Dark Tranquillity + Moonspell + Wolfheart + Hiraes @ Bataclan - Paris (75) - 10 novembre 2024

Live Report | Dark Tranquillity + Moonspell + Wolfheart + Hiraes @ Bataclan - Paris (75) - 10 novembre 2024

Pierre Sopor 13 novembre 2024

Vous en connaissez beaucoup, vous, des concerts qui se retrouvent complets DEUX FOIS ? Prévu dans un premier temps à la Machine, le passage de Dark Tranquillity, Moonspell, Wolfheart et Hiraes a suffisamment déchaîné les passions pour être reprogrammé au Bataclan et sa jauge presque deux fois supérieure par l'organisateur Garmonbozia, qui peut se féliciter de son éclair de lucidité... car c'était finalement de nouveau sold-out. L'affiche réunissant monstres sacrés et formations plus récentes qui montent a de quoi attirer les foules, que l'on soit amateur de grosses guitares bien méchantes ou d'envolées mélancoliques, et ce dimanche veille de jour férié arrange bien les affaires de tout le monde. D'ailleurs, la file d'attente est intimidante dès 17h30 et arriver une demi-heure à l'avance garantit tout juste de passer les portes de la salle pour voir le début du concert. On a eu chaud !

HIRAES

On vous avoue sans honte qu'ici, Hiraes n'est pas vraiment un groupe dont nous sommes familiers. Le groupe allemand  s'est formé en 2020 et a déjà ses adeptes à en croire les tee-shirts que l'on croise dans la foule et les pancartes brandies dans les premiers rangs de la fosse. On comprend rapidement d'où vient ce succès : Hiraes a tout ce qu'il faut pour embarquer son audience en live. Les gros jets de fumée qui jaillissent sous les pieds des musiciens leur donne une présence infernale toujours trop cool parce que la fumée, les enfers et tout ça c'est très très bien, mais surtout la chanteuse Britta Görtz donne de sa personne. Au-delà de la performance vocale, impitoyable, ses larges sourires communicatifs et sa proximité avec le public qu'elle descend saluer chaleureusement et longuement en plein morceau la rendent forcément sympathiques. Malgré la brutalité de leur death metal mélodique, malgré la fumée des enfers, on en ressort donc avec l'impression d'avoir passé un moment très choupi.

WOLFHEART

Wolfheart pas choupi. Wolfheart pas content. Wolfheart cranes d'animaux sur les pieds de micro. Wolfheart muscles. Choupi mort. Wolfheart, qui accompagnait déjà Moonspell lors de leur tournée de 2022, nous remue l'intérieur et l'extérieur avec la régularité et la fiabilité d'une essoreuse. Pourtant, on note aussi dans leur musique des passages orchestraux et cinématographiques qui y apportent une profondeur bienvenue, des touches mystérieuses ou horrifiques que l'on aurait adoré retrouver plus souvent qu'en intro ou conclusion de morceaux. Le groupe finlandais n'est pas là pour nous distraire vers des promesses baroques ornementales, ni d'ailleurs trop imposer des racines folk que l'on devine pourtant au coeur du projet, et nous envoie son death metal lourd, intransigeant et sauvage en pleine poire, nous servant essentiellement des morceaux de son récent Draconian Darkness et de son premier album, Winterborn. D'une infaillible régularité et consistance, les Finlandais ne sauraient être accusés d'incohérence et continuent d'explorer toujours plus profondément leurs thèmes de prédilection, d'approfondir un univers plein de nord, de dragons, de bêtes sauvages, de feu, de glace et de ténèbres. Les amateurs en ressortent galvanisés, mais un peu groggy aussi.

MOONSPELL

Moonspell en live, c'est toujours la promesse d'un bon moment grâce au charisme de ses membres et l'enthousiasme que met Fernando Ribeiro, ce grand polyglotte sympathique, à s'adresser à son public en français. On se demandait bien ce que les portugais allaient pouvoir nous jouer, n'ayant rien sorti de nouveau depuis début 2021... Eh bien, nous avons eu droit à une setlist un peu best-of qui boudait malheureusement les deux derniers albums du groupe, les excellents Hermitage et 1755 défendus en live lors des tournées précédentes.

