Avec la sortie en 2016 de leur second album Achtzehnhundertunderfroren, EISFABRIK s'offre leur toute première tournée en tant que tête d'affiche. Depuis une paire d'années déjà, le groupe de synthpop fait fureur auprès du public allemand et se voit programmé dans nombres de festivals (Darkflower Live Night, Gothic Meets Classik, NCN, Autumn Moon Festival). Après une première tournée en première partie de PROJECT PITCHFORK l'an dernier, EISFABRIK revient donc cette fois tout en haut de l'affiche. Pour cette tournée intitulée Nichtsommertour (tournée pas d'été), le groupe s'est entouré de la jeune formation EVO-LUTION ainsi que du routier de la musique électronique Dirk Scheuber, qui a lancé également en 2016 son projet SCHEUBER. VRDA a assisté à l'avant-dernière date de cette tournée marathon, à Bochum, au club Rockpalast, qui jouxte les portes du Matrix.
Evo-lution
La soirée débute timidement à 20h avec EVO-LUTION. Le public n'est pas encore au rendez-vous, et c'est bien dommage. Dans la scène electro, il faut bien avouer qu'il est rare de trouver une première partie qui ne chante pas faux. Et EVO-LUTION fait plutôt très bien son boulot de chauffeur de salle. La toute récente formation allemande enchaîne les quelques morceaux de leur EP Looking Forward sorti en 2016 avec les encouragements bien mérités du public. Certes, c'est un groupe de Futurepop de plus, mais doté d'un professionalisme assez remarquable, d'un charisme en live à faire pâlir de grands noms et de mélodies efficaces et bien ficelées. La salle se remplit progressivement et après un petit set de 35 minutes à peine, EVO-LUTION sort de scène sous les demandes de rappel. Le groupe, en fin de tournée, ne manque pas de rappeler le plaisir qu'il a eu à voyager avec ses comparses à travers l'Allemagne durant ce dernier mois. Plaisir partagé.
Setlist :
01. Cross all Lines
02. Herzschlag
03. Society of Today
04. Geh!
05. Looking Forward
06. Magic of a Gun
Scheuber
Le second groupe à faire son entrée sur scène se compose du claviériste Dirk Scheuber, ici chanteur, et son acolyte live au clavier, Marcus. Le proejt solo SCHEUBER est à peine né qu'il est déjà encensé par le public. Certains visiteurs sont clairement venus pour le célèbre musicien, membre de PROJECT PITCHFORK depuis maintenant 28 ans. Côté musique, il sait définitivement y faire. Les refrains sont d'une efficacité mordante, et le public danse avec frénésie et hurle déjà les paroles par coeur. Rappelons que le projet vient de publier son premier opus, The Me I See, en août dernier, mais il n'a pas fallu plus de temps aux fans de la première heure pour s'emparer de cette Futurepop rythmée. Côté mise en scène, par contre, il faudra repasser. SCHEUBER a tout piqué à Peter Heppner, de la position statique pendant tout le set à la tablette posée près du micro pour réciter les paroles. Le public, qui lui a bien appris sa poésie, s'en trouve un peu déçu il faut l'avouer. Mais cela ne l'empêche pas d'applaudir chaudement la performance du duo, qui repart lui aussi après à peine une petite demi-heure.
Eisfabrik
Les groupes s'enchaînent ce soir-là au Rockpalast. À peine 10 minutes de battement entre EVO-LUTION et SCHEUBER, et seulement 15 entre ce dernier et l'usine à glace. Sous une ovation hors du commun, EISFABRIK entre en scène et se lance. Le groupe a acquis en peu de temps une loyauté peu commune de son public de tout âge. Il faut bien le dire : EISFABRIK ne révolutionne pas la musique électronique. Mais il apporte un vrai vent de fraîcheur et d'optimisme. La scène synthpop, EBM, futurepop, malgré ses notes un peu kitsch pouet-pouet et quelques actes dansants comme AND ONE, reste dominée depuis 30 ans par un côté sombre, nostalgique, mélancolique et froid. Le froid, ç'est leur dada aux copains de EISFABRIK, mais le groupe a réussi à inverser cette tendance dark et à faire de ses concerts un événement positif et joyeux. Ce côté décomplexé et pas sérieux leur confère un air sympathique et leur permet d'atteindre des cibles bien plus diverses que les éternels gothiques en mal de vivre. Jeunes, vieux, très jeunes et très vieux viennent célébrer le froid avec EISFABRIK dans une ambiance plus que bon enfant.
