Dool + Dirty Black Summer @ Petit Bain - Paris (75) - 25 septembre 2022

Live Report | Dool + Dirty Black Summer @ Petit Bain - Paris (75) - 25 septembre 2022

Pierre Sopor 29 septembre 2022 Pierre Sopor

Début 2020, DOOL, un des plus beaux miracles musicaux des dix dernières années, sortait son deuxième album, le magnifique Summerland. Forts d'une réputation de groupe à voir en live, les Hollandais annonçaient une tournée commune avec SECRETS OF THE MOON. Plus de deux ans après, la tournée à été repoussée puis annulée, SECRETS OF THE MOON a splitté et Summerland n'a toujours pas été joué sur scène. Et puis, alors que l'été touche à sa fin, que l'air se rafraîchit et qu'une légère brume recouvre les quais de Seine, enfin, la délivrance : DOOL va jouer à Petit Bain grâce à la persévérance et la confiance de Garmonbozia, l'organisateur qui a maintenu l'événement malgré un salle loin d'être complète...

DIRTY BLACK SUMMER

Avant la tête d'affiche, il y a DIRTY BLACK SUMMER. L'événement leur colle l'étiquette grunge : ça fait un peu peur, mais ça fait aussi envie. Grunge, ça peut vouloir dire tee-shirt Nirvana trouvé chez H&M et rengaines pop-rock vaguement mélancoliques... ou bien ça peut vouloir dire cheveux crades qui trempent dans la bière et spleen d'écorché vif. Heureusement, chez DIRTY BLACK SUMMER on sait y faire : les Cannois aiment la lourdeur, le sale, les émotions qui raclent le fond des entrailles et les longs cheveux gras. On pense évidemment à DANZIG et son morceau Dirty Black Summer, à ALICE IN CHAINS, mais aussi à TYPE O NEGATIVE pour cette pesanteur, ce désespoir glauque qui colle à la peau. On les soupçonne d'avoir un penchant pour les musiques plus méchantes : après tout, on retrouve dans le groupe JB Le Bail, chanteur du désormais défunt groupe de black metal SVART CROWN, et désormais de IGORRR. "Ce morceau est dédié aux gens qui n'ont absolument aucune d'estime d'eux-mêmes", introduit Michael, le chanteur. Ambiance. Dans la pénombre de Petit Bain, le groupe nous plonge dans une ambiance très 90's, sincère et authentique. On ne prend pas la pose, on ne triche pas, on joue avec conviction, même quand il faut reprendre Womanizer de Britney Spears. C'était cool.

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DOOL

La salle est à moitié vide. DOOL n'a pas de business-plan bien rôdé, pas de visuel tapageur, pas de costumes. DOOL, ce soir, est un très beau secret partagé par les personnes qui ont la chance d'être là. DOOL, ça tue : les regards se croisent, on se sourit, on se dit que ça va être top, on "sait". Ce n'est pas un hasard si les types de HANGMAN'S CHAIR, les patrons du gros rock / doom / coldwave mélancolique français, boivent un coup au bar : ils s'y connaissent et eux aussi, ils "savent".

On sait que DOOL est incroyable, que leur musique tout en nuances entre ombres et lumières qui pioche dans le rock gothique, le doom, le grunge et même la pop prend en live une nouvelle dimension grâce au charisme incroyable de la chanteuse Ryanne Van Dorst, grâce à l'ensemble du groupe qui met toutes ses tripes, toute sa rage, toute sa frustration dans chaque geste, chaque note. Les morceaux gagnent une nouvelle intensité, on admire l'équilibre entre les trois guitares qui se répondent et construisent des chansons sans esbroufe technique mais où tout est au service de l'expression et du partage des émotions, où des accords sont joués en boucle et où, petit à petit, les mélodies naissent et meurent. On admire aussi ce chant impressionnant, à la fois autoritaire et sensible et la grâce de tout cela.

Summerland, chez DOOL, et d'après Richard Matheson, désigne l'au-delà. "Nos chansons parlent de la vie, de la nature... et de la mort" nous dit Van Dorst. La vie, la mort, c'est déjà faire le deuil d'anciens titres qui laissent leur place à ceux de Summerland : on y perd, on y gagne, adieu The Alpha et Vantablack, bienvenue à Wolf Moon, Sulphur & Starlight et compagnie. Le sublime va de pair avec le doux-amer, les transitions entre les titres sont soignées et les chansons se suivent à un rythme effréné. Le temps passe beaucoup trop vite dans cette petite bulle intime. Le groupe vient chercher chaque personne présente en s'emparant de son âme et nous offre jusqu'à sa dernière goutte de sueur. Tout est parfait : la performance, le son, la construction du set et sa dernière partie qui enchaîne le crescendo d'Oweynagat, la lourdeur de cette terrible reprise de Love Like Blood de KILLING JOKE ("pour les boomers" taquine la chanteuse) et, enfin, Dust and Shadow, intense, dramatique, romantique et magnifique conclusion où la mort est un tourbillon d'émotions, la mélancolie et l'esprit d'aventure qui accompagne cette plongée vers l'inconnu y sont associés avec une justesse poignante. Et puis c'est fini. Rien n'aurait pu être joué après, de toute façon : on tient là la meilleure chanson d'enterrement possible. DOOL remercie, DOOL s'en va, et laisse son public encore secoué par une performance d'une puissance unique.

Il y a les concerts qui amusent, les concerts qui défoulent, les concerts qui font réfléchir. Et il y a DOOL, qui retourne les tripes et offre une parenthèse cathartique magnifique. Il n'y avait pas foule ("bah non, c'était pas fool, c'était dool"), mais tant pis, et puis tant mieux : ce précieux secret reste entre nous, les chanceux qui "savent". Et merci, merci au groupe et à Garmonbozia d'avoir assumé de maintenir enfin cette date, malgré un contexte toujours difficile pour les concerts. C'était exceptionnel, sans exagération. DOOL termine sa tournée et va nous "bouder un nouvel album". On a hâte !

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