La bonne surprise, c'est de voir à quel point le très gothique Extinct de 2015 continue d'avoir une place d'honneur au même titre qu'Irreligious. On a donc droit aux indispensables Opium, Breathe (Until we Are No More) ou encore Night Eternal. Quand Ricardo Amorim se lance dans un solo, tous les projecteurs se braquent sur lui mais côté spectacle on est partagés entre la chevelure à la bonne humeur évidente du bassiste Aires Perreira et les mimiques impliquées de Ribeiro, showman et meneur toujours aussi efficace. Sa voix chaude et profonde n'a rien perdu alors que ses rugissements résonnent dans le Bataclan, accompagnés de ses touches méditerranéennes mélancoliques piquées au fado qui donnent à la musique de Moonspell son ampleur.

Certes, Ribeiro a coupé ses cheveux et les gadgets ont disparu (fini la lanterne, fini les lasers et autres joyeusetés) mais pour le divertissement il reste Alma Mater. Un bon gros hymne que toute la foule chante en choeur alors que les lumières de la salle nous enrobent de vert et de rouge, les couleurs du Portugal. Un peu de chauvinisme, un truc fédérateur qui met tout le monde d'accord : Moonspell tient là son hymne de stade avant, bien sûr, de conclure de FullMoon Madness. C'était super, comme d'habitude : générosité, puissance, noirceur... Maintenant, on a hâte de les retrouver avec de nouvelles choses à nous faire entendre !

DARK TRANQUILLITY

On pourrait recycler les mots plus haut : Dark Tranquillity en live, c'est toujours la promesse d'un bon moment grâce au charisme de ses membres et à l'enthousiasme communicatif de Stanne, leader sympathique et souriant... mais qui ne se risque pas au français, lui. Vu qu'on ne s'est pas risqués au suédois, ça va, balle au centre.

Pour mieux perdurer, Dark Tranquillity a passé les dernières années à changer de peau : le line-up du groupe suédois s'est retrouvé tout chamboulé autour des piliers Mikael Stanne (chant) et Martin Brändstörm (claviers). Après 35 ans d'activité, le groupe a prouvé avec le récent Endtime Signals (chronique) qu'il n'avait ni perdu sa vigueur ni sa boussole : la formule fonctionne toujours et les nouveaux morceaux passent très bien entre leurs ainés tels que ThereIn ou The Final Resistance.

Le groupe a mis le paquet sur le show, avec tout plein de projecteurs et des écrans, on en prend plein les mirettes et le dispositif apporte une vraie valeur ajoutée par rapport aux récentes apparitions en festival ou même aux précédentes tournées. Stanne cavale, se penche vers son public pour le saluer et prouve que sa voix claire a décidément fière allure quand enfin il s'y risque (son récent side-project gothic rock Cemetery Skyline ne nous laissait d'ailleurs aucun doute à ce sujet).

Si Endtime Signals est évidemment à l'honneur, la setlist est généreuse et pioche un peu partout pour faire étalage des compétences du groupe, de ses influences thrash à ses coups de spleen gothiques, comme Hours Passed in Exile ou Not Nothing, le tout soutenu par les claviers de Brändstörm, indispensable. On a droit à quelques surprises (Empty Me, rarement jouée par le groupe) et les fans sont bien servis mais ne disent pas non à un peu de rab : le dessert sera un final sous forme d'indispensables avec Misery's Crown, Lost ot Apathy et The Wonders at Your Feet.

Dark Tranquillity a assuré le spectacle et a offert à ses fans ce qu'ils venaient voir et a même fait en partie mentir ceux qui disaient avant que Dark Tranquillity, c'est toujours super mais c'est toujours un peu pareil. Le plaisir semblait partagé et malgré les dimensions de la scène, malgré un dispositif ambitieux et souvent l'impression que Dark Tranquillity pourrait devenir un jour un groupe "de stades", ce qui nous touche le plus reste ce mélange de générosité et de simplicité que dégage le groupe, cette sincérité dans l'échange. Ils s'amusent, ils remercient et ne sont jamais avares en rien, leur aura étant bien plus solaire que leur musique. Finalement, ce n'était ni très dark, ni très tranquille, mais c'était très bien... et quand même choupi !