Avec EISFABRIK, on danse tout du long sans même sans apercevoir. Et surtout, on prend quelques bains de mousse. Dès la troisième chanson, A Million Lights, la Schneemaschine se met en route, pour le plus grand plaisir du public. C'est devenu la marque de fabrique du groupe. Comme on n'imagine plus un concert d'AGONOIZE sans pluie de sang, impossible d'envisager un concert de EISFABRIK sans la traditionnelle tombée de neige. La force du groupe, c'est bien entendu sa mise en scène bien huilée. Il suffit de petites choses pour devenir unique. EISFABRIK joue à fond la carte du froid et du déguisement, des pieds de claviers gelés aux lunettes de soleil avec ampoules LED. Tout devient objet de spectacle. Les pieds d'instruments sont toujours d'un ennui mortel et on essaye au maximum de les cacher, souvent par des trucs encore plus gros et moches. Ici, ils deviennent le centre de l'attention, l'intérêt photogénique du concert. Baskets blanches, pantalons et sweats blancs, et bien sûr barbe blanche pour le Papa Noël du groupe, Dr Schnee ; rien n'est laissé au hasard.
Les succès s'enchaînent, venants aussi bien du premier opus When Winter Comes (Friends, A Million Lights), que de Eisplanet (Strom, I don't miss it, Walking Towards the Sun, Maschinen, Timeless, Eisplanet) et du tout nouvel Achtzehnhundertunderfroren. Le nouveau single, Hell is made of Ice, sert même d'intro au concert, une accroche particulièrement efficace. Mais ce qu'attend le public, ce sont les interactions... animalières. EISFABRIK ne se compose pas que de 4 musiciens sur scène. Il a aussi ses animaux de compagnie qui sillonnent le parquet de danse et animent le spectacle. Ainsi, un ami yeti se cache dans le public durant le concert et invite les gens à danser tout du long. Son co-équipier rejoint parfois le groupe sur scène, comme notamment pendant Friends. À l'approche de Maschinen, le groupe annonce son traditionnel robot, en ajoutant malheureusement que ce dernier est cassé. En fait, le pauvre est malade comme un chien et ne parvient pas à ramper jusqu'à la scène. C'est du balcon, côté backstage, qu'il fait donc un petit numéro de laser.
le clou du spectacle, c'est évidemment la reprise de GRAUZONE, Eisbär. EISFABRIK clôture toujours ses concerts par ce morceau absurde et son refrain qui clame que les ours polaires ne doivent jamais pleurer. À l'époque de GRAUZONE, Eisbär avait cet effet contradictoire d'un titre aux paroles légères et enfantines, porté par des arrangements New Wave dépressifs à faire pleurer les grands-mères. La magie de EISFABRIK, c'est de transformer le morceau et de le servir au troisième degré. Le groupe en fait une vraie chanson pour enfant, un hymne à la fête, en totale dérision des mouvements electro dark. Le groupe est pour ce titre rejoint par ses deux yetis et un ours polaire qui joue tour à tour les claviériste, chanteur et chef d'orchestre. Le concert se termine par une pluie de mousse et une orgie festive sur scène. Plus de deux heures de live sans pause et avec toujours la même ferveur.
Alors non, EISFABRIK n'a pas révolutionné l'art de la musique electro. Mais il se consomme sans modération pour ce qu'il est : un divertissement, une fête, une bouffée d'air positif. Si on m'avait dit un jour que je danserais avec un yeti...
Setlist :
01. Hell is Made of Ice
02. Polar Night
03. A Million Lights
04. Magical Winter
05. Strom
06. Zu den Sternen
07. Cry for You
08. Sensations of Pain
09. Love Planet 69
10. Rainbow Child
11. The Survival of the Strongest Mind
12. Maschinen
13. Timeless
14. I don't miss it
15. A Murdered Love
16. Walking towards the Sun
17. Far Away
18. Friends
Rappel :
19. Ice Crystal
20. White Storm
21. Eisplanet
22. Eisbär