Pour la deuxième fois en 2019, les Islandaises de KÆLAN MIKLA venaient poser leurs bagages à Paris le temps d'un concert. Le trio donne l'impression d'être perpétuellement sur la route et enchaînera d'ailleurs début 2020 avec une grande tournée en première partie de ALCEST. Après la date au Black Star, c'est cette fois-ci à la Boule Noire que la sensation darkwave à découvrir de toute urgence se produit, encore grâce aux services de Voulez-Vous Danser, un organisateur qui a le bon goût d'offrir au public français une programmation aussi riche que pointue et de lui faire découvrir des artistes plus confidentiels. C'est d'ailleurs le cas avec LEROY SE MEURT, chargé d'assurer la première partie.
LEROY SE MEURT
Il y a fort à parier que très peu de personnes présentes ce soir ne connaissaient LEROY SE MEURT avant le concert. Avec juste un récent EP à son actif, le projet est encore tout jeune. Il y avait donc de quoi être surpris quand le duo démarre son set : l'electro est agressive, rentre-dedans. Le chanteur, pull informe, large jean et visage caché derrière ses cheveux, donne l'impression de sortir d'un groupe grunge des années 90.
C'est quand le frontman s'empare du micro que LEROY SE MEURT dévoile son identité, rageuse et viscérale, alors qu'il crache au visage du public un texte scandé avec hargne, crié même. Ça vient des tripes, ça cogne fort et la colère qui semble animer l'artiste trouve son écho dans les beats agressifs de la musique. Les morceaux sont longs, l'univers est radical et réussit à convaincre le public qui se laisse prendre, attiré par l'énergie des deux musiciens. LEROY SE MEURT semble piocher aussi bien du côté du punk pour la spontanéité que du hip-hop pour la scansion et le sens du verbe. Il y a parfois un air de FIXMER/MCCARTHY dans la méchanceté des rythmes, mais des expérimentations plus noise viennent nous rappeler qu'avec LEROY SE MEURT, on danse peut-être, mais surtout, on se meurt. Et on le fait avec rage et panache.
Setlist :
01. Baptême du Mépris
02. Retour Poussière
03. Vicdan
04. Nefas
05. Poème de Cemal Sureya
06. A la Dérive
07. Corpus Rebello
08. Évasion
KÆLAN MIKLA
Un concert de KÆLAN MIKLA commence comme un rituel magique. Les trois musiciennes s'installent sur scène, cachée par l'obscurité et un voile de fumée alors que Sólveig Matthildur, au synthé, lance l'intro Gandreið. Laufey Soffía agite une clochette et un bâton d'encens pour marquer le début du rituel avant que sa voix, étonnamment puissante, ne résonne dans l'air. Le sort est lancé et l'envoûtement est parti pour durer un peu plus d'une heure, le temps pour les trois moires venues du froid de glacer la Boule Noire avec leurs hymnes synth-punk. Le son de la salle rend merveilleusement justice à la musique du trio, alors que la basse de Margrét Rósa Dóru-Harrýsdóttir prend toute son importance sur Kalt, et les incantations haut perchées de Soffia fendent la brume.
Le jeu de scène est sobre mais il se dégage de ces lumières tamisées et danses discrètes une réelle poésie, une atmosphère irréelle qui fait de KÆLAN MIKLA un groupe unique en live. Les trois sorcières ont beau avoir un univers sombre, parfois inquiétant (l'interprétation possédée de Nótt Eftir Nótt est un grand moment d'ambiance hantée), il se dégage également une réelle bienveillance de la performance. Ce ne sont d'ailleurs pas les interventions timides et souriantes de la chanteuse, à la voix et au souffle éprouvés par sa performance, qui vont entamer notre sympathie pour le groupe.
Avec sa musique mélancolique et glaciale qui pourtant réchauffe, KÆLAN MIKLA a une fois de plus fait preuve de toute son élégance et sa subtilité sur scène. Le succès grandissant du trio est amplement mérité et ne devrait pas s'essouffler de si tôt : le charme opère toujours, intact. Merci à Voulez-Vous Danser pour l'organisation de la soirée et à Xavier pour l'accréditation.
Setlist :
01. Gandreið
02. Hvernig Kemst ég Up
03. Draumadís
04. Upphaf
05. Kalt
06. Nornalagið
07. Næturblóm
08. Skuggadans
09. Ándvaka
10. Nótt eftir nótt
11. Glimmer og Aska
12. Óráð