ténèbres. C'est en effet dans une ambiance infernale, sous une lumière rouge angoissante et avec un visuel du Diable en fond, que l'artiste, entouré comme à chaque fois d'un guitariste et batteur live, nous accueille avec son Opening Title suivi de Straight Outta Hell. La foule, déjà bien chauffée par SIERRA et HORSKH, répond immédiatement à ce deferlement d'agressivité en bougeant d'un bloc avant de reprendre en choeur le refrain de Widow Maker, également extraite du dernier album. On découvre ce soir un CARPENTER BRUT plus communicatif et proche de son public, qui n'hésite pas à passer devant son pupitre pour saluer et serrer des mains au lieu de rester planqué derrière son synthé comme on y avait été habitués. Le groupe enchaîne plusieurs morceaux des premiers EP (Roller Mobster, Meet Matt Stryker, Paradise Warfare, Run, Sally, Run) avant de partir sur les plus récentes Day Stalker/Night Prowler aux couleurs plus cyberpunk. La salle se transforme ensuite en véritable boîte de nuit le temps de Lipstick Masquerade pour laquelle on a la chance d'avoir la performance live de PERSHA, présente pour l'occasion. Le light show est puissant et il fallait clairement éviter d'être épileptique ce soir-là dans ce Zenith noyé sous les stroboscopes. Le groupe déballe ses hits les uns après les autres et la fosse bien énervée réagit au quart de tour.
Après une première moitié de show efficace bien qu'un poil trop gentillette à notre goût, le groupe nous fait basculer dans un seconde partie plus dark, plus agressive. On est écrasés par la puissance qu'apportent en live la guitare et la batterie au titre Imaginary Fire - on regrette que le chant ne soit qu'une bande sonore même si on comprend qu'il est difficile de faire venir tous les artistes en featuring pour un concert. La montée en puissance se poursuit avec Leather Terror et son black metal accompagné de synthés endiablés avant d'exploser sur l'ultra tube Turbo Killer pendant laquelle le public, complètement en transe, execute un wall of death à la demande du maître de cérémonie. Le perv met un point d'orgue à cette grande messe noire en déchaînant littéralement les flammes de l'Enfer (oui, il y avait du feu). Le show se termine dans une ambiance plus décontractée avec la reprise désormais culte de Maniac et Yann Ligner (chanteur de KLONE) est ce soir présent aux côté de Persha pour pousser la chansonette avec la foule totalement envoutée.
C'est donc encore une fois un succès pour CARPENTER BRUT et une nouvelle soirée placée sous le signe de l'electronique et du metal, même si on aurait aimé un peu plus de variété au niveau des ambiances visuelles (du rouge, du rouge, du rouge, un peu de noir : c'est Stendhal qui fait les lumières ou quoi ?) et un son un peu moins fort et brouillon par moment. Mais peut-être est-ce un choix pour sonner plus méchant, comme sur le dernier album ? Tiens en parlant de ça, l'histoire racontée depuis Leather Teeth est totalement absente du show et cela n'a pas manqué de nous surprendre. Mais bon, on aura bien transpiré, pogotté et dansé, et à la fin y'avait du feu et des confettis, et c'est tout ce qui compte !