KING DUDE n'est pas un artiste particulièrement rare, que ce soit en studio ou sur scène : en sortant globalement un album par an, l'artiste rend visite tout aussi souvent au public parisien. Sa dernière visite remontait à l'année dernière à quelques jours prêt et c'était déjà à Petit Bain. Tout comme en 2016 et en 2015... La plus chouette péniche de Paris pour les concerts (le son et l'agencement y sont quand même au top) est un terrain connu pour lui et les gens présents n'en sont probablement pas à leur premier rodéo. Les premières parties, assurées par THE DARK RED SEED et KÆLAN MIKLA promettaient une soirée placée sous le signe des musiques sombres, mystérieuses et ancrée chacune dans son folklore.
THE DARK RED SEED
Avec un premier album vieux d'à peine six mois sorti sur le très recommandable label Prophecy, THE DARK RED SEED est une découverte pour beaucoup. Il s'agit en fait du projet de Tosten Larson, chanteur et multi-instrumentiste qui joue notamment dans KING DUDE, à la guitare ou au clavier. Si en studio il s'est entouré d'autres musiciens, c'est seul qu'il se présente sur scène. Les lumières sont rouges et il fait sombre : c'est "dark" et "red", malin. Si l'artiste revendique des influences variées allant des SWANS au hard-rock, on se rend vite compte que les morceaux joués ce soir ne ressemblent pas franchement à ceux entendus sur l'album Become Awake. Seul, Tosten Larson propose des versions alternatives des titres de The Antagonist, Awakening et Ancient Sunrise qui se retrouvent mélangées et sonnent tout de suite plus intimistes. Si l'on pense forcément à Nick Cave, le musicien dégage en plus quelque-chose de très américain. C'est peut-être son allure générale : à la manière de la tête d'affiche de la soirée, il y a quelque chose d'indéfinissable dans son attitude, sorte de cow-boy macho impeccable, seul face à une salle se remplissant peu à peu, jouant dans la pénombre ou sous l'ombre de Johnny Cash. C'est très lynchéen, tout ça. Et puis, des six morceaux joués, quatre sont nouveaux ou inédits. Le set est court, mais c'est pile ce qu'il fallait : tenir la scène seul plus longtemps aurait probablement été compliqué. Mine de rien, il y a trois groupes à caser avant le couvre-feu.
Setlist :
01. The Antagonist
02. Lower Case G.
03. Awakening / Ancient Sunrise
04. The Fields
05. 4th of July
06. The 7th Dimension
KÆLAN MIKLA
KÆLAN MIKLA marque une sacrée parenthèse dans la soirée. On quitte la musique ténébreuse aux accents dark-folk imprégnée de folklore américain et débordant de téstostérone pour découvrir le post-punk glacial dopé aux synthés de ces trois filles venues d'Islande. En très peu de temps, KÆLAN MIKLA est devenu un petit phénomène à la popularité galopante et l'arrêt du groupe à Paris fait figure de petit événement, à quelques semaines de la sortie de l'album Nótt Eftir Nótt. Après THE DARK RED SEED, l'ambiance lumineuse se refroidit sacrément : il fait sombre mais la couleur dominante est le bleu. On se les pèle en Islande et KÆLAN MIKLA n'est pas là pour réchauffer l'ambiance ( d'après google trad, le nom veut dire quelque chose comme "le grand glacier" ou "la grande glacière" : on saisit l'idée). Le concert démarre d'ailleurs dans le noir : c'est mystique, étrange, effrayant aussi un peu, avant que les trois musiciennes rentrent dans le vif du sujet avec le hit Kalt (le froid, encore). On pense à THE BIRTHDAY PARTY ou JOY DIVISION, notamment pour le son de la basse, mais entre les morceaux les plus organiques de KÆLAN MIKLA et ce qui se passe sur scène, il y a un fossé. Le synthé est très présent ici, l'électronique domine, ça envoie même sévère et confère une nouvelle énergie à la musique. Le public se trémousse sous les hululements de banshee stridents, désespérés et parfois autoritaires de Laufey Soffía. Comme on ne comprend pas grand chose à l'Islandais, on a un peu l'impression de se faire engueuler mais la musicalité toute particulière de la langue confère à la musique une aura bien spéciale. Surprise, malgré la froideur et la dureté du son, très goth, les trois moires vikings dégagent sur scène une espèce de bienveillance et de modestie inattendue, trahie par un sourire par-ci, un remerciement par-là, ou leur façon de saluer le public après le concert. Le set alternait entre titres accrocheurs et rentre-dedans et passages plus atmosphériques, c'était varié et les filles de KÆLAN MIKLA se sont montrées à la hauteur de leur réputation. On vous partagerait bien la setlist, mais impossible de mettre la main dessus. De petits elfes nous l'ont soufflée à l'oral, mais comme c'était en Islandais, on n'a rien compris.
