On a beau avoir eu l'occasion de se faire rouler dessus par Horskh un bon nombre de fois, le groupe n'avait pas joué en tête d'affiche à Paris depuis 2018. Entre-temps, le duo était devenu un trio, deux albums sont sortis et surtout Horskh a enchaîné les premières parties prestigieuses (Carpenter Brut, Perturbator, Igorrr, Skinny Puppy...) pour attirer un public forcément conquis à grands coups d'assauts industriels imparables. Est-ce que la stratégie a été payante ? Direction le Backtage by the Mill pour vérifier ça : si l'on n'a aucun doute sur la puissance de la performance, il restait à voir comment le public répondrait. L'affiche avait d'ailleurs sacrément de la gueule : inspiré, Le Périscope programmait Sonic Area en première partie, associant deux des plus beaux projets de la scène industrielle française.
Sonic Area
Sonic Area était le parfait "beforskh" : si le projet d'Arco Trauma n'a finalement pas énormément de choses à voir avec la violence furieuse du trio de Besançon, ça permettait déjà de se mettre en condition sans se faire un claquage dès le début de soirée. Fidèle à ses habitudes, Sonic Area maîtrise comme peu de projet solo de "gars avec ses machines" l'efficacité de la sobriété, comment faire beaucoup avec pas grand chose, une forme de discrétion et d'élégance sans surenchère mais qui sert le projet et donne vie à un univers unique. Il y a ces quelques fleurs posées sur son barda et puis toujours bien sûr ce masque mystérieux sur lequel le public peut projeter à peu près ce qu'il veut, ce qu'il ressent dans la musique.
Le set est consacré à Ki, dernier album en date (chronique) et son thème très zen, inspiré par le Japon. On respire, la musique est apaisante et les sons organiques se mélangent à l'électronique, le traditionnel au futuriste. Avec délicatesse, ce spectre synthétique hypnotise un public venu nombreux et livre une performance toujours énigmatique et fascinante. Si l'on est curieux de voir vers quels horizons Sonic Area nous emmènera à l'avenir, nous avons une nouvelle fois eu la confirmation que cet artiste est aussi discret qu'indispensable (il hante, via ses collaborations, remixes et autres travaux de production et mastering énormément d'autres projets) et que Sonic Area fait partie de ce que la musique ambient, industrielle et électronique a de plus précieux en France.
Horskh
Il y a plusieurs années, nous constations sur ce même site, avec un certain effarement il faut bien le dire, qu'il existe une tendance inexplicable dans le public parisien : pas mal de ces zouaves prononcent ça "Horchque" en dépit de toute logique et surtout en dépit d'un h clairement positionné en fin de mot. Figurez-vous qu'en 2024, les parisiens n'ont toujours pas appris à lire et que le débat fait toujours rage : Horskh ou Horchque ? On s'en fout. Horskh n'est pas fait pour se prononcer, ni même s'éternuer. Horskh se reçoit en pleine tronche et là, le souffle coupé, on n'a plus trop envie de la ramener et discuter linguistique.
A nos interrogations initiales sur l'accueil qu'allait recevoir le trio des hurlements enthousiastes apportent une réponse immédiate : la tactique de se faire repérer en première partie de plus gros groupes était la bonne et Horskh a désormais sa horde d'adeptes, des vieux fidèles aux petits nouveaux... Et, surtout, le public est chaud. On a rarement vu une telle énergie pour le groupe, qui est enfin la star de la soirée. Le show s'y prête : Horskh a évolué et a désormais un répertoire riche de plusieurs titres ultra-efficaces à l'effet instantané. L'éclairage est moins agressif qu'avant, les strobs explosifs détruisent moins les rétines qu'auparavant comme pour accompagner une mutation vers une approche plus fédératrice, une accessibilité dans le sens noble du terme qui va se paire avec une popularité grandissante. Des riffs qui mordent fort, des beats qui tabassent, la patate de Bastien, toujours possédé, et son chant rageur si communicatif : Horskh est un rouleau-compresseur survitaminé et viscéral ultra-jouissif.
Côté setlist, les nouveaux titres cartonnent (Turbine On pour entamer la soirée, tout de suite, ça pose une intention de ne pas traîner en chemin) mais on a aussi l'agréable surprise d'avoir toujours droit à quelques "vieillerie" : certes Strayed Away n'ouvre plus le carnage mais Engaged and Confused, Victim ou Damaged Ropes n'ont pas vieilli d'un poil. En revanche, nous, on perd facile 10 ans d'espérance de vie pendant le concert. En même temps, ne vit-on pas pour mourir ? Horskh en live, c'est le genre de tuerie dont on ressort essoré, plus cabossé qu'en début de soirée, mais plus vivant aussi.