KING DUDE
Évidemment, la fosse de Petit Bain s'est bien remplie pour accueillir la star de la soirée et son "apocalyptic folk", sorte d'americana sinistre et biblique sous l'infuence, entre autres, de Nick Cave (toujours lui), Leonard Cohen ou Johnny Cash. T.J. Cowgill se pointe avec un line-up complet : ce soir, ils sont cinq sur scène et ils attaquent avec Velvet Rope, single du récent Music to Make War To. L'album est d'ailleurs à l'honneur, squatant le début du set avec comme point d'orgue la très épurée Twin Brother of Jesus à l'ambiance pesante à souhait. La musique de KING DUDE ne transpire pas la joie de vivre et ne se prête pas forcément à la rigolade et pourtant Cowgill est d'humeur plutôt facétieuse et complice (après avoir quitté la scène prématurément la veille à Nantes, agacé par quelques énergumènes agressifs dans le public, c'est rassurant). Entre deux chansons, il raconte être allé à Notre-Dame dans la journée et avoir trouvé ça chiant (on le comprend), ou encore qu'il est ravi de revenir pour la énième fois à Petit Bain, salle-bâteau dont il aimerait lâcher les amares pour que l'on dérive tous ensemble jusqu'à devenir cannibales. Ces petites touches de légèreté font du bien et permettent au set de respirer, de manière à ce que les morceaux n'essoufflent pas leur impact sous cette atmosphère pesante de bout en bout. D'ailleurs, Deal With the Devil et Death Won't Take Me viennent casser l'ambiance lugubre des titres du dernier album, particulièrement déprimant, alors que le crooner s'amuse à faire sa plus grosse voix possible, la soignant à coups de lampée de bourbon. KING DUDE, sur scène, c'est quand même la très grande classe. Ses musiciens sont tous tirés à quatre épingles, plus élégants les uns que les autres... on est même à la limite du too-much parfois, à l'image de ce que l'artiste propose en studio. L'équilibre est précaire, mais le numéro réussi : certes, on flirte parfois avec une pose trop calculée pour ne pas faire sourire, sans pour autant sombrer dans la caricature. Histoire de rappeler qui est le boss, après la très post-punk Dead Before the Chorus, Cowgill revient seul sur scène pour un rappel de trois morceaux, grattant sa guitare ou pianotant sur son clavier. Le timing était serré et on n'a pas franchement vu le temps passer au cours des trois concerts. Certes, c'est passé très vite mais on peut se consoler en se disant que, quoi qu'il arrive, on retrouvera probablement KING DUDE l'an prochain au même endroit. Merci à Garmonbozia d'avoir organisé cette belle soirée et à Tangui pour l'accred photo !
Setlist :
01. Velvet Rope
02. I Don't Write Love Songs Anymore
03. Twin Brother of Jesus
04. In the Garden
05. Deal With the Devil
06. Death Won't Take Me
07. I Wanna Die at 69
08. Silver Crucifix
09. Jesus in the Courtyard
10. Dead Before the Chorus
11. God Like Me
12. River of Gold
13. Lucifer's the Light of the World